En 1906, le richissime éditeur américain James Gordon Bennett Jr. (1841-1918), fondateur de l’International Herald Tribune organisait la première compétition de montgolfières à Paris, un événement qui allait donner naissance à la Coupe aéronautique Gordon Bennett. Le mécène, amoureux des sports, venait, six ans plus tôt, de créer la Coupe automobile Gordon Bennett, ouvrant la voie aux futures courses de Grand Prix. Flamboyant, erratique, constamment entouré de femmes, le mécène avait été un marin expérimenté qui avait servi durant la Guerre de Sécession sur un navire de guerre nordiste; un amour de la navigation qui l’avait poussé, en 1876, à créer la Coupe Gordon Bennett pour la plaisance internationale.
Son idée en 1906 était simple: parcourir par les airs la plus grande distance, et sans moyen de propulsion autre que les courants atmosphériques. En 1921, le Bernois Paul Armbruster et le Genevois Louis Ansermier avaient en l’occurrence remporté la prestigieuse Coupe en se posant sur une île irlandaise après avoir décollé de Bruxelles.
Les deux hommes n'étaient toutefois pas les premiers Suisses à remporter la Coupe. En 1908 déjà, deux Suisses avaient volé «sur la plus longue distance». Emil Messner et Theodor Schaeck avaient réussi à atteindre Bergseth en Norvège à bord de leur ballon «Helvetia» et avaient parcouru 1190 kilomètres.
Le règlement stipulait que la prochaine édition de la compétition devait être organisée par le pays de l'équipe gagnante. C'est ainsi qu'en 1909 à Zurich et en 1922 à Genève, deux grandes manifestations eurent lieu en Suisse en l'espace de quelques années.
En août 1922, la compétition était ainsi organisée à Genève. Un véritable festival sportif puisqu'en parallèle de l’événement aérien, la société nautique de Genève organisait le championnat d'aviron de Suisse romande, ainsi qu’une série de régates.
Loin du lac, le départ des montgolfières était prévu à Châtelaine. Le 3 août, troisième jour de la compétition, les ballons partirent toutes les trois minutes au son de l’hymne national de leur pays d’origine. Vingt montgolfières représentant sept nations étaient alors en lices: deux équipages belges, trois italiens, trois français, deux espagnols, deux américains, deux anglais et six suisses, pour une drôle de manche!
Certains se souviendront peut-être du film britannique de 1965 Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines dans lequel jouaient Terry-Thomas, Robert Morley ou Jean-Pierre Cassel et qui évoquait la course inventée par James Gordon Bennett. Il n’en alla pas autrement à Genève en 1922. La manche du 3 août prévoyait en effet une poursuite effectuée par des voitures roulant à tombeau ouvert sur de petits chemins de campagne dont la plupart n’étaient pas encore bitumés, le Rallye-ballon-automobile; des montgolfières servant de «ballons-renards» pour les bolides démarrant quant à elles en même temps. On peine à imaginer de nos jours sur nos routes et à travers champs – puisque les automobiles ne se limitèrent pas au cours de l’épreuve aux routes – une épreuve sportive internationale de cette nature. Autre temps, autres mœurs!
Deux ballons de ces «merveilleux fous volants» devaient en l’occurrence se poser à proximité de Perly-Certoux. Le premier, le Berne, piloté par le vainqueur de l’année précédente, Paul Armbruster, se posa à quelques centaines de mètres de Saint-Julien alors que la seconde montgolfière également suisse, le K.-6, atterrissait délicatement à côté de la douane à la stupéfaction des fonctionnaires en poste. Après une course épique, les Suisses John Gallay et le major Gerber devaient remporter la victoire de cette journée sur l’Azurea, un ballon qui appartenait à l’industriel genevois Léon Givaudan.
Le clou du spectacle était toutefois prévu pour le dimanche 6 août avec la course au long cours. Devant 50 000 spectateurs, les concurrents prirent leur envol dans l’après-midi pour une destination que personne ne connaissait. Le ballon français Picardie devait en l’occurrence atterrir à More en Hongrie, tout comme L’Uncle Sam américain qui se posa à Tapio, également en Hongrie. Les vainqueurs furent toutefois les Belges Ernest Demuyter et A.Veenstra, sur le Belgica avec un parcours de 1372,1 kilomètres, en atteignant Ocnitza, en Roumanie. Ernest Demuyter avait déjà remporté l’épreuve en 1920 et devait encore la gagner en 1923, 1924, 1936 et 1937. Paul Armbruster finirait quant à lui à la septième place et Louis Ansermier à la 17e place.