«Il délire quand il se compare à Mohamed Ali», démarre le grand frère de Jake Paul, Logan Paul, son binôme de pitreries sur les Internets. Il faut dire que le cadet des Paul essuie les crochets, mais en a dans la caboche, loin des étiquettes de fauteur de trouble qu'on lui colle facilement – et qu'il se plaît à ne surtout pas décoller. Car l'Américain a réussi son pari d'investir la boxe, le noble art, empoignant ce sport comme une seconde chance après sa dégringolade sur les réseaux sociaux.
C'est un anti-héros rebondit la légende Mike Tyson. Avant d'avouer:
La parole vaut ce qu'elle vaut, mais elle a des airs d'uppercut à ceux qui critiquent vertement le youtubeur-boxeur. Outre les annonces fracassantes et la séquence émotion-confession sur une éducation à la dure – on parle même d'abus du paternel –, Jake Paul expose à sa manière une vision de la boxe qui en irritera plus d'un, mais obligera le spectateur à cerner la méthode infaillible du bonhomme.
L'apprenti boxeur a saisi que son sort est scellé depuis ses multiples frasques. Alors, pourquoi ne pas en tirer profit et faire cracher des biftons à ses détracteurs, eux qui caressent le seul désir de le voir tomber lamentablement sur le ring. «La boxe, c'est du spectacle et du show-business», affirme Jake Paul, qui s'est rapidement entouré d'une équipe de choc pour promouvoir ses combats. Paul fera une première apparition officielle en 2018 en tant qu'amateur, avant de passer pro et aligner d'autres youtubeurs, le basketteur Nate Robinson et des combattants de MMA.
Le grand frère Logan Paul lance que tant qu'il y a une combinaison «média, argent et passion», Jake Paul est prêt à s'investir à 100%. L'enfant terrible de la boxe encaisse les coups et les liasses de billets, et devient une machine à fric pour qui la provoc' est un art à cultiver.
Avec son sens très aiguisé du spectacle et de la promotion, le bougre est un promoteur avant d'être un boxeur dans l'âme. Sa vitrine de plus de 20 millions d'abonnés sur les différents canaux sociaux est une aubaine. Et dans ce nouvel épisode de la série documentaire Netflix L'Envers du sport, la posture médiatique sera décortiquée, analysée sous toutes ses coutures, avant de pencher vers une exploration plus millimétrée sur le chemin que Paul accomplit les gants aux mains.
De son enfance dans l'Ohio à son envol vers la célébrité, avant de sombrer piteusement et d'agacer la Toile, Jake Paul avoue sans détour que les gros contrats lui ont fait perdre la boussole:
Logan Paul confesse même que son frère est «instable émotionnellement» et craignait «qu'il se suicide». Pour stopper l'hémorragie, Jake Paul enfile les gants et prend des coups bien réels pour se régénérer face à sa horde de haters.
Quoi de mieux que se tourner vers la boxe, cet éloge de la persévérance, si souvent comparée à une lutte existentielle. Ce parfait virage artistique lui permet de voir ses plaies saigner et cicatriser pour mieux avancer. On ne s'y trompe pas, surtout quand le blond tatoué parle de lui comme «d'un enfant qui s'est perdu et qui a été sauvé par la boxe.»
Le folklore médiatique de la boxe avait besoin de voir une figure aussi clivante que Jake Paul enchaîner les rounds. Les puristes de la boxe se refusent toujours de prendre Paul au sérieux, mais comme l'observe Mike Tyson, le gars a suscité une tonne d'intérêt dans un sport agité, et il a la recette pour remplir les sièges et vendre des pay-per-views (réd: des diffusions payantes).
A force de jouer le roi de la provoc' avec ses nuées de vulgarités, et de persévérer dans le comportement de sale gosse, Jake Paul bouscule les codes de la boxe par ses méthodes frontales. Et si les gardiens du noble art le rejettent, lui n'en a cure: il transpire, reçoit, rend, se saigne. Si le cadet des Paul est tombé avec les honneurs face à Tommy Fury, pour lui, c'est sa voie, usant de la boxe comme moyen de contrôle sur la douleur.
Aussi intrigante soit l'image que rend Jake Paul, il représente l'essence de ce sport; il pourrait même coller aux figures littéraires pensées par Bertold Brecht ou Ernest Hemingway. Derrière l'hémoglobine qui ruisselle sur les pommettes trône un artiste qui assène des parpaings secs et précis.
Toutes proportions gardées, Jake Paul épouse cette notion de l'acte pugilistique. Enfilant les rounds et essuyant la férocité des coups, à travers une réflexion principalement marketing, mais aussi personnelle, il y a une dichotomie entre le boxeur et le comédien aguerri qu'est Jake Paul.
Poussant la caricature du bad guy à son paroxysme, transpirant à grosses gouttes pour sa promotion avant même de monter sur le ring, Jake Paul ne sera sûrement pas le plus grand boxeur de tous les temps. Mais il prouve que grâce à ses talents de marketeur conjugués à sa ténacité, le bougre a su se fondre dans la fantaisie, l'exagération et le délire de ce sport.
«L'Envers du sport: Jake Paul, l'enfant terrible de la boxe» est disponible depuis le 1er août sur Netflix.