Midi pile, dans n'importe quel open-space de la planète. Les mieux préparés se dressent d'un bond, réveillés par les mélopées peu ragoûtantes des tubes digestifs. Certes, il est temps de bouffer, mais il est surtout l'heure de déballer son attirail, avec la fierté de nos ancêtres revenant de la chasse avec une carcasse de renne sur l'épaule. Certains ont bûché jusqu'à tard, la veille, pour mitonner leur casse-dalle. D'autres ont profité de leur dimanche pour empaqueter la totalité de leurs dîners de la semaine.
Et à mesure des passages par le micro-ondes d'entreprise, le ballet des gamelles rosâtres et mal lavées brûle autant les yeux et les narines.
Malgré cette envie de profiter de la pause pour débattre du réchauffement climatique en pompes Nike, il règne une coriace atmosphère militaire entre les bouches des jeunes bobos-soldats. Au mieux, depuis notre place de travail, on décèle le fameux conglomérat de riz blanc, l'Iceberg en sachet, la semelle de poulet Prix Garantie qui aura pompé la crème durant la nuit ou les farfalle (forcément) trop cuites. Au pire? Ce poisson qui rappelle le slip qu'on a porté trois jours, qu'un irréductible provocateur s'enfoncera dans le gosier la porte entre-ouverte.
Le Tupperware (pardon, le Tupp'), souvent plus âgé que son propriétaire, empeste volontiers le vieux casier du collège, dans lequel on a oublié la moitié d'un sandwich thon-crudité au semestre dernier. De quoi donner de furieuses envies d'entamer un jeûne intermittent.
Et puis il y a Pharrell Williams. L'homme sans âge qui a offert I’m a Slave 4 U à Britney Spears et se charge, depuis pile une année, de la dégaine des mâles de Louis Vuitton. Faut-il le rappeler, le directeur artistique américain fait jusqu'ici un sans faute. Vendredi, comme pour faire la nique à ses adversaires qui s'épuisent à produire n'importe quoi, l'artiste a dévoilé son nouveau «sac à sandwich». C'est ainsi que l'institution parisienne présente son nouvel effet à nourriture.
Et, soudain, miracle: le casse-dalle en cafèt', probablement l'activité la moins élégante de la journée, renaît de ses restes coincés entre les dents.
Faisons les présentations, voulez-vous?
Voici «Sandwich bag». Fabriqué à partir d'un cuir de vache safran uni, cette beauté divine mesure 30 centimètres de longueur et 27 centimètres de hauteur. La languette bleu homard et le délicat lettrage en relief font le reste. Son prix? Beaucoup moins élevé que le nombre de bactéries qui baisent au fond des gamelles entassées dans le frigo: 2500 francs suisses.
Surtout voilà un objet qui forcera quiconque aura la bonne idée de se le payer, de ne pas y glisser la lie de l'humanité entre deux tranches de pain-toast ou ce satané Tupp' souillé par une sauce tomate industrielle en 2012.
Si bien manger passe par les yeux, Pharrell Williams nous le rappelle avec une violente élégance.