Pour beaucoup, le lait fait partie de l'image de la Suisse au même titre que le chocolat et le fromage. Enfant, il faisait également partie de mon quotidien. J'en buvais de grandes quantités. Le lait, et j'entends par là uniquement le lait de vache (voir l'encadré ci-dessous: Que peut-on appeler «lait»?), est quelque chose de bien suisse et il est aussi profondément ancré dans la vie des Américains. Etant moi-même fille d'un Davosien et d'une Américaine, c'est peut-être pour cela que j'en ai bu d'autant plus. Durant mon année d'échange aux Etats-Unis, mon image s'est confirmée: à la cantine, nous avions tous les jours un carton de lait à disposition pour le repas de midi. Comme dans les films. L'objectif? Que nous devenions tous grands et forts! Et pour cela, nous avions besoin de calcium et d'autres nutriments fournis par le lait.
Le lait est-il le seul ou le meilleur choix, qu'en est-il du climat et du bien-être des animaux? Ces questions sont complexes. Celle de l'empreinte CO2 fera l'objet de mon prochain article. Je donne ici exclusivement ma vision des choses. Voici donc mes souvenirs d'enfance autour du lait et comment mon opinion sur le lait a évolué au fil des ans.
Enfants et parents se rassemblaient autour du véhicule dès que la cloche retentissait. Les premiers achetaient des tranches au lait, les seconds remplissaient leurs bidons métalliques de lait frais provenant directement de la ferme. Le camion de lait était clairement un succès et la douceur des tranches au lait reste encore aujourd'hui dans mon palais.
J'ai grandi à 30 minutes de Zurich dans un hameau agricole. Nous étions au milieu de la nature, des forêts, des champs de maïs et de céréales, des vergers de pommiers, et il y avait toujours beaucoup de vaches qui broutaient paisiblement dans des prairies verdoyantes. Le tintement constant de leurs cloches constituait le paysage sonore apaisant de mon enfance. L'odeur du fumier était parfois répugnante, mais complétait ce cadre idyllique de campagne où les animaux et les hommes vivaient en harmonie.
Je ne savais en revanche pas s'il y avait des fermes biologiques dans le village, ni même ce qu'était le «bio». Je ne me souviens pas non plus si les vaches avaient des cornes ou non. Ce dont je me souviens, c'est d'avoir reçu une décharge par la clôture électrique qui entourait les vaches. Ou quand une personne qui a touché la clôture a pris les autres par la main pour qu'ils ressentent l'électricité beaucoup plus fort. Bref, les joies d'une enfance à la campagne :)
Mais revenons aux cornes: dans mon imaginaire d'enfant, peut-être que seuls les mâles portaient des cornes, et pas les femelles? Je pensais aussi que les vaches donnaient toutes du lait, sans me demander pourquoi. Et les petits veaux étaient heureux aussi. Mais tiens, bizarre, je ne les voyais pas souvent dans le pâturage avec leur mère et le troupeau. Plus je grandissais, plus j'avais de questions...
J'ai remarqué que dans certaines fermes, les veaux étaient gardés dans de petits boxes igloo en plastique. Seuls et dans un espace si étroit qu'ils pouvaient à peine tourner sur eux-mêmes. Ils me regardaient avec curiosité de leurs grands yeux aux longs cils. Lorsque je m'approchais d'eux pour les caresser, ils me poussaient avec leur nez doux et humide et léchaient ma main. Ou bien ils disparaissaient, timides, dans leur box beige.
Quand j'ai eu treize ans, les grandes questions sont apparues. Il n'était plus seulement question de cornes, de lait et de veaux, mais aussi de viande et de LA question: comment les animaux sont-ils abattus? J'ai surfé sur Internet et je suis rapidement tombée sur des rapports détaillés à propos des abattoirs. Sur le transport jusqu'à l'abattoir, qui peut être très long. Sur la peur des animaux en attendant de mourir. Sur la façon dont ils sont tués. Sur le fait qu'ils souffrent. Et tout ça pour une bouchée de viande dans notre assiette. Un plaisir qui se termine au bout de dix minutes. Le hamburger et la mauvaise conscience (?) ne pèsent que sur l'estomac. Ado, je suis devenue végétarienne pendant une longue période.
Mais je ne pensais pas à la production de lait, de fromage et tout le reste. Je ne voyais aucun lien ou parallèle avec la consommation de viande. Ce n'est que des années plus tard que j'ai pris conscience des effets sur les animaux et le climat. Je ne savais pas que les vaches sont généralement inséminées de force, que les veaux leur sont généralement retirés peu de temps après et que le lait ne nous est pas destiné. Mais contrairement à certains Américains, j'ai compris très tôt que le lait ne sortait pas d'un carton.
Lait, viande, produits laitiers d'un côté, bien-être animal et climat de l'autre: j'avais la tête qui tournait et je l'ai toujours. Quels sont les types d'élevage et labels concernant les animaux? Que signifient-ils? Quelles sont les causalités à prendre en compte dans la réflexion sur le climat et les animaux? La question étant très complexe, il ne sert à rien de diaboliser l'ensemble de l'industrie ou de faire des généralités. Et de toute façon, les extrêmes qui se montrent du doigt les uns les autres compliquent les choses.
Ces dernières années, je suis passée presque exclusivement à la boisson au soja. Ma motivation de base: elle reste fraîche plus longtemps, ce qui est particulièrement important dans un ménage composé d'une seule personne. J'ai également l'impression que mon corps tolère mieux les boissons à base de plantes. Cela me donne aussi une meilleure conscience envers les animaux et l'environnement. S'il n'y a pas d'alternatives au lait dans le café, je continue de temps à autre à boire du lait de vache dans mon cappuccino, à titre exceptionnel.
Je continue à consommer beaucoup de produits laitiers. Du fromage, rarement du beurre, occasionnellement du yogourt à base de lait de vache. Mais j'aime aussi essayer les alternatives au fromage et je préfère maintenant les yogourts au soja et à la noix de coco. Notamment parce qu'ils contiennent moins de sucre. Vous voyez, je ne suis pas aussi cohérente que je voudrais l'être. Il me faut souvent un temps fou pour faire mes courses, car je reste bloquée devant les rayons sans savoir quelle est l'option la plus durable. Je fais de mon mieux. Je me demande si c'est suffisant... La conclusion de chaque article de «Madame Durabilité» pourrait être: Mon «mieux» peut toujours être optimisé... ce qui peut démotiver, exaspérer ou donner un sentiment d'impuissance. J'essaie de rester curieuse, de tenter de nouvelles choses et d'éprouver du plaisir à le faire. Est-ce aussi votre cas?