La Biélorussie a envoyé, dimanche, un chasseur intercepter un avion de ligne. A son bord se trouvait un militant de l'opposition, Roman Protassevitch, qui a été interpellé à son arrivée à Minsk par les services de sécurité du régime d'Alexandre Loukachenko.
Roman Protassevitch est l'ancien rédacteur en chef de Nexta, un média ayant joué un rôle-clé dans la récente vague de contestation de la réélection en 2020 du président Alexandre Loukachenko, qui occupe ces fonctions depuis 1994. Fondé en 2015, Nexta («Quelqu'un» en biélorusse) avait notamment coordonné les rassemblements à travers le pays, diffusant des mots d'ordre et permettant de partager les photos et les vidéos des rassemblements et des violences.
Quelques heures après sa descente d’avion, l’opposant biélorusse est d’ores et déjà détenu. Il est en détention provisoire dans une prison de la capitale Minsk, a indiqué lundi la porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Dans la soirée, sa mère a affirmé à des médias d’opposition biélorusses que son fils était peut-être hospitalisé à Minsk à cause de problèmes cardiaques. « Ces informations sont fausses », a réagi le ministère, qui ajoute que le militant se trouve dans la Maison d’arrêt N°1 dans le centre de la capitale.
Il s'agit du vol Athènes-Vilnius de la compagnie Ryanair. L'avion, un Boeing 737, est arrivé à destination avec plusieurs heures de retard, à cause d'un atterrissage d'urgence à l'aéroport de Minsk, en Biélorussie.
Selon les autorités, l'avion a dévié de sa trajectoire à cause d'une «alerte à la bombe». Le président Alexandre Loukachenko a donné l'ordre personnellement à un avion de chasse MiG-29 d'intercepter le Boeing de Ryanair. L'aéroport de Minsk a ensuite affirmé que l'alerte s'était révélée «erronée».
❗️Voici les images de l’avion de chasse MiG-29, qui accompagnait le vol Ryanair #FR4978 suite à la fausse alerte à la bombe. Une opération suivie de près par Loukachenko afin d’arrêter le journaliste Raman Pratasevich. #Bélarus pic.twitter.com/Fhp6kUhFuB
— Andreï VAITOVICH (@andreivaitovich) May 23, 2021
Une fois que l'avion s'est posé, des chiens sont montés à bord pour vérifier s'il n'y avait pas une bombe, et puis les forces biélorusses ont arrêté Roman Protassevitch et l'ont fait descendre de l'avion, racontent des voyageurs. Sa compagne et quatre autres personnes n'étaient pas remontées à bord quand le Boeing a redécollé pour Vilnius.
En novembre dernier, les services de sécurité biélorusses (KGB), hérités de la période soviétique, avaient placé Protassevitch et le fondateur de Nexta, Stepan Poutilo, sur la liste des «individus impliqués dans des activités terroristes».
L'arrestation de Roman Protassevitch a suscité une vague d'indignation mondiale. Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, réunis en sommet lundi et mardi, discutent de «possibles sanctions» de l'UE contre la Biélorussie.
L'UE a décidé lundi soir de fermer son espace aérien aux appareils du Bélarus. Les 27 Etats membres, réunis en sommet à Bruxelles, ont également demandé à leurs compagnies aériennes d'éviter le survol du Bélarus et réclamé «la libération immédiate» de l'opposant Roman Protassevitch et de sa compagne.
L'Allemagne a réclamé une «explication immédiate» après le déroutage de l'avion. Le président de la Lituanie, Gitanas Nauseda, a quant à lui dénoncé «un événement sans précédent», accusant le régime biélorusse d'avoir été derrière «cet acte abject».
Aux Etats-unis, Joe Biden «condamne de la façon la plus ferme le déroutement de l'avion et l'arrestation de Roman Protassevitch.»
Balayant les critiques internationales, les autorités biélorusses ont assuré lundi avoir agi «en conformité avec les règles internationales».
A l'été et à l'automne derniers, Loukachenko a été confronté à mouvement de contestation historique ayant rassemblé pendant plusieurs semaines des dizaines de milliers de personnes à Minsk et dans d'autres villes, une mobilisation énorme pour un pays d'à peine 9,5 millions d'habitants.
Mais la protestation s'est progressivement essoufflée face à des arrestations massives, des violences policières ayant fait au moins quatre morts, un harcèlement judiciaire permanent et de lourdes peines de prison infligées à des militants et à des journalistes.
L'arrestation du militant a été immédiatement condamnée par la figure de l'opposition biélorusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa. Sur Twitter, elle a assuré que le régime avait «forcé» à l'atterrissage l'avion de Roman Protassevitch qui, selon elle, «encourt la peine de mort», watson l'avait interviewée 👇.
(jah/asi/ats)