Plantons le décor: une diplomate américaine envoyée à Londres pour endosser le rôle d'ambassadrice des Etats-Unis au Royaume-Uni, alors qu'une crise internationale majeure est en train de couver. Le pitch de La Diplomate vous paraît un brin éculé? Jouons cartes sur table, vous pouvez déjà annuler votre petite sauterie du week-end.
Défilé de Range Rover aux vitres teintées, des contraintes administratives et un «beau bordel dans le golfe persique», selon les dires du premier ministre anglais (impeccablement joué par Rory Kinnear, as usual), la nouvelle ambassadrice Kate Wyler (Keri Russell) se retrouve dans un vrai panier de crabes. Accompagnée de Hal (Rufus Sewell), son fantasque et égocentrique mari, elle mène une double vie palpitante et harassante.
Double, car la ration est généreuse à s'en faire une indigestion, entre un mariage qui bat de l'aile et des tribulations diplomatiques incessantes. C'est même une renversante tactique politique qui s'échafaude: la nomination expresse de Kate n'est autre qu'un test grandeur nature pour la bombarder à de plus hautes fonctions.
En déballant un casse-tête politique, Debora Cahn, le cerveau derrière ce show, cadence une série racée, jonglant entre comique bien senti et conflit géopolitique.
Kate en bave et ne s'applique pas à simplement opiner du chef. Sa hardiesse transpire dans moult scènes musclées, servies par des dialogues percutants, bétonnés à la répartie. Une qualité qui saute aux yeux, surtout quand on regarde le pédigrée de la dame: coïncidence (ou pas), Debora Cahn a collaboré avec le maestro Aaron Sorkin sur le chef-d'œuvre sériel A la Maison-Blanche (The west wing); elle a également usé de sa plume pour Homeland. La scribe est donc rompue au drame politique.
Cette fois-ci, elle capte toute la lumière sur une plateforme qui a déjà connu les succès d'une série dans le genre avec House of cards. A travers ces deux ambassadeurs aux caractères opposés, les tourments de la vie à deux et des coulisses de la diplomatie, il y a un trésor de divertissement politique comme les Américains savent terriblement bien façonner. Cahn parachute Kate Wyler dans une guerre de coulisses et parfois sauvage, à force de pratiquer l'équilibre diplomatique entre le premier ministre britannique et le président américain (Michael McKean).
On ne peut trouver mieux comme maître mot pour La diplomate: l'équilibre. En cristallisant la colère des pays concernés (Iran, Russie, Etats-Unis, Royaume-Uni) et les aléas d'un mariage sur le déclin autour du rôle de Kate Wyler, Debora Cahn parachève son œuvre grâce à un savant mélange drolatique et politique, jouant des codes démocratiques chers à Aaron Sorkin (oui, encore lui). Simplement car la plume de Cahn poursuit cette même veine, cette même intensité, cette obsession de la logorrhée cinglante.
La Diplomate réussit donc le délicat exercice du récit fourré dans un sac de nœuds, unissant les Etats-Unis et le Royaume-Uni dans le chaos.
La distribution choisie pour incarner ce furieux match de ping-pong diplomatique est la cerise sur la gâteau. Keri Russell, au top à 47 ans, cartonne, après nous avoir enchantés dans The Americans, et Rufus Sewell, génial, le clapet toujours ouvert, nous sort une performance de choix.
Densifiée par une garniture d'excellents seconds rôles, mention au super Ato Essandoh, La Diplomate rejoint les rangs des excellentes productions Netflix, après la très bonne Acharnés, sautant à pieds joints dans l'arène des fictions politiques trépidantes.
«La Diplomate» est disponible depuis le 20 avril sur Netflix.