Le merchandising, c'est tout un art. Les pop stars le savent mieux que les employés de commerce. Si l'affaire est rondement menée, il y a de quoi bouffer plus de beurre que d'épinard à la fin de l'année. Donald Trump est-il une pop star? Allez savoir. Mais quand il s'agit de vider la boîte à manigances pour remplir son porte-monnaie, ce n'est pas le dernier des ânes. Et fuck les moqueries.
Il y a un an jour pour jour, le candidat républicain promettait une annonce importante sur sa plateforme Truth Social. Maladie grave? Mea culpa? Papa pour la sixième fois? Pire que ça:
Un slogan tout en retenue pour vendre... des cartes dématérialisées à son effigie. Enfin, à son effigie, parlons-en. Donald en pompier, Donald en astronaute, Donald en cape et collant moulant, Donald en shérif. (Donald en taulard n'existe pas encore.)
Au total, 45 cartes (pour le 45e président des Etats-Unis, faut suivre) fourguée sous la forme de NFT.
Prix de la bêtise: 99 dollars pièce.
Comme le disait si bien Jacques Chirac, «dans un premier temps ça m'a fait sourire... et je vais vous dire la vérité, dans un deuxième temps... je n'ai pas souri». Car à peine avions-nous décapsulé les quolibets que Donald Trump avait déjà gagné 4,6 millions de dollars. Quatre heures seront suffisantes pour épuiser le stock.
Il y a un an, toujours à gueuler sur la «fraude» de 2020, mais pas encore candidat pour 2024, le milliardaire soulignait en rouge dans les conditions générales que cette opération «ne finance pas une campagne présidentielle». De quoi s'offrir, malgré tout, quelques heures de conseils juridiques en vue des quintaux de procès qui l'attendaient.
Décembre 2024, rebelote! A la différence qu'il est, cette fois, candidat à la Maison-Blanche et trône au sommet de la liste des compétiteurs républicains. Mercredi, 47 cartes en NFT labellisées «Mugshot Edition» ont été dévoilées sur son site officiel et dans une vidéo de présentation qui, à elle seule, vaut le voyage. Pourquoi? Parce que Trump manie la modestie avec la même délicatesse qu'un bagagiste charrie votre valise à l'aéroport.
JUST IN: 🇺🇸 President Donald Trump releases new 'Mugshot' NFT collection. pic.twitter.com/NUUhlftsf6
— Watcher.Guru (@WatcherGuru) December 12, 2023
Plus que le pygargue à tête blanche ou la majestueuse monture, ce sont les pectoraux, la jeunesse, la crinière maîtrisée et l'allure napoléonesque de Donald Trump qui laissent proprement bouche bée. Se voit-il ainsi? Se rêve-t-il ainsi? Se préfère-t-il ainsi? Sans doute les trois à la fois, mais peu importe mon général.
En réalité, c'est le costard qu'il faut surveiller de près. Car en plus des 47 cartes virtuelles (toujours à 99 dollars), le milliardaire promet une version imprimée et enrichie d'un... véritable morceau du costume qu'il portait lors de sa célèbre photographie d'identité judiciaire.
Vous avez bien entendu: un «morceau du costume».
Mais attention. Pour être en mesure d'afficher le fameux bout de tissu dans votre living-room, il vous faudra acquérir la totalité des cartes. Ce qui revient à lui filer 4653 dollars. Une paille pour un artefact historiquement imprégné de la sueur historique d'un homme de 77 ans, alors en détention provisoire.
On se moque, on se moque, mais il y a fort à parier que cette nouvelle fournée de cartes absurdement masculines lui rapportera le même paquet d'argent qu'en décembre 2022 et avril 2023. Détail qui a son importance, les sites financiers suivent de très près l'évolution du prix de ses NFT. A l'annonce de cette dernière collection, les précédentes ont chuté d'un seul coup, passant de deux à un ETH (un peu moins de 2000 francs suisses). Quelques heures plus tard, surprises, elles ont non seulement retrouvé leur valeur initiale, mais risquent en plus de prendre du poids dans les jours qui viennent.
Comme toujours, Donald Trump se désolidarise comme il peut de ce projet pourtant terriblement narcissique: «Cette offre est gérée par NFT INT LLC, qui utilise le nom et l'image de Donald J. Trump sous licence payante de CIC Digital LLC, laquelle licence peut être résiliée ou révoquée selon ses termes». Or, le milliardaire est répertorié en qualité de «directeur, président, secrétaire et trésorier» de cette mystérieuse CIC Digital LLC, comme l'a révélé l'organisation Citizens for Responsibility and Ethics in Washington.
On est à deux doigts de plaindre les apôtres MAGA, qui se sentent contraints de racler leur fin de mois pour couvrir d'argent leur (déjà très) riche gourou.