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Pourquoi les pays du Golfe sont «la nouvelle Europe»

Bancomat Golfstaaten Mohammed bin Salman
Mohammed ben Salmane veut transformer le Golfe.watson

Pourquoi les pays du Golfe sont «la nouvelle Europe»

L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et consorts ne se contentent pas d'acheter des stars du football à des prix exorbitants. Ils ont des objectifs bien plus importants en tête.
18.09.2023, 16:1618.09.2023, 18:16
Philipp Löpfe
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Les pays du Golfe sont devenus, comme le titrait récemment le Wall Street Journal, les distributeurs à billets du monde entier.

Mohammed ben Salmane, le prince héritier d'Arabie saoudite, veut être bien plus qu'un bailleur de fonds, et il veut aussi faire plus que d'attirer dans le Golfe les prochaines anciennes gloires du football comme Ronaldo et Neymar. «Je suis convaincu que la nouvelle Europe se trouve au Moyen-Orient», a-t-il récemment tonné:

«La prochaine renaissance mondiale aura lieu au Moyen-Orient»

Les pays du Golfe croulent sous l'argent. Grâce à un prix du pétrole avoisinant les 90 dollars le baril, Aramco, le groupe pétrolier public d'Arabie saoudite, a réalisé, l'année dernière, un bénéfice record de 161 milliards de dollars. Pendant ce temps, le fonds souverain d'Arabie saoudite dispose d'une fortune de plus de trois billions de dollars.

FILE - Saudi Aramco engineers and journalists look at the Hawiyah Natural Gas Liquids Recovery Plant in Hawiyah, in the Eastern Province of Saudi Arabia on June 28, 2021. Oil giant Saudi Aramco on Tue ...
Des ingénieurs d'Aramco inspectent une installation à Hawijah.Image: keystone

Pour le futur proche, tous les signaux sont également au vert:

  • 36% des réserves mondiales de pétrole se trouvent sous le désert des pays du Golfe.
  • Actuellement, près d'un baril de pétrole sur deux exportés provient de cette région.
  • 22% du gaz naturel y est extrait.
  • L'exportation de gaz liquide atteint même 30%.

Parallèlement, les Emirats arabes unis (EAU) deviennent un centre financier à l'échelle mondiale. 14% de toutes les IPO (introductions en bourse) mondiales se sont déroulées à Abu Dhabi au premier trimestre de cette année. Le Wall Street Journal souligne que la hausse des taux d'intérêt a étouffé les emprunts en Occident. C'est pourquoi les hôtels de luxe de la région du Golfe seraient remplis de financiers occidentaux. «Tout le monde veut aller au Proche-Orient», déclare le journal en citant le conseiller financier Peter Jädersten:

«C'est comme autrefois avec la Ruée vers l'or aux Etats-Unis»

Comment en est-on arrivé là?

Dans son dernier numéro, The Economist consacre même sa couverture au miracle économique arabe. Il y énumère les raisons qui y ont conduit:

  • Tout d'abord, la région connaît une sorte de paix. Les deux ennemis jurés, l'Arabie saoudite et l'Iran, ont enterré la hache de guerre, du moins provisoirement.
  • Les guerres civiles en Syrie et au Yémen se sont apaisées.
  • Le Qatar a réglé sa querelle avec ses voisins.
  • De délicates relations commerciales se dessinent entre Israël et différents pays arabes. Même Bachar el-Assad, le boucher de la Syrie, ne doit plus attendre dehors devant la porte arabe et est de nouveau admis dans le cercle illustre de MBS & Co.

Sur le plan de la politique intérieure, les mentalités ont également changé. Le fondamentalisme islamique n'a plus guère de partisans, tout comme la démocratie de type occidental. L'exemple de la grande majorité des habitants du Proche-Orient est celui des EAU. Ceux-ci sont certes dirigés de manière autoritaire, mais ils sont économiquement prospères et politiquement stables. Selon le magazine The Economist.

«Lorsqu'on leur demande ce qui est le plus important pour eux, la démocratie ou la stabilité, 82% des jeunes Arabes optent pour la stabilité»

Parallèlement, ces pays veulent également réduire leur dépendance vis-à-vis des Etats-Unis. Selon les données du Fonds monétaire international, les exportations vers la Chine et l'Inde ont augmenté de 26% au cours des 30 dernières années. Dans le même temps, les exportations vers l'Europe et les Etats-Unis ont chuté de 34% à 16%.

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Le premier ministre indien Narendra Modi salue Mohammed bin Zayed Al Nahyan, le président des Emirats arabes unis.Image: keystone

Sur l'échiquier politique aussi, les pays du Golfe commencent à gagner du terrain. Lors de leur dernière réunion, les pays du Brics ont décidé d'inviter l'Iran, l'Arabie saoudite, les EAU et l'Egypte en tant que membres à part entière lors de leur prochaine réunion.

Mais il y a des risques de bascule

Qu'est-ce qui pourrait briser le rêve de MBS et de sa soif de pouvoir? Il y a tout d'abord les énormes différences de richesse dans cette région. Les pays du Golfe sont très riches, tandis que les Egyptiens, les Syriens et les Libanais sont très pauvres.

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Violentes manifestations au Caire.Image: EPA

En raison d'achats d'armes démesurés, le taux d'endettement de l'Egypte a atteint 93% du produit intérieur brut, dont environ un tiers en devises étrangères. L'économie non pétrolière se contracte depuis des années, la monnaie a perdu la moitié de sa valeur au cours des deux dernières années, l'inflation est de 38%.

La durée de la trêve entre l'Arabie saoudite et l'Iran est également incertaine. Les ayatollahs de Téhéran sont sur le point de se doter de la bombe atomique. La réaction de MBS à cette situation est incertaine. Une nouvelle course aux armements entre l'Arabie saoudite et l'Iran pourrait se profiler.

Enfin, la richesse des pays du Golfe repose toujours sur les combustibles fossiles. Même si la date exacte n'est pas encore fixée, une date d'expiration se dessine au vu du réchauffement climatique. C'est pourquoi des alternatives sont étudiées fébrilement, par exemple l'énergie solaire produite dans le désert ou le tourisme.

L'avenir nous dira si ces efforts seront couronnés de succès, car c'est avant tout l'Etat qui fournit des emplois. En Arabie saoudite, par exemple, plus de la moitié de la population active est employée par l'Etat, où les salaires sont si élevés que les entreprises privées qui veulent rivaliser ne sont pas compétitives au niveau international.

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Video: watson
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