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«La nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé»: notre critique

Julie Le Breton dans la peau de Mireille.
La vertigineuse Julie Le Breton dans la peau de Mireille, gardienne de la vérité de cette nuit d'octobre 1991.Image: Canal+ / Fred Gervais

Xavier Dolan sort sa première série, ça vaut quoi?

Le réalisateur québécois s'essaie à la série et adapte une pièce de théâtre de Michel Marc Bouchard à l'écran. Que vaut La nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé? Notre avis.
19.01.2023, 18:48
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Xavier Dolan a enfin succombé aux appels du pied de la petite lucarne. Et comme souvent, Dolan adapte une pièce de théâtre. Dix ans après avoir porté sur grand écran Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard (un film sous-estimé dans la filmographie du Québécois), c'est une nouvelle partition du dramaturge que Dolan adapte cette fois-ci. La nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé emprunte les codes du film néo-noir, d'un thriller anxiogène, à la sauce David Fincher. Dolan y appose sa patte, ses couleurs, ses personnages féminins fardés, son goût pour les années 90 et cette tendance à faire tout voler en éclats dans la sphère familiale.

Si vous êtes familiers au travail du cinéaste, vous allez assurément plonger la tête la première dans ces cinq épisodes qui tournent autour de Mireille (Julie Le Breton), son frère Julien (Patrick Hivon) et leur meilleur ami Laurier (Pier-Gabriel Lajoie). Une nuit, Mireille, 14 ans au moment des faits et victime d'insomnies récurrentes, trouve amusant d'entrer par effraction chez les gens. Elle décide de faire irruption chez Laurier. Cette nuit d’octobre 1991 à Val-des-Chutes changera la face d'une famille presque 30 ans plus tard.

Une famille déglinguée et enfermée

Le premier épisode lance les hostilités doucement, plaçant les différents personnages dans la toile peinte par Dolan, avec comme point d'orgue le décès de Mado (Anne Dorval), qui sera le détonateur des secrets enfouis. La mort de la matriarche est surtout le moment choisi par Mireille, partie depuis belle lurette à Montréal et devenue thanatologue réputée, pour revenir dans le patelin qui l'a vue grandir. Mieux, elle doit s'occuper d'embaumer le corps de sa propre mère. Un retour aux sources 25 ans plus tard. Mimi, comme la surnomment ses trois frangins (Julien; Denis, incarné par Eric Bruneau; et Elliot, joué par Xavier Dolan), prend la forme d'un passé envahissant et balayé par la culpabilité. «Le temps arrange ces choses-là. Vient le temps où on grandit, où on regarde les gens pour ce qu'ils sont», murmure Mado à sa fille Mireille alors âgée de 14 ans.

Dans un tintamarre constant, les dialogues, les paroles sont comme des coups de fusil: fugaces et meurtriers. Une illustration avec Mado qui n'épargne pas sa fille Mireille: «Parce que tu as le choix, ma grande. Mais tu choisis de mal faire.» Une ambiance délétère qui provoquera la fracture totale d'une famille dysfonctionnelle après cette nuit malheureuse de 1991.

Malaise invisible et incertain

Pas de cadeau, pas de répit entre les Larouche. Dolan s'applique à donner beaucoup de punch à son scénario. Bien que de (légères) longueurs viennent freiner le récit pour maintenir un voile trouble dans le déroulement, la cadence est tendue et appuie sur un malaise invisible.

Le destin dramatico-familial réussit à balayer les différents personnages pour les coucher dans une fragilité, entre mesquinerie et addictions sous toutes les coutures. Les épisodes 4 et 5 sont excellents, ils injectent cette dramaturgie comme sait si bien le mettre en scène le Québécois. Il parvient à sublimer des scènes, bien aidé par une musique d'Hans Zimmer et de Dave Fleming, en usant de cette volonté d'autopsier ses personnages.

Laurier Gaudreault fait partie de cette catégorie de série avec ces non-dits (comme dans Juste la fin du monde) et ces coups de sang instantanés. Le portrait d'une famille entière où circule le poison du mensonge et soulignant la subtilité de cette citation de Victor Hugo: «La vérité est comme le soleil, elle laisse tout voir, mais ne se laisse pas regarder». Une fratrie éclatée et enfermée dans la solitude, où chacun des membres mène sa barque et tente de survivre (pour ne pas se noyer dans les travers de l'alcool ou de la drogue). Le chagrin souffle; le mutisme est une parade pour éviter de provoquer un autre tremblement de terre familial. Il faut taire les fractures et laisser le temps faire son oeuvre.

Mireille (fascinante et vertigineuse Julie Le Breton) et Julien (le poignant Patrick Hivon) soufflent cette tension à travers cette lente décomposition d'une famille en lambeaux.

«Parle moins fort, Mireille», répète inlassablement le grand frère à sa petite soeur. Moins fort, moins de blabla, car la voix de Mireille rappelle le passé (ou une vérité). «A force de mentir, on oublie», assène Mireille à Julien. Le soleil cité par Victor Hugo prend la forme dans Laurier Gaudreault d'un clair de lune dévastateur, d'une longue nuit sombre et incertaine pour la famille Larouche.

Poignante, la première série de Dolan démontre qu'il est arrivé à maturation dans son écriture et sa mise en scène nettement plus en retenue, grandement aidé par cet excellent casting. Le premier coup de poing sériel de l'année.

La nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé est à voir dès le 24 janvier sur Mycanal.

La bande-annonce:

Vidéo: watson
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