Au printemps dernier, Cupra dévoilait les premières images de son Exponential Experience: un tarmac d’aéroport, un bolide électrique au look d’enfer, un pilote muni d’un casque de réalité virtuelle et des images de l’auto qui évolue à toute berzingue tantôt dans un univers imaginaire tantôt sur la piste dudit aéroport. Juste de quoi nous titiller… et seriner les représentants de Cupra pour que nous expérimentions la chose.
Quelques mois plus tard, nous voilà donc en Espagne, dans l’arrière-pays catalan, sur l’énorme parking d’un aéroport désert. Devant nous, le concept UrbanRebel, engin déluré qui préfigure la prochaine puce électrique du constructeur espagnol, la Raval. Malgré sa taille, elle en jette avec son accoutrement: carrosserie chamarrée, énorme aileron, gueule prête à avaler le bitume et portes en élytre.
Le briefing commence autour d’un café. En clair, ce matin, on va tourner en rond. Enfin ça c’est pour l’image sur le parking, car dans les faits votre serviteur sera plongé dans un univers numérique, derrière un casque de réalité virtuelle, mais bel et bien au volant de l’UrbanRebel.
Hein? Quoi? Conduire à l’aveugle? Rien que d’y penser l’estomac se noue. Un rapide coup d’œil sur l’aire de jeu et on constate qu’elle est truffée de réverbères. Gloups… va falloir slalomer. Et lorsque Jordi Gené, pilote émérite en Supertourisme pour Cupra et cheville ouvrière du projet «Exponential Experience», nous explique que l’engin développe de 350 à 500 chevaux, qu’il accélère de 0 à 100 km/h en 3 secondes et des poussières et qu’il est monté comme une voiture de course, un frisson parcourt l’échine.
Mais il est temps de prendre place à bord de l’UrbanRebel. L’ambiance est un savant mélange entre la course et la haute technologie: siège baquet de rigueur, harnais, arceau de sécurité, frein à main hydraulique, volant bardé de boutons, c’est normal. Ce qu’il est moins, c’est la quantité de capteurs et caméras disséminés dans l’habitacle, en plus d’un PC – plutôt costaud, vu qu’il est refroidi par une dérivation du circuit de refroidissement des batteries de la voiture – et son écran du côté passager. C'est là que prendra place Jordi Gené pour nous assister dans notre tâche.
En lieu et place d’un casque intégral, les techniciens nous équipent d’un casque de réalité augmentée et virtuelle. Le champ de vision mélange pour le moment à la vue du parking différentes informations en incrustation dans un premier temps, puis, au loin, une porte façon slalom de ski.
Les harnais sont attachés, on démarre, direction la porte de slalom. Les quelques centaines de mètres à parcourir permettent de capter les premières sensations au volant du bolide dans le monde réel. Tout paraît normal. On stoppe au niveau des drapeaux et, là, le spectacle commence.
Le décor est désormais entièrement virtuel. Les mains disparaissent du volant, lui aussi maintenant stylisé. Au loin, un paysage futuriste au graphisme encore un peu grossier représente les bâtiments emblématiques de Barcelone. Devant nous, une trace au sol nous indique la trajectoire à suivre. Vert pour accélérer, rouge pour freiner. 5, 4, 3, 2, 1, Gaz! A fond sur l’accélérateur et l’UrbanRebel détale comme une balle dans les mondes virtuel et réel.
Gauche, droite, freinage, on attaque la corde de la première courbe du circuit virtuel avant de relancer énergiquement et d’emblée on est impressionnés par le réalisme des sensations. Aucune latence entre l’image dans le casque et le ressenti bien réel de toutes les réactions et vibrations de la voiture. Il faut vraiment faire preuve d’engagement derrière le cerceau.
La crainte de vomir en étant visuellement déconnecté de la vraie route s’estompe en un éclair. Les tours s’enchaînent et on se prend naturellement au jeu, oubliant très vite qu’on évolue dans un monde irréel. L’immersion est totale, bluffante. Deuxième tour, on en a oublié les réverbères entre lesquels on slalome pour de vrai. Troisième tour, la difficulté augmente avec des marqueurs de boost au sol qu’il faut attraper, comme dans Mario Kart. Immédiatement la voiture fait un bon en avant, délivrant brutalement les quelques chevaux gagnés en bonus.
Dans les faits, on dépassera que rarement les 80 km/h, mais le tracé du circuit virtuel, très sinueux, permet de provoquer quelques glissades en jouant avec le transfert des masses de l’auto.
Mais déjà le drapeau à damier s’affiche dans le casque. C’est fini. On stationne l’UrbanRebel dans une case virtuelle, mais réellement en plein milieu du parking. Le retrait du casque nous offre un retour brutal dans la douceur de cet automne catalan. Mais la banane sur le visage vaut plus que mille mots.
Avant d’en arriver là, il a fallu 3 ans aux équipes de Cupra et leurs partenaires pour développer le système encore en phase de test. Rien que la voiture coûte autour de 300’000.- euros, l’infrastructure informatique embarquée autour des 30’000.- euros. L’intérêt se situe au-delà du simple divertissement: l’expérience en elle-même permet de réunir le monde de l’e-sport et la compétition automobile sur piste. Ce qui permettra, à terme, de développer des compétitions à distance dans le réel, mais sur le même circuit en virtuel. On s’affranchit des contraintes de voyage, de décalage horaire, de coûts et d’émissions de CO2 engendrées, sans perdre l’attrait de la course automobile et ses multiples facettes.
Enfin, sur le plan technique, le dispositif peut transformer l’approche des essais de mise au point de véhicules, voire en concevoir, ou faciliter la formation de pilotes.
Certes, le parcours semble encore long. Mais bravo à Cupra pour cette proposition. Il faut s’en réjouir à une époque où l’auto est diabolisée de toutes parts. L’Exponential Experience tente de nouvelles choses, propose plus que de la voiture, en misant sur le plaisir et l’émotion. Et sans émissions!