L'annonce, concise, n'est pas tombée de la bouche de Mark Mateschitz, ce vendredi 4 novembre. Juste une citation en guise d'introduction, dans un mail envoyé à tous les collaborateurs. Après des semaines de spéculations et de rumeurs, la succession de l'empire Red Bull est réglée en quelques lignes. Le style de la maison.
Des questions? Pas les bienvenues.
En Autriche, la mort de Dietrich Mateschitz – «Didi» pour les intimes – d'un cancer du pancréas le 23 octobre, a été un choc. A la consternation succède bientôt l'inévitable question: qui pour prétendre à la succession de l'homme génial qui a importé d'Asie la fameuse boisson «magique» qui donne des ailes?
Les médias économiques bruissent du prénom du fils prodigue. Un inconnu au portillon, ou presque. Maintenu soigneusement à l'écart des projecteurs.
Son absence quasi totale des écrans radars semble héritée tout droit du paternel. Bien qu'il ait vendu des milliards de canettes à travers le monde, le regretté patron de Red Bull cultivait la discrétion, voire le mystère. Au point de s'attirer le surnom du «Yéti».
On sait que Didi est passé de vendeur de dentifrice à l'une des personnes les plus riches d'Autriche. Pas beaucoup plus. Peu d'interviews, encore moins d'apparitions à la télévision. S'afficher sur la scène mondaine, très peu pour lui.
On connaît mieux les origines de son premier bébé, Red Bull, né dans les années 1980.
La légende raconte qu'au cours d'un voyage professionnel en Thaïlande, Didi Mateschitz, alors employé chez Blendax, multinationale de dentifrice et de produits d'hygiène dentaire, réclame au bar de l'hôtel une boisson pour affronter le décalage horaire. On lui sert la décoction locale, utilisée par les camionneurs pour rester éveillé sur de longs trajets. Son nom? Krating Daeng (traduisez: «buffle d'eau rouge», en français). Révélation.
Persuadé que cette boisson sucrée sera parfaite pour biberonner les cadres européens en manque d'heures de sommeil et de caféine, Mateschitz obtient la licence et la ramène en Europe. Avec deux partenaires thaïlandais, il investit toutes ses économies dans la fondation de Red Bull GmbH. Un ami publicitaire achève de planter les graines du succès en lui dénichant le slogan idéal:
Les premières canettes sont vendues en Autriche à partir de 1987. L'entreprise prend son envol, avec des taux de croissance approchant les 200% par an, rappelle Bloomberg. En 2021, la société a vendu 10 milliards de canettes.
Le second bébé de Dietrich naît d'une liaison avec sa prof de ski, Anita Gerhardter, en 1992. Ou 1993. On ne sait pas très bien. Secret bien gardé, comme tout ce qui a trait à la vie privée du maniaque chef d'entreprise.
Son fils unique grandit dans un relatif anonymat, bien protégé par le patronyme de sa mère. Seul son deuxième prénom, «Dietrich», suggère un lien de parenté avec l'éminent co-fondateur de Red Bull. Les photos du jeune Mark Gerhardter sont rares. Interrogés par le magazine autrichien Kurier, ses copains de classe décrivent un camarade «brillant et sportif, avec de nombreux intérêts». Vague.
Sa rutilante ascendance garantit en tout cas au jeune homme d'être placé à l'abri du besoin: selon Bild, Dietrich Mateschitz l'assure financièrement auprès d'une fondation privée lorsqu'il a onze ans. Seules conditions d'accès: qu'il ne se drogue pas et achève ses études.
Contrat respecté. Son diplôme en administration des affaires de l'université des sciences appliquées de Salzbourg en poche, le jeune Mark commence à utiliser l'illustre nom de famille et fait son entrée dans la société de papa Mateschitz. Là encore, il reste discret. Selon le Standard:
Des années de préparation qui n'empêcheront pas la décision finale. Dix jours après la mort du fondateur légendaire, Mark Mateschitz annonce finalement qu'il renonce à prendre les rênes de l'empire paternel. Attendu au tournant, l'héritier démissionne. Sans oublier de glisser dans ses bagages ses 49% de parts chez Red Bull et un héritage estimé à plus de 25 milliards d'euros.
«Une décision qui n'a pas été facile», tient bon de préciser Mateschitz dans son mail laconique. Une décision qui, à 2% près, n'était pas tout à fait de son ressort. En effet, c'est à la famille Yoovidhya, principal actionnaire de l'entreprise, qu'on doit la refonte de la direction.
Désormais, Mark prévoit de se concentrer sur son rôle d'actionnaire, plutôt que d'aider à gérer les opérations quotidiennes de Red Bull, comme l'avait fait son père.
Il peut, toutefois, se consoler. En plus de posséder la moitié de la plus grande société de boissons énergisantes du monde (et accessoirement, de deux équipes de course de Formule 1), Mark Mateschitz vient de rafler une autre distinction: celle de millénial le plus riche d'Europe, décerné par Bloomberg.