Stupeur et tremblements sur la Toile. Alors que la plupart des humains réfléchissaient au parfum qu'ils allaient quémander au glacier de la plage, Elon Musk a décidé de rebaptiser Twitter. Please welcome «X». Oui, juste «X». Comme il a toujours été un peu impatient, le milliardaire s'est empressé de projeter le nouveau logo sur le QG du réseau social, dimanche soir, avant de pouvoir compter sur une enseigne digne de ce nom. Lundi matin, le X trônait déjà fièrement en tête du site.
Our headquarters tonight pic.twitter.com/GO6yY8R7fO
— Elon Musk (@elonmusk) July 24, 2023
Diantre, «comment allons-nous appeler un tweet, désormais»? «Un X», s'est-il contenté de répondre aux plus angoissés d'entre nous. Il faut dire que Twitter est à ce point ancré dans le langage commun qu'il parait illusoire que les utilisateurs parviennent un jour à ne plus évoquer Twitter en parlant de «X». L'homme d'affaires, mais aussi la nouvelle DG du réseau social, Linda Yaccarino, veulent pourtant y croire et semblent déployer la même énergie qu'à la création d'une société flambant neuve.
Selon des sources internes, Musk se serait fendu d'un «dernier e-mail» à ses employés depuis son adresse @twitter.com, signé militairement par l'émoji 🫡. «Ceux qui ont adhéré à la vision de Musk sont excités, comme prévu. Les autres ne peuvent imaginer que le nom de l'entreprise qu'ils ont connu s'apprête à disparaître», révélera Zoë Schiffer, journaliste américaine, spécialiste de Twitter et des génuflexions d'Elon Musk.
Un virage alphabétique qui a pris de court une bonne partie des internautes. Rompus aux sautes d'humeur du roi de la tech, beaucoup craignent une nouvelle lubie expresse d'un Musk qui aurait simplement mal dormi. Entre le moment où il affirme que le logo changera «lorsqu'on aura trouvé le bon» et l'officialisation du X final, il ne se déroulera que quelques heures. De quoi rigoler un peu.
Or, le symbole mathématique est un vieux fantasme qui rôde dans les tripes d'Elon Musk depuis au moins 25 ans. Il n'a expliqué cette obsession qu'une seule fois, dans la biographie torchée par Ashlee Vance, en prétextant que «la bonne marque, pour une entreprise qui veut être le point central où se déroulent toutes les transactions, est X. Comme si le X représentait la transaction».
A cette époque, ce jeune fondateur d'une banque en ligne se démène pour pouvoir la nommer «X». Le site x.com sera créé dans la foulée, avant qu'une fusion écrase la lettre pour devenir officiellement PayPal, juste avant l'explosion de la bulle internet.
2017, petit retournement de situation: Musk rachète x.com pour «des raisons émotionnelles.» Aujourd'hui, l'URL mène tout droit sur Twitter. Comme un goût de reviens-y.
Elon Musk avait pourtant annoncé la couleur en octobre 2022, peu de temps avant de fonder X Corp. «Twitter sera un accélérateur pour la création de X, l'application tout-en-un», expliquait le milliardaire, désireux de créer l'entreprise ultime, regroupant un réseau social, de la messagerie instantanée et un service de paiement en ligne, à l'image de WeChat en Chine. Un projet qui a reçu, dimanche, sa confirmation, de la bouche de la directrice générale: «Aujourd'hui, X va aller plus loin, en transformant la place publique mondiale. X représente le futur de l'interactivité illimitée», communique Linda Yaccarino, littéralement extatique.
Depuis un demi-siècle, Musk met du X à toutes les sauces. De SpaceX au modèle X de Tesla, jusqu'à l'un de ses enfants, baptisé X Æ A-12. Hélas pour les internautes les plus coquins, X n'a rien de bien pornographique et le milliardaire est loin d'être le seul à n'en avoir que pour cette lettre. X, c'est l'après, la modernité, l'avancée technologique. «Qu'on cherche à vendre une prothèse auditive, une photocopieuse ou une crème antirides, le X produit toujours cet effet», explique Clément Chabert, spécialiste en naming chez Landor associates, à l'Obs.
De la Xbox One X, à Mac OS X, en passant par l'iPhone X, ce symbole excite le monde de la tech depuis la nuit des temps. Et s'il fallait vraiment sortir du labo infesté de geeks, le X sait encore aujourd'hui planquer son lot de mystère et de coolitude, notamment dans la culture pop. Pensons simplement à Projet X, X-files, American history X ou la trilogie XXX. D'ailleurs, chaque hiver, les Suisses ne se ruent-ils pas à l'XTreme de Verbier?
Aujourd'hui, Elon Musk fait table rase et le pari que le monde entier pourra faire une X sur quinze ans de Twitter. On efface tout et on recommence, alors qu'en face, Mark Zuckerberg vient précisément le chamailler sur son terrain, notamment avec sa nouvelle application Threads. C'est (très) risqué.