Sans l’aide des Alliés, la résistance dans les vallées de l’Ossola n’aurait eu aucune chance. Le soutien des Britanniques et des Américains était avant tout lié à la situation géopolitique de la Suisse, Etat neutre. Cette situation changea du tout au tout à la fin de l’année 1942.
L’invasion de la zone libre sous l’autorité du gouvernement de Vichy en novembre par les troupes allemandes et italiennes marqua la fermeture du couloir terrestre entre la Suisse, l’Espagne et le Portugal. Pour beaucoup, dont de nombreux prisonniers de guerre alliés en fuite, il ne restait donc plus qu’un seul moyen d’échapper aux troupes germano-fascistes: franchir la frontière suisse.
L’armistice conclu entre l’Italie et les Alliés le 8 septembre 1943 permit à quelques centaines de prisonniers de guerre alliés de s’échapper des camps de Novare, Biella et Varèse, laissés momentanément sans surveillance. Ils cherchèrent à rejoindre la Suisse, dont la frontière sud n’était que peu surveillée durant ces quelques semaines suivant l’armistice. Les itinéraires franchissaient le massif du Mont-Rose, la chaîne des Alpes au col de Monte-Moro ou le lac Majeur. Les évadés ne pouvaient cependant traverser ce dernier par leurs propres moyens. C’est là que les résistants italiens entrèrent en jeu.
Certains des premiers groupes de partisans dans la région, comme les brigate Cesare Battisti, arrangeaient le passage en Suisse moyennant paiement. Cette unité de partisans active sur les rives du lac Majeur avait pour atout que son chef Armando Arca Calzavara parlait bien l’anglais. Selon des procès-verbaux des autorités suisses, quelque 10 000 lires par personne étaient réclamées pour franchir clandestinement la frontière. L’équivalent du salaire mensuel d’un simple ouvrier à cette époque.
D’un point de vue financier, il était moins intéressant pour les partisans de faire passer des prisonniers de guerre alliés en Suisse que des juifs, plus aisés. Ces services étaient pourtant extrêmement importants sur le plan logistique, puisqu’il n’était pas rare que le paiement prenne la forme de parachutages de matériel par les Alliés. Les groupes de partisans modérés furent les premiers à tirer parti de ce commerce. Les unités Garibaldi, communistes, en étaient généralement exclues, et reçurent donc moins de ravitaillement par avion. Cette assistance à deux vitesses s’explique notamment par les convictions politiques des fournisseurs, plus ou moins anticommunistes.
Le soutien allié aux partisans de l’Ossola provenait exclusivement du service de renseignement américain Office of Strategic Services (OSS) et de son équivalent britannique, le Special Operations Executive (SOE). Tous deux opéraient depuis la Suisse, où ils jouissaient d’une assez grande liberté. Ils fonctionnaient par ailleurs en quasi autonomie, puisque le pays se retrouva encerclé par les forces de l’Axe et pratiquement isolé du reste du monde à partir de novembre 1942.
Néanmoins, une certaine concurrence existait entre l’OSS, dirigé par Allen Dulles, qui deviendra plus tard le premier directeur de la CIA, et le SOE, dirigé en Suisse par John McCaffery. Des problèmes de coordination se posèrent régulièrement, car Américains et Britanniques n’échangeaient pas suffisamment leurs informations. En outre, le niveau de l’aide alliée ne permit jamais aux partisans de prendre durablement l’ascendant sur les occupants allemands et fascistes car à l’origine, ni l’OSS ni le SOE n’avaient cru à l’hypothèse d’une résistance italienne soutenue.
Parallèlement aux parachutages de matériel et d’argent, le soutien des Alliés prit avant tout la forme d’informations et de savoir-faire. Ce dernier provenait d’agents américains et britanniques rattachés aux groupes de partisans.
L’historiographie de la Resistenza a souvent amplifié cette présence des Alliés dans les vallées de l’Ossola. En réalité, les représentants des Alliés n’étaient rien de plus que des soldats expérimentés élevés au rang d’officiers «sur le terrain». Cette duperie visait à donner l’impression aux partisans d’être des partenaires très appréciés. Ce qu’ils étaient, mais uniquement dans une certaine mesure et s’ils se pliaient à la volonté des Alliés.
On constate ici un autre problème de la résistance dans les vallées de l’Ossola: les Alliés n’étaient nullement intéressés par l’ouverture d’un deuxième front italien, tout au nord du pays. Ils ne voulaient pas davantage créer une puissante armée de partisans à gauche de l’échiquier politique. Enfin, bon nombre de Britanniques n’auraient pas été mécontents de voir la monarchie rétablie en Italie, soit à peu près le contraire de ce pour quoi beaucoup de partisans se battaient.
L’activité soutenue des deux services de renseignement dans le nord de l’Italie, et en particulier dans les vallées de l’Ossola, tient également à la conception suisse de la neutralité. Des commandants de partisans et politiciens italiens, mais aussi des représentants des Alliés, pouvaient en effet franchir la frontière sans problème. Si cette indulgence permettait de soutenir la résistance en Italie voisine, elle illustre également la dépendance totale des partisans de l’Ossola vis-à-vis de la Suisse et des Alliés.
Le 7 septembre 1944, Berne franchit une étape supplémentaire au profit des résistants étrangers. La Directive du commandement de l’armée relative à l’admission de militaires étrangers isolés établit que les groupes de partisans pouvaient désormais être admis sur le territoire suisse tant qu’il ne s’agissait pas de criminels, c’est-à-dire de «bandes de brigands». Ce développement remarquable ne fut cependant pas d’une grande utilité à la République d’Ossola, notamment faute de livraisons de matériel par les Alliés.
Les partisans de l’Ossola bénéficièrent de quelque 30 largages de matériel entre printemps 1944 et avril 1945. Trois missions de liaison furent par ailleurs organisées durant cette période: des agents alliés furent parachutés dans la région avant de rallier Varèse ou Milan, d’où ils coordonnèrent les informations parmi les différentes forces alliées.
Dans l’ensemble, l’aide matérielle des Alliés fut très modeste. À cela s’ajoute le fait qu’une grande partie des cargaisons furent capturées par les occupants ou atterrirent dans des lieux inaccessibles. Moralement, ce soutien contribua toutefois à galvaniser les partisans de l’Ossola et à poursuivre la lutte contre l’occupant allemand et fasciste jusqu’à la fin du conflit, en avril 1945.