C'est au salon de Genève 2018 que le championnat ETCR et la Cupra e-Racer sont présentés en parallèle. En septembre 2019, Hyundai investit la série avec la Veloster, juste avant le team italien Romeo Ferraris qui a construit une Alfa Romeo Giulia selon le règlement idoine.
En raison de la pandémie de Covid, le championnat verra le jour en 2021 seulement et Cupra inscrira, pour la première fois, son nom en haut du palmarès avec le Suédois Mattias Ekström du team Cupra EKS au volant. En 2022, la série reçoit l’agrément de la FIA et devient un championnat du monde disputé en six manches. Cupra EKS réédite son exploit, avec cette fois Adrien Tambay aux commandes.
Ce matin d’octobre, quelque part aux abords de l’aéroport de Munich, c’est justement Tambay qui endosse le rôle d’instructeur de luxe pour nous faire découvrir son destrier de course sur quelques tours d’une piste d’essais. La Cupra e-Racer développe 500 kW (680 ch) et 960 Nm en pointe sur le seul train arrière, accélère de 0 à 100 km/h en 3,2 secondes et ne dispose pas d’ABS. Et il y a une autre spécificité: son poids, de 1750 à 1800 kg, alors que les voitures thermiques engagées en TCR affichent entre 1100 et 1250 kg maximum sur la balance. Voilà qui pose le décor. Intimidation et interrogation se bousculent dans ma tête.
Une fois la combinaison enfilée, le casque vissé sur la tête, il est temps de se contorsionner pour se faufiler entre les arceaux du cockpit et se laisser tomber dans le baquet. Mon 1,82 m se sent un peu engoncé dans cet univers et l’assise, renvoyée au niveau du pilier central pour regrouper le plus de masses au centre de l’auto, offre une perspective déroutante avec les yeux presque au niveau du bas du pare-brise. Les mécanos bouclent et serrent le harnais, placent le volant escamotable et procèdent aux derniers réglages. Ma ligne de vie sera la voix d’Adrien, relié par radio, qui me rassure et me donne les dernières instructions. Puis, face à moi, le chef mécano me fait signe que tout est OK. Les couvertures chauffantes sont retirées des roues, l'auto est redescendue de ses crics pneumatiques. Il est temps de démarrer l’engin.
J’enfonce le bouton démarreur, seule une seconde lumière verte sur le tableau de bord m’indique que le contact est mis. Point de grondement d’échappement, de vibrations de moteur. Pied sur le frein, j’engage le mode «D» pour la marche avant. Encore moins de levier de vitesses, ni d’embrayage souvent délicat et capricieux à manipuler. Dernier pouce levé du mécanicien, que je quittance par la pareille, avant de m’extraire du box sur un filet de gaz... pardon, d'électrons. Le premier tour de piste sera un repérage sous la garde d’Adrien Tambay qui explique la piste virage par virage depuis une voiture ouvreuse. Les premières sensations remontent. Le demi-volant va de butée en butée sur 180°. Suffisant pour négocier les courbes de cette piste qui, bien que de petit format, regorge de pièges une fois parcourue à pleine balle. Je tâche d’enregistrer un maximum d’infos: il s’agit surtout de ne pas sortir, casser l’auto ou se faire mal…
Une fois seul en piste, il convient d’apprivoiser la bête. C’est comme un kart: pied gauche pour le frein, pied droit pour l’accélérateur. Ce dernier est particulièrement sensible d’ailleurs, mais on s’y accommode très vite. Peu à peu, je prends confiance, le couple est immédiatement présent, la puissance, elle se dévoile à mesure que le rythme augmente. Adrien: «C’est très bien, tes trajectoires sont parfaites, hausse le rythme!»
Tellement concentré sur mes pieds et la trajectoire que je n’arrive même pas trouver l’interrupteur «radio» dans la forêt de boutons sur le volant pour lui répondre. Tant pis. J’écrase l’accélérateur plus franchement; le volant n’étant pas parfaitement droit et bien que l’antipatinage soit activé, mais à un niveau encore très permissif, la Cupra e-Racer me répond sans prévenir par une dérobade énergique du train arrière.
Oups! La même sensation d'évoluer sur les œufs apparaît lorsqu’il s’agit de doser les freins sans assistance. Le poids conséquent et le grip somme toute relatif des pneus proche de la série pour une voiture de course – c’est l’une des caractéristiques du règlement ETCR – demande une attention de tous les instants et un dosage fin dans les phases de transition.
Quelques tours s’enchaînent, l'auto, ses roues et le pilote montent en température, l’appréhension laisse petit à petit place à l’aisance tout en restant sur le quivive malgré tout. La vitesse de passage en courbe augmente, les relances se font de plus en plus énergiques. La Cupra e-Racer dévoile alors un train avant très stable et directif qui aide à faire entrer les 1800 kg de la bête en courbe avec célérité. Le tout dans une atmosphère acoustique dominée par le sifflement des moteurs électriques et une carrosserie vidée officiant comme caisse de raisonnance. Un ressenti différent d'une auto de course thermique, mais les sensations sont identiques, exaltantes, grisantes, on en redemande comme un gamin dans un parc d'attraction.
Bien que basée sur une Cupra Leon, l’e-Racer n’en a finalement que la silhouette. En véritable machine de course, elle nécessite un engagement permanent de la part de son pilote, qui ne peut se relâcher un seul instant en course. C’est pour ma part la quatrième voiture de couse TCR que je conduis, la première électrique «pour de vrai», si je mets de côté un essai de Formule E en simulateur. Les souvenirs glanés lors de cette journée resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
La Cupra e-Racer n’a pas à rougir de ses performances face à ses congénères thermiques. Mieux, elle montre que la propulsion électrique mérite plus que jamais sa place en compétition, et ce dans toutes les catégories de véhicules.