«Ici on est tous fous»: événement récent, mais déjà incontournable du carnaval de Dunkerque, le championnat du monde du cri de la mouette illustre la capacité de cette tradition festive à se réinventer, tout en restant très codifiée.
Plumes de faisan sur la tête et costume de corsaire avec un jabot en dentelles, Moumoune, 42 ans, fait partie de la dizaine de candidats sélectionnés par les organisateurs pour la finale de ce championnat dimanche, en lancement de la bande de Dunkerque, l'un des défilés de carnaval les plus célèbres du nord de la France.
Sous une grande tente montée dans le centre de Dunkerque, à l'atmosphère chauffée à blanc par les comités de soutien des candidats, les concurrents défilent sur un podium, s'emparant d'une banane qui pend du plafond avant de lancer un cri aigu, tantôt geignard, tantôt belliqueux, mais toujours couvert au bout de quelques secondes par les huées ou les applaudissements.
Les sept membres du jury, figures du carnaval de Dunkerque comme Kate Moche, brandissent leurs notes sur des ardoises. Moumoune finit sur la seconde marche du podium, «le bouclier de Mouettus» revenant à Michel Polnamouette, 24 ans, manteau de fourrure couvert de pin's, perruque blonde bouclée et lunettes noires à la Michel Polnareff, qui entonne:
Pour le concours, le ramage compte, mais le plumage également: les candidats arborent qui un nid sur la tête, qui un filet de pêche où est pris un hareng autour des épaules. Ici, on ne parle pas de déguisement, mais de «clet'che», un costume que les carnavaleux complètent d'une année sur l'autre.
Evénement off de la bande de Dunkerque, lancé par un restaurateur, le championnat du cri de la mouette est devenu l'un des temps forts du carnaval, qui s'étend dans la région sur plus de trois mois, de mi-janvier à fin avril. Le carnaval de Dunkerque puise ses racines au XVIIe siècle, dans les fêtes qui précédaient le départ des pêcheurs pour de longs et rudes mois au large de l'Islande.
Fête de la transgression et de l'inversion, où le travestissement tient une grande place, le carnaval s'amuse désormais à brouiller les frontières entre l'homme et l'animal. Cette année, pour la deuxième fois, un championnat du cri du grisard, ou bébé goéland, est organisé pour les enfants de 4 à 12 ans.
L'après-midi doit se poursuivre avec une autre tradition non pas ancestrale, mais néanmoins bien ancrée à Dunkerque: le lancer de harengs depuis le balcon de l'hôtel de ville, pratiqué depuis 1962. Cette année, environ 3 000 poissons représentant 550 kg vont prendre la voie des airs.
En 2024, la bande de Dunkerque, qui se termine par le rigodon, chahut d'une heure pendant lequel les carnavaleux ou masquelours tournent autour des musiciens, avait rassemblé quelque 68 000 personnes, selon les autorités locales.