Pour bien commencer sa journée, Olivia Menzi a besoin de 1,5 tonne de bananes. Je l'entends rire au téléphone quand elle me raconte ce qui s'est passé ce matin-là. «Un grand détaillant suisse nous a un jour demandé si nous avions des preneurs pour 1,5 tonne de bananes en trop», explique la présidente de l'association «Mehr als zwei». L'objectif de l'association pour le cycle de projet 2019-2023: traiter de manière raisonnable les denrées excédentaires et ainsi réduire le gaspillage alimentaire.
1,5 tonne de bananes? Ce sont environ 100 caisses de banane, explique Olivia Menzi, 38 ans. Et notre conversation est donc lancée autour du fruit qui a également été la star du premier projet de l'association: la banane.
30 000 tonnes de bananes sont jetées chaque année en Suisse. Olivia Menzi explique: «Ces bananes sont excédentaires, soit parce qu'elles ont subi des dommages dus au froid pendant le transport, soit parce qu'elles sont un peu trop avancées dans le processus de maturation, et ce ne sont là que deux raisons possibles.» Ces bananes, comme tant d'autres fruits et légumes, finissent à la poubelle. C'est là qu'intervient l'association «Mehr als zwei», fondée en 2019. S'il fallait résumer la démarche de l'équipe de trois personnes, composée d'Olivia Menzi, Karin Friedli et Urs Bucher:
C'est ainsi qu'est né le projet «Deine Banane ist kein Abfall» («Ta banane n'est pas une ordure»). Des bâtonnets de bananes séchées ont été fabriqués à partir de bananes excédentaires avec l'aide d'une entreprise familiale thurgovienne. Ils ont été lancés sur le marché en avril 2020. Grâce à d'autres producteurs et produits locaux, comme la bière à la banane et la crème glacée, quelque sept tonnes de bananes ont reçu une nouvelle vie depuis février 2020. Et si vous souhaitez consommer des bananes trop mûres chez vous, à la maison, vous pouvez par exemple trouver ce délicieux granola à la banane sur le blog de l'association.
Mais ne gérer que le cas de la banane ne suffit pas. En Suisse, 2,8 millions de tonnes de denrées alimentaires finissent chaque année à la poubelle. La plupart des gens ne sont pas conscients de l'ampleur du problème, selon Olivia Menzi. «Les consommateurs ne se rendent pas compte que les palettes sont rejetées par camions entiers - souvent à cause de petits défauts.» Un fromage à raclette «trop dur», un fromage qui ne pèse que 96 grammes au lieu de 99 grammes, et toute une liste d'autres «défauts» qu'elle cite non sans une pointe d'étonnement dans la voix.
Comment agir de manière efficace au moment de s'attaquer à un problème aussi important? Même elle ne sait pas non plus quelle est la meilleure solution sur le plan politique. Ce qui est sûr, c'est que «ça doit faire mal à tous les niveaux, et dans notre système, cela se résume en un mot: l'argent.» Mais la responsabilité ne doit pas se répercuter sur les individus. Beaucoup de bonnes initiatives existent déjà et pourtant, il arrive encore trop souvent que les différents acteurs se montrent du doigt et se tirent dans les pattes.
L'approche de son association est donc la suivante: «Nous nous concentrons sur la vue d'ensemble. Nous commençons par un prototype simple et nous démontrons qu'il peut réussir et comment faire pour y parvenir. Le travail le plus difficile intervient ensuite, au moment de faire financer chaque projet à partir de zéro.» Les projets sont et ont été financés jusqu'à présent par Génération M et la Fondation Mercator. «Avec cet argent, nous nous versons un petit salaire de base. Mais ce n'est pas encore assez pour nous permettre de nous concentrer exclusivement sur ce travail», explique Olivia Menzi. «J'aimerais qu'il y ait un véritable revenu de base pour nous permettre de faire avancer ces objectifs et projets durables», confie-t-elle.
Voilà qui ressemble à un sérieux obstacle; sans oublier que les trois membres de l'association ne viennent pas de ce secteur. «Ce n'est pas un problème. Ce point est largement compensé par nos points forts que sont les processus UX, le travail agile et, enfin et surtout, la mise en réseau et l'instauration de la confiance», est convaincue Olivia Menzi. A ce jour, toutes les collaborations débutent sur une simple poignée de main. Le réseautage, souligne-t-elle, ne figure pas dans la comptabilité des entreprises. Pourtant, il s'agit souvent du point central de leurs efforts.
Lorsqu'on lui demande d'où elle tire toute son énergie et quels conseils elle donne aux personnes qui sont simplement en colère, tristes ou impuissantes face au gaspillage alimentaire et aux thématiques associées, elle répond par un long silence. Je l'entends respirer un peu plus fort de l'autre côté la ligne; peut-être sourit-elle?
Olivia Menzi n'est pas une femme qui donne des conseils pour se sentir bien ou qui utilise des citations inspirantes. Elle se montre simplement comme elle est: pleine d'idées, de dynamisme et de pragmatisme. «Je veux impliquer les gens avec mes connaissances et mes idées. Je vois ce que je peux réaliser chaque semaine et de nombreuses personnes formidables me font confiance. C'est ce qui m'a redonné l'énergie à chaque baisse de motivation.»
Oui, chaque jour n'a que 24 heures, ajoute-t-elle, lucide. Mais cela ne semble pas la ralentir du tout.