Le cinéma s'est souvent inspiré des exploits sportifs pour dégager des destins, des histoires que le grand Hollywood a dépouillé sans retenue. Pour beaucoup, le discours mythique d'Al Pacino dans L'Enfer du dimanche (Any Given Sunday) est souvent cité comme l'un des plus motivants jamais dégoisé au cinéma.
Le 7e art s'est abreuvé de cette dramaturgie sportive, de cette notion de sortir ses tripes sur le terrain pour accrocher une parcelle de gloire. Mais ce n'est que du cinéma, alors que c'est une réalité dans Last Chance U: Basketball; des gamins qui jouent réellement leur vie, qui donnent tout sur le parquet pour prendre l'ascenseur (social).
Des joueurs en devenir qui rêvent de NBA, qui acceptent de tout sacrifier, pour viser un autre but: celui d'une bourse et d'une vie sur les bons rails. «Il faut accepter de reculer avant de vouloir avancer», explique Damani Whitlock, la voix tremblante. Les recalés des universités de tout premier ordre reviennent à l'Université East Los Angeles (ELAC) pour s'affirmer dans un championnat d'Etat moins coté (la D2), histoire de revenir ensuite dans le top du pays (D1).
Last Chance U: Basketball nous apprend surtout les fondations de la force collective, l'étude méticuleuse et harassante d'un entraîneur pour dégager un leader de son collectif afin d'entraîner les autres dans son sillage. Oui, un noyau solide se forme aussi, paradoxalement, grâce à cette difficile mais nécessaire recherche d'individualités.
Le bruyant Coach Mosley a cette phrase adressée à l'un de ses joueurs:
L'apprentissage est central pour ces jeunes basketteurs. Surtout, «Coach Mo» est une incarnation du «fighting spirit» dans un collectif en pièces détachées qu'il doit cimenter entre elles.
C'est avec ce regard que le trio de réalisateurs Greg Whiteley, Daniel McDonald et Adam Leibowitz concrétise ce sentiment de voir grandir une équipe devant nos yeux. Last Chance U: Basketball est une leçon pour bien des entraîneurs désireux de trouver les ingrédients adéquats, pour sortir des pépites, des meneurs d'hommes; ce sont avant tout des gamins en mal de repères appelés à se responsabiliser grâce au sport.
Mais la série Last Chance U: Basketball n'est pas seulement un effacement d'un jeune adulte derrière l'athlète, elle est plus subtile que ça. Elle ne s'applique pas seulement à mettre en exergue le sport, c'est un panel des méthodes d'un entraîneur qui botte les fesses à ses gars.
La grande force (qui fait office de trame narrative) est d'opposer les facteurs qui vont faire grandir les joueurs. La série met aussi en lumière les compétences requises pour un entraîneur, notamment la capacité de se remettre en question: le coach, convaincu de ses techniques, va devoir revoir sa copie, obligé de se remettre en doute à chaque fois que des joueurs «différents» atterrissent dans son collectif.
Le chemin de Mosley croise celui de Josh, un jeune qui montre de réelles qualités sur le parquet. Mais le môme n'est pas comme les autres, il doit composer avec une forme d'autisme. «La surcharge sensorielle, le monde autour de moi ça me bloque, je n'arrive plus à écouter, ni penser», explique face caméra Josh Philips. Coach Rob, l'assistant de Mosley, expliquera plus tard qu'il faudra avant tout «coacher l'homme avant le joueur».
Aux Etats-Unis, nombreux sont ces jeunes athlètes qui n'ont que le sport pour vibrer ou se libérer de leurs tracas quotidiens. Damani Whitlock parle même d'un «médicament» quand il est sur les parquets, libéré de l'étreinte (douloureuse) de son existence scabreuse.
Outre l'excellent travail du trio de réalisateurs, qui suit cette bande de jeunes cherchant une nouvelle opportunité pour vivre dignement, la série offre des pans de réflexion qui construisent l'évolution de jeunes athlètes. «Je dois me rééduquer au basket et m'infliger une période d'isolement. Je dois tout reconstruire et en sortir grandi», affirme Bryan Penn-Johnson. «On taffe tous ensemble pour faire croquer les autres», lance Shemar Morrow. Chacun veut voir l'autre réussir, explique de son côté Whitlock. Coach Mosley a réussi à construire une équipe, un noyau dur de jeunes hommes prêt à tout, où le verbe abandonner est prohibé.
Aux Etats-Unis, cette notion du «fighting spirit» est façonnée dès le départ, dès le plus jeune âge. Outre-Atlantique, le sport inspire et embrasse une dimension différente. Les jeunes y sont biberonnés au succès, poussés à se dépasser, à se défoncer pour ne pas sombrer dans leur vie. Sur un parquet, ils jouent leur vie, ils vont chercher les points «en jouant dur», à la résilience. Mosley, à travers ses monologues, active ce désir de se défoncer à force d'appuyer sur les failles d'untel ou d'un autre. Ce collectif, si cher au head coach, se forme sous les punitions et les paroles.