Pendant la campagne électorale, Donald Trump a annoncé que «douane» est son mot préféré. L’ex-président a ainsi fait peur aux marchés mondiaux avant même de revenir à la Maison-Blanche. Si Trump met à exécution sa menace d'imposer de nouveaux droits de douane élevés sur les produits importés, le commerce international en sera lourdement affecté. Et c'est précisément à ce scénario que se préparent les transporteurs du monde entier.
Bien que Trump soit tristement célèbre pour son imprévisibilité et que le montant exact des droits de douane reste à déterminer, de nombreux observateurs et analystes y voient un élément central de sa politique économique. Et ce dernier a lui-même souvent indiqué ce qu'il entendait obtenir avec ces droits.
D'une part, Trump veut renforcer l'économie américaine et remplir les caisses du gouvernement pour financer par exemple, de nouvelles baisses d'impôts pour les entreprises. D'autre part, et c'est sans doute encore plus important, il peut ainsi exercer une pression politique. C'est ce qu'a déclaré l'experte économique allemande et professeure à l'université de Californie Ulrike Marmendier à la radio Deutschlandfunk.
Les trois principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis sont dans le collimateur: la surtaxe sur les marchandises en provenance du Mexique et du Canada doit être de 25%. Et sur les importations en provenance de Chine, Trump veut exiger encore 10% de plus, en plus de tous les droits de douane déjà existants. Pendant la campagne électorale, il a même parlé d'aller jusqu'à 60% sur les marchandises chinoises et 20% sur les importations de tous les autres pays.
Cela ferait grimper les prix: non seulement pour les entreprises étrangères qui livrent des marchandises aux Etats-Unis et pour les entreprises américaines qui importent des marchandises, mais aussi pour les consommateurs. Les entreprises devraient inévitablement répercuter la hausse des coûts de production sur ces derniers. Les entreprises commerciales du monde entier cherchent des solutions pour atténuer ces évolutions.
«Il y a beaucoup d'incertitude et cela rend la gestion plus difficile», explique Stefan Legge, maître de conférences à l'université de Saint-Gall et expert en commerce international. Selon lui, on doit prendre des décisions aujourd'hui sans connaître les règles à venir. Dans ce contexte, une bonne gestion des risques est importante pour se positionner au mieux pour les années à venir. Il y a toutefois quelques entreprises qui «veulent vite encore faire leur beurre».
Ils le font par exemple avec une pratique connue sous le nom de «frontloading». Dans le secteur de la logistique, cela signifie que ceux qui disposent des espaces de stockage nécessaires essaient désormais d'avancer le plus de livraisons possible - avant que les droits de douane de Trump ne soient appliqués. Cet effet a déjà commencé peu après la décision électorale, comme l'observent différents analystes.
Les spécialistes de Goldman Sachs écrivaient déjà en novembre que le trafic commercial dans les ports chinois avait augmenté depuis l'élection. Outre les exportateurs chinois, des entreprises canadiennes et mexicaines auraient déjà commencé à expédier des livraisons plus tôt, selon le Financial Times.
Selon les estimations de la plateforme d'analyse du fret Xeneta, le «frontloading» est encore plus fréquent qu'en 2018, lorsque Trump avait imposé de nouveaux droits de douane lors de sa premier mandat. A l'époque, il avait introduit les droits de douane en plusieurs fois. Chaque cycle concernait des produits spécifiques. Mais cette fois-ci, on risque de vivre le scénario catastrophe: tous les droits de douane pourraient être appliqués simultanément et peu après l'entrée en fonction de Trump.
C'est pourquoi davantage d'entreprises vont certainement s'engager dans le «frontloading» - bien que cela s'apparente à un coup de poker. Car on veut éviter des dépenses douanières supplémentaires, mais il faut d'abord accepter des coûts supplémentaires.
Tout d'abord, à court terme, l'augmentation du taux de remplissage des navires entraîne une hausse des prix mondiaux du fret. Ensuite, les entreprises doivent augmenter leurs capacités de stockage - ce qui signifie des coûts pour les marchandises qui restent en stock. Et troisièmement, elles doivent planifier à plus long terme, ce qui accroît l'incertitude. Il se peut qu'elles remplissent leurs entrepôts de marchandises que les consommateurs ne voudront finalement pas acheter.
Si Trump met ses menaces à exécution, cela pourrait réduire le commerce international dans son ensemble. Les spécialistes d'Oxford Economics estiment que les droits de douane de Trump réduiront la valeur du commerce mondial de plus de 7% d'ici 2030 par rapport aux pronostics établis avant son élection. La tendance à l'affaiblissement de la mondialisation, également connue sous le nom de «slowbalisation», serait renforcée durant le deuxième mandat de Trump.
La Chine devrait être particulièrement touchée. En effet, selon l'agence de presse Reuters, le pays exporte chaque année pour 500 milliards de dollars de marchandises vers les Etats-Unis.
Le régime de Pékin n'acceptera pas de nouveaux droits de douane aussi facilement. En 2018 déjà, la Chine avait réagi en imposant ses propres droits de douane sur les importations américaines. Cela a augmenté la pression sur le commerce mondial et, selon les experts de Xeneta, cela pourrait se répéter dans les mois à venir. La menace d'une aggravation de la guerre commerciale plane.
Doit-on nous aussi s'attendre à des prix plus élevés en Suisse? Selon Stefan Legge, cela dépendra de la forme exacte que prendra la politique commerciale américaine.
Cela pourrait représenter un défi pour les producteurs suisses, mais «un avantage temporaire» pour les consommateurs suisses.
Chaque intervention majeure dans le système commercial international déclenche une réaction en chaîne - aux conséquences incertaines. «Je ne voudrais pas faire de pronostics aujourd'hui quel sera l'impact final de tout cela sur la Suisse», déclare Legge. Mais pour lui, il est clair que la Suisse, en tant que petite économie ouverte, s'en sort mieux avec un commerce international aussi libre que possible qu'avec un protectionnisme.
Et comment les entreprises qui participent au commerce international réagiraient-elles aux droits de douane de Trump? Une solution pourrait être de délocaliser la production de la Chine vers d'autres pays. Mais cela prend du temps et entraîne des coûts. De plus, selon Xeneta, de nombreuses entreprises seraient réticentes à renoncer aux avantages concurrentiels qu'elles ont acquis grâce à une infrastructure de production et de commerce bien établie en Chine.
C'est plutôt une autre option qui pourrait être mise en avant:
Des marchandises chinoises ont ainsi été détournées via le Vietnam, l'Indonésie et Taiwan. Un tel contournement des droits de douane ne devrait pas plaire à Trump. Selon Pangestu, de tels pays tiers, comme le Vietnam et Taiwan pourraient désormais être davantage visés - et doivent également s'attendre à des obstacles au commerce. (aargauerzeitung.ch)
Traduit de l'allemand par Anne Castella.