En lançant la vidéo de présentation, vous aurez l'impression de vous réveiller en sursaut au milieu de la nuit, bavant votre dernier gin-tonic, devant une télévision branchée sur un vieux télé-achat des années 90. (Mais ça vaut le détour.)
De quoi parle-t-on? D'un Donald Trump qui ne sait manifestement plus quoi entreprendre pour se faire voir, entendre et prendre au sérieux. Mercredi, dans une courte vidéo qui se veut la copie Wish d'une bande-annonce pour un blockbuster de Marvel, l'ex-président des Etats-Unis avertissait le monde d'une «ANNONCE MAJEURE» sur son réseau social Truth Social. A l'écran, Trump en collants, le «T» remplaçant le célèbre «S», quelques faux muscles et des lasers mal calibrés qui lui sortent des globes oculaires.
Une annonce qu'il promettait pour le lendemain et il a (hélas) tenu parole. Sachant de quoi l'homme est capable, le monde s'attendait probablement à tout sauf peut-être à... ça.
Donald Trump ne va donc pas (tout de suite) envahir la planète Terre, mais les internets. Avec des cartes NFT à son effigie. Quarante-cinq pièces différentes et 45 000 au total. Oui, 45, comme le prochain président des Etats-Unis qui sera élu dans moins de deux ans. Nous sommes donc bel et bien immergés dans une espèce de campagne présidentielle pour 2024 (même si les mentions légales du site disent le contraire).
Mais affirmer que cette campagne sort des sentiers battus est un misérable euphémisme.
Tour à tour redneck, astronaute, shérif, star de base-ball, roi de la Bourse ou d'Hollywood, le bonhomme aligne poses ridicules et montages à la truelle pour que les plus fervents apôtres du MAGA sortent leur porte-monnaie. Bah oui, si vous voulez que SuperTrump puisse un jour make l'Amérique de nouveau great, il vous en coûtera 99 dollars... l'unité.
Mais rassurez-vous: en achetant vos cartes Trump, vous voilà automatiquement inscrits à un tirage au sort qui vous permettra de faire des trucs supers comme:
Le site crée pour l'occasion précise (il faut bien chercher) que l'argent récolté ne viendra pas nourrir la machine chargée d'envoyer Trump une deuxième fois dans le Bureau ovale. L'aventure NFT de l'ex-président est gérée par une société baptisée NFT INT LLC, basée dans l'Utah, qui n'aurait rigoureusement rien à voir avec Donald Trump.
Difficile de dénicher la moindre information à propos de cette société sur internet et les premières recherches Google font déjà mention du site de NFT à l'effigie de Trump. En revanche, Park City, l'une des trois stations de ski les plus huppées des Etats-Unis, serait en lice avec Salt Lake City pour accueillir le congrès des républicains en 2024, selon le média local.
Pour l'anecdote, l'une des nombreuses pistes de ski sur le domaine de Park City est baptisée... Trump. Et, pour l'anecdote (bis), si le maire précédent tenait à affirmer que ça n'avait rien à voir avec l'ex-président et avait décrit cette piste comme étant «de courte durée, tombant assez à plat et totalement sans intérêt».
Il paraît peu probable que cette manne financière, planquée derrière des cartes NFT d'un goût douteux, n'aille pas, d'une manière ou d'une autre, dans la poche de celui qui a offert son image. Si l'opération est une réussite, le montant récolté pourrait bien avoisiner 4,5 millions de dollars au minimum.
En 2020, l'équipe de campagne de Donald Trump, un peu dans la dèche, avait pu mettre la main sur un pactole de 122 millions de dollars et en laissant un grand nombre de ses pauvres supporters sans le sou. Une technique agressive, révélée par le New York Times et interdite en Europe: si le donateur ne la décochait pas, il consentait à ce qui est inscrit dans la case. Résultat, les groupies n'ont pas réalisé que la somme qu'ils donnaient à Trump pour financer sa campagne était en réalité ponctionnée chaque semaine. Oups.
S'il est encore trop tôt pour comprendre ce qui se trame véritablement derrière cette loufoque aventure de cartes NFT, sûr que ça doit le divertir entre deux déboires fiscaux et judiciaire. Biden, de son côté, en a profité pour publier, dans la foulée et sur Twitter, ces propres «ANNONCES MAJEURES», autrement plus sérieuses.
Et puis, nous, pour l'heure, on ne peut s'empêcher de prendre un malin plaisir à les regarder, encore et encore, avec un petit sentiment de malaise en bandoulière.