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Comment Poutine sème le chaos dans sa propre armée

Poutine a nommé quatre commandants généraux des opérations de l'armée russe en Ukraine.
Poutine a nommé quatre commandants généraux des opérations de l'armée russe en Ukraine.keystone/montage watson

Poutine sème le chaos dans sa propre armée

Le commandant général des opérations en Ukraine est un poste crucial. Et pourtant, Poutine nomme et vire les responsables de l'invasion comme il change de chemise. Un choix volontaire, mais contre-productif.
08.05.2023, 06:0908.05.2023, 12:14
Daniel Mutzel
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t-online

L'invasion russe de l'Ukraine ne s'est pas déroulée comme prévu, et ce dès le début: l'opération ne devait durer que quelques jours, mais la grande attaque contre Kiev au printemps dernier a échoué. Ceci principalement parce que le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, avait sous-estimé la résistance ukrainienne.

Selon le groupe de réflexion américain «Institute for the Study of War» (ISW), le président russe a commis une autre grave erreur: il a constamment changé la personne chargée de commander les opérations en Ukraine. Bien qu'il s'agisse d'un poste crucial.

Les conséquences en ont été dramatiques. Le refus de Poutine de nommer un commandant en chef a entraîné la formation de fractions au sein de l'armée russe, «des structures de commandement désorganisées et des attentes irréalisables», écrit l'ISW dans une analyse.

La peur d'une rivalité interne

Cela s'explique, selon l'ISW. En agissant de la sorte, le chef du Kremlin aurait voulu se montrer comme étant le «maître d'œuvre» d'une invasion réussie de l'Ukraine et empêcher que l'opinion publique russe n'attribue la victoire attendue non pas à lui, mais à un commandant éventuellement populaire.

Poutine, même sans expérience militaire significative, aurait craint un rival interne «qui aurait pu lui voler la vedette». L'institut établit une comparaison avec la lutte pour le pouvoir entre Staline et le maréchal de l'Union soviétique, Gueorgui Joukov, pendant la Seconde Guerre mondiale: Staline n'avait qu'une expérience limitée de la guerre et était, selon les rapports, jaloux des succès militaires et de la renommée de Joukov.

Ce problème se retrouve tout au long du déroulement de la guerre depuis février 2022, explique l'ISW dans son analyse. Au début de l'invasion de l'Ukraine, le poste de commandant en chef de l'Ukraine est resté vacant: les dirigeants russes ont d'abord cru pouvoir envahir le pays voisin en quelques jours. Ils n'ont visiblement pas jugé nécessaire de nommer un responsable qui aurait une vue d'ensemble de toutes les opérations militaires en Ukraine.

L'arrivée (et le départ) de Dvornikov

Ce n'est qu'en avril, lorsque l'armée russe a perdu la bataille de Kiev et a transféré ses forces dans le Donbass, que Poutine a nommé pour la première fois un commandant en chef pour toutes les opérations militaires en Ukraine: le général Alexandre Dvornikov qui commandait en même temps le district militaire russe du sud.

FILE - Russian President Vladimir Putin, left, poses with Col. Gen. Alexander Dvornikov during an awarding ceremony in Moscow's Kremlin, Russia on March 17, 2016. Dvornikov was appointed the new  ...
Alexandre Dvornikov a été le premier responsable des opérations en Ukraine.Image: sda

Mais Dvornikov n'est pas resté longtemps en poste: lorsqu'il n'a pas réussi à conquérir l'ensemble du Donbass avant l'important «jour de la victoire» du 9 mai, Poutine a mis un nouveau commandant à sa place: Guennadi Jidko, qui a été promu en même temps commandant du district militaire russe de l'Est.

Selon l'ISW, le fait que les responsables de l'invasion commandaient en même temps des districts militaires russes était intentionnel: la responsabilité d'un autre poste moins élevé avait pour but de mettre le commandant en chef sur un pied d'égalité avec les autres commandants des districts militaires russes et d'éviter ainsi un rôle trop important.

Ce n'est que huit mois après le début de la guerre que Poutine a nommé un commandant en chef chargé de la guerre en Ukraine qui n'avait pas d'autres responsabilités, et seulement après que plusieurs revers importants aient été enregistrés, selon l'ISW.

Rotations de personnel

D'autres rotations de personnel ont suivi à la tête du commandement militaire russe. Le chef du Kremlin les aurait toujours fait dépendre de la situation militaire du moment. Après les succès partiels dans les batailles d'usure de Lyssytchansk et de Severodonetsk dans le Donbass, des généraux russes qui ne faisaient pas partie jusque-là du cercle le plus étroit du pouvoir ont été promus. C'est également à cette époque que la milice de mercenaires Wagner et son chef, Evgueni Prigojine, se sont fait un nom.

Même les alliés les plus proches n'ont pas été épargnés lorsque le président était frustré par le déroulement de la guerre, écrit l'ISW. Après l'humiliante défaite russe dans la région de Kharkiv en septembre 2022, lorsque les forces armées ukrainiennes ont écrasé les positions russes en un éclair, Poutine a retiré sa confiance à son chef d'état-major général Valeri Guerassimov. Le président a ensuite nommé en octobre Sergei Sourovikine comme nouveau commandant en chef. Il ferait partie des forces militaires opposées à Guerassimov et serait proche de Prigojine, le chef de Wagner.

Mais pour Sourovikine aussi, en janvier, c'était déjà fini. Après que celui-ci, comme ses prédécesseurs, n'ait pas apporté les succès militaires escomptés, il a dû quitter son poste. Depuis, Valeri Guerassimov occupe non seulement le poste de chef d'état-major général de l'armée russe, et donc de numéro deux au sein de l'armée du Kremlin après le ministre de la Défense Sergueï Chouïgou, mais également celui de commandant en chef de toutes les opérations en Ukraine.

Valeri Guerassimov est le responsable des opérations en Ukraine depuis le 11 janvier.
Valeri Guerassimov est le responsable des opérations en Ukraine depuis le 11 janvier.Image: AP

Un style qui ne convient pas à la direction d'une armée

Actuellement, Poutine ne peut pas se permettre de démanteler le loyal Guerassimov, estime l'ISW, même si l'offensive hivernale des Russes n'a guère eu de succès et que Bakhmout n'a toujours pas été conquise. Le chef du Kremlin est en partie responsable de ses erreurs dans la guerre en Ukraine, résume l'analyse de l'ISW.

Sa «préférence pour les changements de personnel» est «caractéristique de son style de gestion de la politique intérieure» qui consiste à ne pas laisser les rivaux internes devenir trop puissants et à les monter les uns contre les autres. Ce style politique ne convient toutefois pas «à la direction d'une armée qui se trouve dans une guerre coûteuse».

L'ISW part toutefois du principe que Poutine maintiendra son cap: ainsi, la contre-offensive ukrainienne à venir et la réaction de l'armée russe détermineront quels commandants seront ensuite promus ou limogés. (dm)

Traduit et adapté par Nicolas Varin

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