On pensait que l'économie s'était remise des chocs de la crise du Covid-19 et de la guerre d'Ukraine. L'inflation semblait vaincue et les taux d'intérêt baissaient à nouveau. Mais l'arrivée de Donald Trump à la tête de la plus grande économie du monde risque de produire un nouveau choc. Mais sera-t-il si négatif?
Si Trump fait ce qu'il a annoncé, les Etats-Unis connaîtront à nouveau une hausse de l'inflation et des taux d'intérêt. La question est de savoir si, comme tant d'autres choses en provenance des Etats-Unis, cette tendance se répercutera en Suisse.
L'inflation et les taux d'intérêt vont augmenter aux Etats-Unis, car l'économie va répercuter les droits de douane trumpiens sur les clients. Et s'il réduit les impôts comme prévu, la dette publique augmentera d'un montant gigantesque de 7,5 billions de dollars et les investisseurs exigeront des taux d'intérêt plus élevés pour se protéger.
Par ailleurs, s'il expulse effectivement les immigrés illégaux, comme il l'a promis, il manquera tout à coup des millions de travailleurs, surtout dans l'agriculture et l'industrie alimentaire. Les prix risqueraient d'augmenter fortement dans les supermarchés.
Les bourses ont reconnu les signes des temps trumpiens. Ainsi, même avant l'élection, les taux d'intérêt sur les emprunts d'Etat américains augmentaient à chaque fois que ses chances s'amélioraient. Et une fois sa victoire confirmée, ils se sont envolés. Les marchés ont ainsi suivi Trump – et non la banque centrale américaine, la Fed. Celle-ci avait baissé son taux directeur pour la première fois en septembre et à nouveau cette semaine.
Heureusement, ce revirement des taux d'intérêt à la Trump n'atteindra probablement pas la Suisse, explique l'économiste d'UBS Alessandro Bee. Il estime que si Trump met ses plans à exécution, cela fera grimper l'inflation et les taux d'intérêt aux Etats-Unis, mais pas en Europe ni en Suisse.
En revanche, la Suisse ne pourra pas échapper aux droits de douane de Trump. En effet, si l'homme d'affaires met en application son programme, notre pays perdra de la prospérité. Mais cela aurait aussi des effets positifs.
Reprenons les choses dans l'ordre.
Trump a déjà fait toutes sortes de déclarations sur ses projets de tarifs douaniers. Il a notamment menacé d'imposer des droits de douane de 20% sur les produits européens et de 60% sur les produits chinois. Il donne parfois l'impression de vouloir isoler les Etats-Unis – ou même de détruire tout le système de libre-échange que les Etats-Unis ont eux-mêmes mis en place après la Seconde Guerre mondiale.
De tels droits de douane seraient un coup dur pour l'économie suisse. Ses machines ou ses médicaments deviendraient soudain beaucoup plus chers sur le marché américain, qui est d'une importance capitale. Elle perdrait des clients ou devrait faire ce que Trump vise avec ses droits de douane: fermer des usines en Suisse et les reconstruire aux Etats-Unis. Des emplois seraient perdus.
De plus, Trump pourrait prendre des mesures contre l'Allemagne – et donc indirectement contre la Suisse. En effet, les marchandises que l'Allemagne exporte avec tant de succès aux Etats-Unis contiennent souvent des produits venus de Suisse. Pour Trump, l'Allemagne a beaucoup trop de succès aux Etats-Unis, notamment avec ses voitures.
Selon le président-élu, l'Allemagne vendrait des dizaines de millions de ses voitures aux Etats-Unis, mais ne lui en achèterait aucune. C'est «very bad» et l'Allemagne va en payer le «prix fort», dit-il. Comme l'écrit le magazine Fortune, l'Allemagne doit désormais craindre d'être «poussée dans la prochaine crise en 2025 par le douanier Trump».
Cela semble mauvais, mais ce n'est pas forcément le cas. Selon les experts, Trump pourrait brandir la menace des droits de douane uniquement pour forcer les pays à négocier. L'homme d'affaires conclurait alors un nouvel accord qu'il vendrait aux Américains comme «very good» – mais en réalité, peu de choses changeraient.
C'est ce qui s'est passé lors de son premier mandat. Il avait par exemple menacé de construire un mur à la frontière du Mexique et traité ses habitants de violeurs. Comme l'a indiqué la radio SRF, il n'a toutefois imposé des droits de douane qu'à certaines branches, et ce pour une année seulement, et a conclu un nouveau traité commercial – celui-ci était même plus favorable pour le Mexique que l'ancien. Et le mur n'a jamais été construit.
Beaucoup de bruit pour pas grand-chose – de nombreux opposants à Trump espèrent que ce schéma se répétera. L'économiste américain Dean Baker estime par exemple que l'administration Trump pourrait se bloquer elle-même. A ses yeux, le nouveau président est entouré par «des escrocs et des opportunistes sans principes» qui sont impatients de se poignarder dans le dos.
Trump ne pourra pas arrêter de telles intrigues et luttes de pouvoir, estime Dean Baker. L'homme de 78 ans souffrirait «clairement» de démence ou du moins d'un grave handicap mental lié à l'âge. Il a du mal à terminer ses phrases et se contredit régulièrement. Ce Trump affaibli aura du mal à garder le contrôle de ses «profiteurs et opportuniste».
Une autre raison pour laquelle cela pourrait n'être qu'un demi-mal: la monnaie nationale absorberait en partie les droits de douane de Trump. Car contrairement à toutes les crises des deux dernières décennies, elle ne serait pas plus forte, mais plus faible que le dollar.
Les droits de douane de Trump auraient tout d'abord pour effet que les Américains achètent moins de marchandises suisses. Ainsi, l'offre de dollars et la demande de francs diminueraient simultanément. Le dollar se renforcerait et le franc s'affaiblirait. Aux Etats-Unis, les marchandises suisses redeviendraient ainsi moins chères et se vendraient mieux. Les droits de douane font certes des dégâts, mais ceux-ci se limitent d'eux-mêmes dans une certaine mesure.
Et si Trump devait finalement affaiblir sensiblement l'économie européenne, les taux d'intérêt baisseraient au moins dans notre pays. Car la Banque centrale européenne devrait soutenir l'économie en baissant ses taux d'intérêt, et la Banque nationale suisse devrait suivre.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci