Tinder a longtemps été une incroyable success story. Pourtant, la flamme commence à faiblir. Face à la montée en popularité des rivaux tels que Bumble et Hinge, les téléchargements se sont effondrés, selon les données de Sensor Towers - 71 millions en 2022 contre près de 80 millions de téléchargements en 2020. Et la croissance des utilisateurs payants a fortement ralenti, souligne Bloomberg.
Fondée en 2012, Tinder se confronte pour la première fois de son histoire à des vents contraires. Faire le tri des hypothétiques conquêtes, à force de swipe à gauche pour recaler un futur prétendant ou une future prétendante, ou swipe à droite pour faire montre de son intérêt, a marqué une génération.
Un succès planétaire qui a réussi l'exploit de banaliser les rencontres en ligne. Mieux, des «mariages Tinder» ont commencé à voir le jour. Alors comment une marque aussi bien installée peut autant décliner?
Si la plateforme a réussi à monétiser les rencontres, Tinder perd de son sex-appeal virtuel pour la simple et bonne raison qu'un trou générationnel, entre les Millenials et la Génération Z, s'est formé, selon Stéphane Distinguin, président fondateur d’EY Fabernovel. Et la «Gen Z» oblige une nouvelle approche, plus complexe pour l'application, comme définir l'identité de genre ou attirer plus de jeunes femmes - les utilisateurs sont plus nombreux que les utilisatrices, selon Bloomberg. La société prévoit d'ailleurs de proposer aux femmes une offre pour améliorer la qualité des matchs.
Certains concurrents ont bien compris les enjeux. L'application canadienne Snack, créée pour les moins de 36 ans, s'en amuse et a même fait de son slogan «Not your parent dating app» (en français: «Ce n'est pas l'application de tes parents») une arme pour contrer le leader du dating.
Une autre ombre au tableau vient aussi fragiliser l'empire Tinder: les utilisateurs fidèles cherchent des services pour des relations plus sérieuses. Des désirs qui sont arrivés aux oreilles des pontes et la firme envisage de proposer un abonnement à plus de 500 dollars, pour ceux qui sont en quête de relations plus sérieuses qu'un simple coup d'un soir.
La formule la plus onéreuse sur Tinder, pour le moment, est l’abonnement Platinium aux alentours de 30 dollars par mois. Cette nouvelle approche est appelée à booster un moral quelque peu en berne du côté du groupe Match. Le chiffre d’affaires de Tinder a chuté de 58% en un an. Après des millions de téléchargements - depuis sa création en 2012, Tinder a été téléchargé plus de 530 millions de fois -, le groupe Match doit-il s'alarmer? Pas tout de suite.
Selon Bloomberg, Tinder a encore une belle marge de croissance: même sur des marchés (très) investis comme les Etats-Unis, seuls 16% des célibataires âgés de 18 à 24 ans utilisent l'application. Aussi, 85% des utilisateurs de Tinder ne paient pas le moindre kopeck. Il est donc possible de les convertir en abonnement payant.
Et Match n'a pas beaucoup de soucis à se faire pour le moment. C'est un mastodonte de la rencontre en ligne, avec de nombreuses marques telles que OkCupid, Meetic, ou encore Hinge. Cette dernière est en train de devenir une extension de Tinder, habilement travaillée par les équipes de Match pour capter et diriger les utilisateurs de Tinder.
Pour se renouveler, la marque à la flamme blanche a cherché à basculer dans le métavers. Mais les résultats en dents de scie ont repoussé les envies de romance virtuelle. Même rengaine pour le projet de monnaie «Tinder Coins» intégrée à son application, censée pousser les dépenses sur l’application. Il était même question de construire un «Tinderverse». Match avait même racheté la société Hyperconnect, pour 1,73 milliard de dollars, spécialisée dans l’intelligence artificielle et la technologie de réalité augmentée, pour développer son projet, comme le soulignait en 2021 le site spécialisé Techcrunch.
Outre les désirs avortés de métavers, un autre hic pourrait empiéter sur le bon déroulement des opérations de Tinder: l'intelligence artificielle. Générer des profils et des textes (coucou ChatGPT) n'a jamais été aussi facile. L'IA générative devra être surveillée pour ne pas voir un exode d'abonnés fatigués par des interactions récurrentes avec des profils créés par des charlatans. Mais grâce aux efforts consentis et à l'argent investi, Tinder devrait proposer une nouvelle formule à l'avenir.