Une bataille se profile aux États-Unis. A l'issue de celle-ci, les règles, auxquelles seront soumises les entreprises américaines de l'Internet dans les prochaines décennies, seront déterminées. Ces règles s'appliqueront également à la vie quotidienne en Suisse. Par exemple, lorsque vous achetez des piles ou des couches sur le mégastore en ligne, Amazon.
Les derniers préparatifs pour cette bataille se sont terminés en juin. Le président américain, Joe Biden, a placé Lina Khan à une place stratégique, elle dirigera, à l'avenir, l'autorité de concurrence. Cette professeure de droit de 32 ans s'est rendue célèbre avec son analyse «Amazon's antitrust paradox».
Elle a ainsi contribué à réveiller la politique antitrust américaine, qui s'était assoupie pendant 20 ans. Selon Lina Khan, Amazon doit son ascension en tant que «titan du commerce au XXIe siècle» à des stratégies douteuses. Selon elle, de telles stratégies devraient être interdites. Comme solution, elle a conseillé de diviser l'entreprise Amazon.
La nomination de Kahn a été le deuxième coup porté aux géants du Web américain. Le premier a été l'introduction de cinq projets de loi à la Chambre des représentants, qui visent tous à re-réglementer les géants de la technologie. Ils réorganiseraient la législation antitrust pour l'ère de l'Internet. Ce serait la plus grande mise à jour depuis des décennies dans le secteur.
Les politiciens démocrates et républicains sont derrière cette réécriture de loi. A noter qu'ils ont également été conseillés par Lina Khan. Elle fera appliquer ces lois en tant que nouvelle directrice du Bureau américain de la concurrence. Une nouvelle ère s'ouvrirait, en effet, pour les géants en ligne comme Amazon et Facebook. Mais avant cela, leurs richissimes patrons, Jeff Bezos et Marc Zuckerberg, auront des armées entières de lobbyistes pour mener une bataille défensive.
Pour David Cicilline, qui dirige la commission de la Chambre des représentants chargée de la législation antitrust, les monopoles technologiques ont trop de pouvoir: «Ils peuvent l'utiliser pour choisir les gagnants et les perdants, et ils peuvent détruire les petites entreprises.»
Avec cette phrase de Cicilline, le revirement sur la manière dont les géants de la technologie sont considérés dans le cadre du droit de la concurrence est évident. Selon l'ancienne vision, il n'y avait rien de mal à l'existence de ces géants. Tout était bon à prendre, du moment que ça ne le blessait personne. Autrement dit: tant que ces entreprises n'exigeaient pas des prix excessifs et semblaient laisser le libre choix au consommateur.
Lina Khan et d'autres experts sur la même ligne ne sont plus d'accord avec cette manière de voir. Eux estiment qu'il y a un problème. Et tout consommateur peut voir ce que Lina Khan veut dire lorsqu'il achète par exemple des piles sur Amazon. Ceux qui le font rencontrent alors Amazon sous deux formes à la fois. Amazon gère le plus grand magasin en ligne du monde et vend en même temps des piles sous la marque «Amazon Basics». Selon la nouvelle politique de concurrence, ce double rôle ne fonctionne pas.
Selon David Cicilline, Amazon, en tant qu'exploitant de magasin, fait beaucoup de choses pour favoriser Amazon, le vendeur de piles. On a l'impression qu'Amazon, l'exploitant du magasin, compare équitablement toutes les batteries et arrive à la conclusion: Amazon, le vendeur de piles, propose la meilleure affaire. «Ce n'est tout simplement pas vrai.»
Duracell ou Varta seraient perdants. Ils ne pourraient pas non plus simplement changer de magasin en ligne. Amazon est trop grand et trop puissant pour cela. Sans ce canal de vente, Varta ou Duracell ne pourraient pas survivre. Donc Amazon doit être divisé. Amazon, l'opérateur de la boutique, pourrait être forcé à ne plus proposer des produits Amazon.
Un revirement est imminent dans les relations avec les géants de la technologie. Cela a aussi à voir avec l'élection de Biden à la présidence. Sous son prédécesseur, Donald Trump, la politique visant à gérer la concurrence était tout autant profondément endormie qu'auparavant sous Barack Obama et George Bush. En revanche, Biden s'est montré impatient de faire campagne. Le pouvoir monopolistique croissant dans le pays menaçait les valeurs américaines, avait-il déclaré à l'époque. Et avec un vocabulaire tout à fait chrétien, il avait ajouté:
Les patrons des entreprises technologiques étaient «extrêmement arrogants» lorsqu'il les a rencontrés, a déclaré Joe Biden. Un patron lui aurait dit qu'ils étaient le moteur économique de l'Amérique. Pourtant, a déclaré Joe Biden: «ils ont moins de salariés que General Motors, le constructeur automobile, n'en a licenciés au dernier trimestre».