Vladimir Poutine a entraîné la Russie dans une guerre lourde de conséquences en Ukraine. Ce que le président russe avait prévu comme une courte opération militaire visant à installer un gouvernement pro-Kremlin à Kiev s'est transformé en un conflit prolongé et sanglant. Il n'est pas du tout certain que l'armée russe puisse la gagner.
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Les conséquences de ce mauvais calcul pèsent lourd pour la Russie:
Mais qu'est-ce que cela signifie pour les dirigeants russes? Le journaliste d'investigation Roman Anin est certain que la lutte pour la succession du président fait déjà rage dans les cercles du pouvoir russe. Mais même pour les experts, il est extrêmement difficile de jeter un coup d'œil derrière les coulisses du Kremlin. Jusqu'à présent, il y a surtout de petits signes qui pourraient indiquer que Poutine est de plus en plus sous pression.
«Poutine a plus de 70 ans. Ce n'est plus un jeune homme. Cela signifie que son entourage est conscient qu'il mourra ou se retirera le plus tôt possible», a déclaré Anin à Radio Free Europe, média financé par les Etats-Unis.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes: l'espérance de vie moyenne des hommes russes en 2022 était de 64,7 ans. Poutine a 70 ans, sans parler des rumeurs qui le veulent atteint de plusieurs maladies graves.
Par le passé, ces rumeurs étaient plutôt exprimées dans le ton du désespoir, car il ne semblait pas envisageable qu'un changement de pouvoir politique puisse avoir lieu en Russie. L'opposition est encore faible, les opposants de Poutine ont fui à l'étranger ou sont en prison.
De nombreux experts russes s'accordent donc pour dire qu'un changement de pouvoir en Russie ne pourrait être initié que par le cercle restreint du président.
Mais la guerre en Ukraine pourrait bien être à l'origine de cette impulsion, selon Roman Anin. «La guerre des clans pour le trône de Poutine a commencé, mais cela ne veut pas dire qu'ils veulent le renverser», a-t-il expliqué. Le terme «clan» fait ici référence à l'élite du pouvoir russe, le cercle restreint autour du président.
C'est pourquoi ils chercheraient désormais à sauver leur pouvoir et leur fortune et à éviter d’être inculpés de criminels après un éventuel changement de pouvoir.
Il est en effet évident que l'inquiétude grandit au sein de la direction russe. Ainsi, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgu, le chef du groupe Wagner Evguéni Prigojine ou encore le commandant en chef des troupes russes en Ukraine, Valéri Guerassimov, s'affrontent en public. Anin voit derrière tout cela une lutte de pouvoir dans laquelle les principaux acteurs du cercle de Poutine se battent avec leurs partisans pour la succession au sommet. «Nous espérons tous que l'Ukraine sera victorieuse sur le champ de bataille. Mais cela signifierait le début du chaos en Russie».
Par le passé, Poutine a bénéficié de ces luttes au sein de sa structure de pouvoir, car les personnes de son cercle de pouvoir dépendaient principalement de sa bonne volonté. Cela a toujours consolidé son pouvoir.
«Ce n'est manifestement pas le cas aujourd'hui, car ces affrontements publics ne consolident absolument pas le pouvoir du président», poursuit Roman Anin. «C'est plutôt l'inverse. Ils le rendent plus faible».
Jusqu'à présent, Poutine ne semble pas vouloir ni pouvoir mettre un terme aux querelles. Il s'agit peut-être de sa stratégie pour diriger l'attention sur ses subordonnés et se déresponsabiliser des revers subis en Ukraine. Mais pour le chef du Kremlin, la situation est sans aucun doute dangereuse.
«Les choses peuvent changer et évoluer très rapidement, et je crains que nous ne soyons qu'à un pas du début d'un véritable chaos en Russie», déclare Anin. «A moins que Poutine ne décide de retirer ses troupes, de fermer la Russie, d’imposer une dictature militaire, d'arrêter tous ses ennemis et de transformer finalement le pays en Corée du Nord». Pour le journaliste, cela ne fait aucun doute:
Mais l'analyse du journaliste s'appuie avant tout sur des indices. Il considère par exemple le retrait des mercenaires de Wagner de Bakhmout comme un signe que Prigojine se met en position pour un éventuel changement de pouvoir. «Si vous lisez les déclarations publiques de Prigojine et de nombreuses autres personnalités russes, ils ont déjà commencé à critiquer Poutine», explique Anin. «Ils disent déjà qu'il trahit le pays».
Mais jusqu'à présent, Prigojine s'est surtout fait remarquer par ses critiques à l'encontre du commandement de l'armée, renonçant à des attaques directes contre Poutine. Car le chef de Wagner dépend lui aussi du président russe. Sans lui, ses mercenaires ne reçoivent ni armes ni munitions.
Chez les opposants comme Anin, les analyses évoquent souvent l'espoir que quelque chose pourrait changer politiquement en Russie. Pourtant, aucun successeur potentiel ne peut incarner ce changement.
Roman Anin ne se fait pas non plus d'illusions à ce sujet. «Je crains que quelqu'un d'encore pire puisse gagner cette lutte pour le pouvoir. Imaginez que Prigojine gagne et que le pays disposant du deuxième plus grand arsenal nucléaire soit aux mains d'un criminel notoire», a-t-il déclaré. Un «criminel fou» qui est encore pire que Poutine. «J'espère que l'Occident aura un plan pour agir dans ce cas.»
Traduit et adapté par Pauline Langel