Blogs
Suisse

Suisse: L'évolution de l'école de recrues depuis 1848

Suisse: L'évolution de l'école de recrues depuis 1848
Certes, l’armée a radicalement changé depuis la première école de recrues de 1849, mais celles du XXIe siècle pourraient en reconnaître quelques éléments.Image: Bibliothèque am Guisanplatz
Vintage

L'école de recrues suisse a-t-elle évolué en 174 ans? (spoiler: pas pour tout)

Deux fois par an, quelque 8000 à 10 000 jeunes femmes et hommes débutent leur formation à l’école des recrues. L’«ER» de l’armée suisse a presque le même âge que l’Etat fédéral: la première de ce genre a en effet vu le jour le 4 septembre 1849 à Winterthour.
16.07.2022, 07:52
Alexander Rechsteiner / musée national suisse
Plus de «Blogs»

S’il n’y avait pas d’armée fédérale organisée de manière fixe avant 1798, les diverses alliances ayant mené, sur une période de 500 ans, à la création de l’Etat fédéral suisse ont toujours reposé notamment sur la volonté de disposer d’une défense nationale commune. Jusqu’au XVIIe siècle, il n’existait aucune formation militaire centralisée. Les jeunes hommes apprenaient le métier lors de compétitions et de jeux armés, ou auprès de maîtres d’escrime itinérants.

Chacun exerçait ses compétences à l’arc ou à l’arbalète et en faisait la démonstration à l’occasion des fêtes de tir. Les soldats engagés au service étranger se formaient «sur le tas», directement sur le terrain. Forts de nouvelles expériences et d’un savoir-faire accru, ils rentraient ensuite pour constituer le noyau des troupes dans leur patrie et transmettre leurs connaissances.

Fête de tir à Bâle, vers 1610.
https://www.e-rara.ch/zuz/content/titleinfo/11336328
Fête de tir à Bâle, vers 1610.Image: Zentralbibliothek Zürich
Le blog du Musée national suisse
Des histoires passionnantes sur l'histoire de la Suisse plusieurs fois par semaine: on y parle des Romains, des familles d'émigrants ou encore des débuts du football féminin.
blog.nationalmuseum.ch/fr

Quand l’usage de la poudre à canon prit de l’ampleur sur le champ de bataille, il fallut coordonner l’utilisation des diverses armes. Pour la première fois, on disposait d’une artillerie capable de soutenir l’infanterie et la cavalerie. Une instruction et un entraînement adéquats s’imposaient afin de garantir une interaction fluide entre tous les intervenants sur le champ de bataille. Lors de ces exercices organisés à l’échelon régional, appelés «drill», les soldats travaillaient le maniement des armes et les commandements correspondants afin de maîtriser le fonctionnement en formation.

Exercice militaire sur le Platzspitz à Zurich, 1758.
https://www.e-rara.ch/zuz/doi/10.3931/e-rara-65146
Exercice militaire sur le Platzspitz à Zurich, 1758.Image: Zentralbibliothek Zürich

Des différences entre les cantons

L’organisation régionale ayant perduré jusqu’au XIXe siècle, la formation des militaires, en Suisse, incombait aux cantons. On observait, par conséquent, de nombreux systèmes et philosophies différents, avec un niveau d’instruction d’autant plus hétérogène. Dans plusieurs cantons, des entraînements de quelques jours avaient lieu sur les places communales. Dans d’autres, comme à Lucerne, les recrues devaient assister à douze après-midis de formation militaire le dimanche. Dès 1815, certains mirent en place des écoles de recrues centrales, d’une durée d’une à cinq semaines.

En 1820, grande première dans l’histoire suisse, des troupes issues de différents cantons furent convoquées à un même camp d’entraînement près de Wohlen (AG). En moyenne, 3000 hommes participaient à ces préparations. Le jour, ils travaillaient la coordination des diverses armes; le soir, ils profitaient d’une ambiance conviviale. Cela permit à des militaires originaires des quatre coins du pays de faire connaissance. Un sentiment d’appartenance nationale se développa ainsi au sein des troupes par-delà les frontières cantonales.

Premier camp d’entraînement fédéral près de Wohlen, en août 1820.
https://permalink.nationalmuseum.ch/100103104
Premier camp d’entraînement fédéral près de Wohlen, en août 1820.Image: Musée national suisse

Et puisque la Constitution fédérale de 1848 citait comme premier objectif l’indépendance de la patrie contre l’étranger, la défense nationale devint une mission essentielle du jeune Etat fédéral. La Confédération se contenta d’abord de surveiller les activités militaires des cantons et de prendre en charge l’instruction des troupes techniques et des cadres supérieurs. La formation de l’infanterie resta, quant à elle, sous la responsabilité des cantons pendant encore 30 ans.

Instructeurs lors de la formation des recrues d’infanterie, vers 1830.
https://www.historic.admin.ch/media/image/9d65a977-5aef-4ae5-9fc1-c8372da547e0
Instructeurs lors de la formation des recrues d’infanterie, vers 1830.Image: Bibliothèque am Guisanplatz

La première «ER» fédérale

Le compte rendu de la décision d’organiser pour la première fois des écoles de recrues fédérales pour la cavalerie à titre d’essai, en septembre et octobre 1849, est conservé aux Archives fédérales. Le mardi 4 septembre 1849, 64 jeunes hommes durent intégrer une école à Winterthour. Mais les recrues n’avaient alors pas à se soucier des gardes du week-end et des permissions de sortie, car l’«ER» ne durait que jusqu’au vendredi. Les recrues furent prises en charge par un état-major d’une trentaine de personnes, parmi lesquelles plusieurs instructeurs, un maître d’escrime et un vétérinaire équin.

Suisse: L'évolution de l'école de recrues depuis 1848
Dragon avec le vétérinaire devant un centre équestre, vers 1855.Image: Bibliothèque am Guisanplatz

Rythmés par des exercices théoriques et pratiques, les trois jours comprenaient de nombreux éléments qui figurent aujourd’hui encore au programme de formation des recrues et façonnent leur quotidien militaire:

  • Désignation des pièces constitutives des armes.
  • Connaissance des lois martiales.
  • Marche.
  • Démontage des armes.
  • Appel.
  • Extinction des feux.
  • Appel au réveil.

Dans les semaines suivantes, deux autres écoles de recrues destinées à la cavalerie eurent lieu à Bière (VD, du 12 au 15 septembre 1849) et à Aarau (du 17 au 20 octobre 1849), réunissant des militaires des régions correspondantes. A l’époque, le trajet jusqu’au site de formation était donc nettement plus court qu’il ne l’est actuellement.

Camp d’entraînement sur la place d’armes de Bière, 1830.
http://doi.org/10.7890/ethz-a-000519716
Camp d’entraînement sur la place d’armes de Bière, 1830.Image: Bibliothèque de l’ETH Zurich

Si les troupes techniques bénéficiaient ainsi d’une formation homogène à compter de 1850, la Confédération n’imposait pour l’infanterie que la durée minimale de l’instruction de base et la tenue d’un exercice final de bataillon. Or, comme tous les cantons ne se conformaient pas à ces prescriptions pourtant souples, le niveau de compétence des fantassins restait disparate.

L’organisation militaire de 1874 finit par confier également la formation de l’infanterie à la Confédération. Les groupes étant toujours constitués par région, les soldats romands et ceux de Suisse orientale n’étaient généralement pas mélangés. Ce n’est qu’en 2004, avec l’apparition de l’«Armée XXI», que ces troupes cantonales furent définitivement supprimées.

La durée des écoles de recrues a elle aussi considérablement évolué au cours des 175 dernières années. Tandis qu’elle ne dépassait pas quelques jours pour les écoles expérimentales, les recrues séjournaient, en moyenne, sept semaines à la caserne dans les années 1850. Des années 1930 aux années 1990, l’ER s’étendait traditionnellement sur 17 semaines, puis 21 semaines de 2004 à 2017 et 18 semaines aujourd'hui, le nombre de cours de répétition ayant été adapté en conséquence.

Recrues lors d’une formation à la lecture des cartes, vers 1995.
https://www.historic.admin.ch/media/image/e6d3a993-5310-4f84-ac9c-f9b7e9b14833
Recrues lors d’une formation à la lecture des cartes, vers 1995.Image: VBS/DDPS
La première fois …
Il y a une première fois à tout. Cette série met à l’honneur les premières historiques de la Suisse et aborde des thèmes aussi variés que les premiers passages piétons et la toute première initiative populaire. Les articles sont rédigés en collaboration avec les Archives fédérales suisses.
>>> Plus d'articles historiques sur: blog.nationalmuseum.ch/fr
watson adopte des perles sélectionnées du blog du Musée national suisse dans un ordre aléatoire. L'article «La première ER» est paru le 4 juillet.
blog.nationalmuseum.ch/fr/2022/07/la-premiere-er
Pionniers du vol en Suisse
1 / 6
Pionniers du vol en Suisse
Oskar Bider fut le premier chef pilote de l’aviation militaire suisse et le premier à survoler les Pyrénées en 1913. (image: musée national suisse)
source: musée national suisse
partager sur Facebookpartager sur X
En Russie, les enfants font de la propagande déguisés en petits tanks
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Cette mesure concrète ferait économiser des milliards aux Suisses
Nous pensons souvent que notre pouvoir d’achat baisse, car les coûts de production augmentent. C’est parfois le cas, mais une grande partie des hausses de prix s’expliquent par des marges colossales faites par des intermédiaires qui abusent de leur pouvoir. Une action publique dans ce domaine pourrait rendre aux consommatrices et consommateurs des milliards de francs.

Quand on voit le prix d'un produit, on est en droit de s’attendre à ce que ce prix soit basé sur quelque chose de réel: du travail, des ressources rares, bref de la valeur qui justifie ce qu’on paie. Normalement, si j’achète un litre d’essence ou un kilo de pommes, je m’attends à permettre aux personnes qui ont fourni un effort pour que je puisse bénéficier de ce bien d'être rémunérées avec cet argent.

L’article