Des vagues d'ombres, un navire disparu depuis 4 mois dans les eaux de l'Atlantique, voici le menu de la nouvelle création de Baran Bo Odar et Jantje Friese, les créateurs de l'excellente série Dark. Cette fois-ci, pas d'accident nucléaire dans une petite ville allemande à la grisaille collante, mais un voyage brumeux sur un bateau qui transporte des passagers européens, partis du Vieux Continent en direction des Etats-Unis; de Londres vers New York, à la fin du XIXe siècle.
Les deux créateurs expliquent que l'idée leur est venue le jour où ils ont découvert une photo d'un homme couvert de sang et un marteau à la main, avec un regard étrange. Bingo! L'idée est transposée et adaptée dans une série de huit épisodes, dans un dédale de personnages aux secrets enfouis venant des quatre coins du monde.
1899 rempile dans ce mode temporel, dans un registre où les traumas du passé constituent un puzzle qui devient une partie labyrinthique savoureuse digne d'un «page turner» (ou un «accrolivre» pour ceux qui vomissent les anglicismes).
Baran Bo Odar façonne un récit énigmatique où ces deux géants d'acier, le «Kerberos» et le fameux «Promotheus», naviguent en eaux troubles et ne font que peser sur l'atmosphère entre les passagers. Les esprits s'échauffent et la peur domine. Alors quand le capitaine (Andreas Pietschmann) et ses acolytes décident de changer de cap et de découvrir ce qu'il se trame sur le monstre flottant, 1899 part à l'abordage du navire fantôme, avec cette idée en tête: où sont les passagers?
Pour répondre à cette question, un casting multilingue (anglais, allemand, espagnol, danois, polonais, japonais et français) où le foisonnement des nationalités est conséquent. On retrouve notamment Andreas Pietschmann, Emily Beecham, Lucas Lynggaard Tønnesen ou encore Miguel Bernardeau.
Misant sur cette authenticité dans le langage grâce à son casting international, Baran Bo Odar n'a pas perdu non plus de son ton, de son efficacité derrière la caméra. Il poursuit dans le même grain, avec le même esthétisme que sa précédente oeuvre. Avec des couleurs sombres, la multiplication des plans précis vous oblige à suivre le moindre petit indice pour trouver la clé de l'énigme enfermée à double tour dans une citation: «ce qui est perdu sera retrouvé».
1899 crée une ambiance à la paranoïa galopante et cristallise les mystères autour des protagonistes. Ce paquebot délabré transperce comme une ombre l'écume et le brouillard tenace. L'effroi y est exacerbé et les passagers, les visages stuporeux, se font avaler. Le climat océanique participe aux menaces d’une sauvagerie à laquelle l’homme manque d’être ravalé.
Le duo allemand pond un thriller fantastique avec une maîtrise graduelle, alimentant une foule d'énigmes qui tient le spectateur en haleine. L'efficacité est au rendez-vous et l'angoisse ne fait que grandir sur cette prison flottante, où tout peut s'embraser, une poudrière sur le point d'exploser.
«1899» est disponible en intégralité depuis le 17 novembre sur Netflix.