Physique de videur de boîte de nuit, tatouages tribaux, colliers et bijoux de revendeur de bagnoles, crâne tondu au cran d'arrêt comme celui d'un taulard de nanar américain. C'est un poil réducteur, mais pratique pour décrire la dégaine de ce pourtant très officiel secrétaire général adjoint du syndicat «France Police». Un groupe certes en marge, mais très bruyant, qui «embarrasse» plus volontiers les agents qu'il ne les défend. Il faut dire qu'un gardien de la paix qui passe ses journées à chercher la bagarre, on n'en croise pas tous les jours.
A 46 ans, Bruno Attal n'a plus le coeur assez solide pour foncer sur le terrain au moindre appel de la centrale. Il a en revanche l'endurance nécessaire pour débouler sur Twitter au moindre petit pet qui sent la polémique. D'autant plus lorsqu'il s'agit de secourir, coûte que coûte, ses collègues contre la «racaille», la «presse déconnectée» ou la «gauche bisounours». Mardi, après le coup de feu fatal et à bout portant d'un policier, tuant le jeune Nahel, 17 ans, le molosse assermenté s'est évidemment rué sur son clavier pour scandaliser loin à la ronde.
En réalité, Bruno Attal répondait à la députée écologiste Sandrine Rousseau, elle aussi très encline à nourrir Twitter pour tout et parfois rien. Quand le flic défend le flic, la gauche parle «condamnation à mort», sinon «exécution». Pour le coup, dans sa deuxième phrase, le syndicaliste à poigne n'a pas tout à fait tort, tant le drame se retrouve (une nouvelle fois) remixé par les deux extrémités de l'échiquier politique hexagonal.
Un coup de gueule qui pourrait bien être son dernier, lui qui ne compte plus les accusations pour «manquement au devoir de réserve». Du moins sous la bannière de ce «syndicat» qui ne survit qu'à grand renfort de clashs et sous les applaudissements d'une bonne partie de l'extrême droite.
Mercredi après-midi, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, a saisi le procureur de la République et annoncé vouloir trouver la parade pour «dissoudre» ce qu'il considère comme un «groupuscule». On apprend d'ailleurs, par communiqué, que le principal intéressé a été révoqué, selon une demande officielle du conseil de discipline de la Police nationale signée par Darmanin en... mars dernier.
Ce qui n'a pas empêché Bruno Attal, dans la foulée, d'aligner les invectives en rafale et les vidéos censées «prouver que le policier de Nanterre est innocent». Et ce, bien avant que la moindre enquête n'arrive à ses fins. Dans l'une des séquences, on le voit d'ailleurs donner de sa personne, solaires sur le pif et accoudé à une vieille décapotable, en pleine démonstration par l'exemple.
Ridicule? Pas tant que ça. Le Fred et Jamy de la droite policière a toujours eu à coeur de démontrer en montrant sa gueule. Quitte à dire, souvent, n'importe quoi, mais à une audience littéralement pendue à ses lèvres. Ses comptes de réseaux sociaux surchauffent, ses soutiens soutiennent, ses ennemis dénoncent. On n'est pas loin d'un véritable savoir-faire médiatique noyé sous la sauce populiste, qu'il bichonne depuis environ trois ans: 60 000 followers sur YouTube, 4 000 de moins sur Twitter et des relais dans une poignée de micros peu regardants, comme ceux de Sud Radio ou de Cyril Hanouna.
De «Touche pas à mon flic» à «Touche pas à mon poste!», de l'influenceur pro-flic au candidat Reconquête! aux législatives, Bruno Attal n'a jamais été du genre à planquer ses amourettes plus ou moins problématiques. Comme son amitié de longue date avec Eric Zemmour. Sa soif de lumière, sa haine de «la racaille» et des «tueurs de flics» le feront progressivement glisser dans les marges. Au point que ses (très) nombreuses prises de parole lui offriront pléthore de coups de règle sur les phalanges par l'IGPN, la police des polices.
Il faut rembobiner jusqu'en 2020 pour trouver le détonateur médiatique sur lequel Bruno Attal ne s'est pas gêné d'appuyer. Le 21 novembre, le producteur de musique Michel Zecler est tabassé par quatre policiers en service. La scène, filmée par des caméras de surveillance, est mise en ligne par le jeune média Loopsider. La France entière en a le souffle coupé. Les quatre agents sont très vite mis en examen pour «violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique». Avec plusieurs circonstances aggravantes, dont celle de «racisme».
C'est là que Bruno Attal fait irruption sur la scène médiatique, en force et en plein débat sur les violences policières. Une première fois sur sa chaîne Youtube, en février 2021, sans aucun autre élément que sa seule jugeote, l'ex-flic va flirter avec un fort sentiment de persécution, rejetant tout élément de l'enquête qui pourrait nuire aux quatre policiers.
Sa première démonstration coup de poing sera un franc succès. Comme le rappelle StreetPress, après avoir été partagée par des médias comme Le Figaro ou Valeurs Actuelles, sa vidéo tapera dans l'oeil de Cyril Hanouna. Le début d'une grande histoire d'amour avec l'extrême droite (même s'il s'en défend) et au plus grand désespoir des agents de police sur le terrain, qui «imaginent le pire» à chaque fois qu'il prend la parole. C'est-à-dire en permanence.
Or, ce commentateur musclé et en colère a bien démarré sur le terrain. Un gosse de Garges-lès-Gonesse, dans le Val-d'Oise, qui fait ses premiers pas dans la police juste après avoir fêté ses vingt-cinq printemps. Assermenté l'année suivante, il ne se hissera pas plus haut que gardien de la paix, mais touchera un peu à tout, comme le rappelle Marianne: proximité, stupéfiants, brigade des mineurs, brigade des chemins de fer.
Dans les années 2000, il déposera arme et insigne quelque temps pour tenter de réussir dans le business. D'abord rédacteur en chef (bénévole) d’un magazine télé LGBT, baptisé Equivok TV, il tentera ensuite de lancer une appli de rencontre gay, «Nomytho». Un semi-flop.
Désormais la cible du ministre de l'Intérieur, il est probable que Bruno Attal, influenceur de 46 ans, se radicalise davantage encore, lui qui était déjà minoritaire au sein des forces de l'ordre.