Jeudi, la Banque nationale suisse (BNS) tiendra son examen de la situation économique et monétaire. La plupart des observateurs s'attendent à ce qu'elle ne baisse pas son taux directeur cette fois-ci, mais qu'elle le fasse à plusieurs reprises au cours des prochains mois. UBS, par exemple, estime qu'il y aura trois étapes pour passer de 1,75% aujourd'hui à 1% d'ici la fin de l'année.
Le bref, mais turbulent revirement des taux d'intérêt toucherait ainsi à sa fin. Du moins, les taux d'intérêt seront à nouveau plus bas, même s'ils ne seront pas aussi bas qu'avant la pandémie de Covid-19. Quelles sont les conséquences pour les prix des logements en propriété, qui peuvent s'effondrer en cas de hausse des taux d'intérêt? La Suisse a-t-elle bien ou mal traversé cette période? «Beaucoup de stabilité», dit Robert Weinert du bureau de conseil Wüest Partner:
Selon ses analyses, les hausses de prix ne sont plus aussi fortes qu'avant le changement de taux. Même son de cloche du côté de l'OCDE, qui écrit dans son dernier rapport sur la Suisse:
Cette accalmie se reflète dans les nouveaux chiffres de Wüest Partner pour les années 2022 et 2023. Au cours de cette période, les taux d'intérêt ont certes augmenté, mais les prix des logements individuels ont continué à grimper.
Au niveau national, en 2023, les maisons individuelles de taille moyenne coûtaient exactement 9,4% de plus en moyenne qu'en 2021, c'est-à-dire avant la hausse des taux d'intérêt. Pour les appartements en copropriété de taille moyenne, la hausse était de 9,8%. Ce sont les prix des grandes maisons individuelles qui ont fait le plus grand bond durant ces deux années, avec 11,3% d'augmentation en moyenne.
Les prix ont donc continué à grimper – mais il est néanmoins juste de parler d'une accalmie et non d'une dynamique inchangée. En effet, les hausses de prix se sont nettement atténuées entre 2022 et 2023. En 2022, le prix des maisons individuelles moyennes a encore augmenté de 7,5% et celui des appartements en copropriété de 6,6%. En 2023, les hausses n'étaient plus que de 1,7 et 2,9%, soit moins de la moitié.
Cette stabilisation en 2023 est aussi visible dans les prix des maisons au niveau régional. Malgré les grandes différences entre régions, les prix des maisons individuelles ont baissé dans 18 d'entre elles.
Ce sont les régions touristiques qui ont connu les plus fortes hausses de prix. Pour les appartements en copropriété, il s'agit des régions du Schanfigg (12,4%) et du Prättigau (11,8%) dans le canton des Grisons ainsi que de Sierre (10,3%) dans le canton du Valais. Pour les maisons individuelles, il s'agit à nouveau d'une région grisonne, Davos (15,9%), ainsi que d'Appenzell Rhodes-Intérieures (11,8%) et de l'Entlebuch lucernois (10,1%).
Dans ces régions touristiques, le «développement massif de l'offre» nécessaire pour contrer la hausse des prix n'a pas lieu, explique Weinert. Cela ferait des années que l'offre reste bien en deçà de la demande – une conséquence de la loi sur les résidences secondaires, selon l'expert.
Les prix ont surtout baissé pour les maisons individuelles, et ce, dans tout de même 18 régions.
Les prix des maisons individuelles ont donc réagi nettement plus fortement au changement de taux d'intérêt que ceux des appartements en propriété.
Il y a plusieurs raisons à cela, l'une des plus importantes étant, sans doute, la hausse particulièrement forte des prix avant le revirement de taux d'intérêt. Les maisons individuelles sont aujourd'hui proposées à des prix qui ne sont plus abordables pour un ménage moyen – sauf s'il reçoit un héritage considérable. Du point de vue financier, les prix devraient baisser de 27% pour être accessibles aux ménages moyens.
Dans l'ensemble, l'ampleur du mouvement des taux directeurs comparé à la stabilité relative des prix est frappant. Malgré les grands changements de taux d'intérêt, les prix n'ont pas baissé, mais sont restés stables ou ont même légèrement augmenté.
Il aurait pu en être autrement. Des taux d'intérêt plus élevés renchérissent la propriété du logement et font ainsi baisser la demande. C'est ce qui s'est passé en Allemagne où, selon un institut de recherche allemand, les prix ont chuté «dans une mesure sans précédent dans l'histoire». Les prix ont également baissé en Autriche, en Finlande ou en Suède.
Pourquoi les prix suisses sont-ils restés relativement stables? L'une des principales raisons est la rareté de l'offre, explique Weinert. Selon l'expert, elle a certes augmenté par rapport au début de l'année 2022, mais elle est «toujours assez maigre». Et il n'y aurait pas d'amélioration en vue:
La perspective d'une amélioration prochaine a également aidé à stabiliser les prix. En 2023, l'inflation a rapidement diminué aux Etats-Unis, dans la zone euro et en Suisse, ce qui a aussitôt nourri l'espoir d'une baisse prochaine des taux directeurs. En conséquence, les taux d'intérêt des hypothèques sur plusieurs années ont commencé à baisser à partir du second semestre de l'année.
Et pour finir, il n'y avait pas d'échappatoire à la propriété, car les logements locatifs sont également rares et chers. L'offre de logements locatifs attractifs est très limitée et les loyers augmentent, explique Weinert. C'est pourquoi davantage de ménages chercheraient à nouveau à acquérir une propriété de logement.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci