C'est le branle-bas de combat dans les coulisses de Toblerone. Le personnel de l'usine bernoise, qui produit tous les chocolats Toblerone exportés dans le monde, exige de la maison mère américaine Mondelez une augmentation de salaire substantielle de 6%.
Le transfert d'une partie de la production de Toblerone vers l'usine Mondelez de Bratislava, en Slovaquie, bat également son plein. L'usine de Berne arrivant à saturation, Mondelez veut également utiliser les capacités de Bratislava à partir de juillet. Pour l'histoire du chocolat traditionnel suisse, c'est un tournant: Toblerone ne pourra alors plus porter l'appellation «Swiss made».
Mondelez a pris les devants et adapte donc légèrement le design de l'emballage. Au lieu de «of Switzerland», on lira «established in Switzerland». Alors, tout est réglé? Non.
Le problème auquel fait face la firme américaine est que chaque emballage est encore orné du Cervin, considéré comme l'un des symboles nationaux suisses les plus forts. Selon les règles de Swissness, les symboles nationaux, tout comme les croix suisses, ne sont, toutefois, pas autorisés sur les emballages des produits qui ne remplissent pas les critères de Swiss made.
La loi sur la protection des marques et des indications de provenance porte sur les références directes et indirectes à l'origine géographique. Une référence directe est donc, par exemple, la croix suisse, tandis que les images de symboles nationaux comme le Cervin, Guillaume Tell ou une arbalète sont considérées comme des références indirectes, explique-t-on à l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI).
Bien que l'emballage de Toblerone ne représente qu'un sommet de montagne, il ne fait aucun doute qu'il s'agit du Cervin. C'est d'ailleurs ce qu'écrit l'entreprise sur son site décolu à l'histoire: «1970: le Cervin apparaît sur l'emballage». Puis, en 2000, un «redesign en douceur» avec «l'ours bernois et le Cervin». En Valais, le Cervin est parfois promu comme «The Swiss Toblerone Chocolate Mountain». Bref, Toblerone et le Cervin sont indissociables dans l'esprit des gens.
Cette association doit maintenant prendre fin: les investigations de CH-Media montrent que l'image caractéristique de la montagne va disparaître de l'emballage du Toblerone (l'ours bernois restera néanmoins présent). Mondelez à fait savoir:
En d'autres termes, au lieu de l'emblématique Cervin, les emballages de Toblerone seront bientôt ornés d'un logo de montagne plus simple, peut-être une sorte de pictogramme qui, du point de vue des autorités, ne sera pas reconnaissable comme étant le Cervin.
Reste à savoir si le nouveau design sera effectivement approuvé par l'Institut de la propriété intellectuelle compétent. Mais selon toute vraisemblance, cette solution permet à Mondelez de s'en sortir. Notamment parce que l'institut se concentre sur le contrôle de l'utilisation de la croix suisse. La vérification de toutes les images serait une tâche qui dépasserait ses ressources, dit-on.
Et quelles seraient les conséquences de ce changement sur le chiffre d'affaires et la marque Toblerone? Le groupe lui-même ne s'attend pas à des pertes importantes. C'est également l'avis de Stefan Vogler, expert en marketing. Si le Cervin devait disparaître en tant que symbole fort de la Suisse, ce ne serait certes pas «un bon signe» à ses yeux. Mais:
Chez les concurrents comme Lindt & Sprüngli, Frey ou Cailler, la démarche de Mondelez devrait être saluée. L'ensemble de la branche a tout intérêt à ce que la marque Suisse soit utilisée correctement.
La loi «Swissness» est en vigueur depuis 2017 et vise à protéger la marque «Suisse». Les denrées alimentaires, par exemple, peuvent être qualifiées de «suisses» si au moins 80% des matières premières proviennent de Suisse (pour le lait et les produits laitiers, ce chiffre est de 100%) et si l'étape de travail essentielle a lieu en Suisse. Si une matière première n'est pas du tout présente en Suisse, comme le cacao, c'est considéré comme une exception.