Les deux principales sociétés immobilières de Signa sont à leur tour placées en redressement judiciaire. Signa Prime Selection AG, dans laquelle l'entrepreneur Klaus-Michael Kühne, domicilié à Schwyz, détient une participation importante, et Signa Development Selection AG vont demander une procédure d'assainissement en gestion propre au tribunal du commerce de Vienne. C'est ce qu'a annoncé jeudi passé le groupe du baron autrichien déchu, René Benko.
Sa holding ainsi que d'autres sociétés imbriquées sont déjà en faillite. Il s'agit de la plus grande débâcle de l'histoire de l'Autriche. Les créanciers réclament des sommes de plus d'un milliard d'euros.
La liste des investisseurs lésés est longue et éminente. Outre Kühne, actionnaire majoritaire de Kühne+Nagel, la multinationale active dans le domaine de la logistique, de nombreux entrepreneurs connus ont massivement investi dans l'empire Benko. Citons par exemple les familles Peugeot ou Rausing (Tetra Pak).
Un peu plus bas dans la liste, on trouve un autre nom célèbre en Suisse: Victorinox. Le fabricant de couteaux mondialement connu, ainsi que sa caisse de pension, sont engagés, chacun à hauteur de 100 000 actions dans Signa Sports United.
La plateforme d'articles de sport, à laquelle appartiennent des boutiques en ligne telles que Bikester.ch, Campz.ch ou Tennis-Point.ch, fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité depuis fin octobre déjà. De nombreux clients avaient tremblé pour leur marchandise commandée et déjà payée. Le marchand de sport expédie à nouveau ses produits, mais l'avenir de Signa Sports United reste très incertain.
Les investisseurs craignent là aussi pour leurs millions. Comme le montrent des documents de l'autorité américaine de surveillance des marchés boursiers, on compte parmi les actionnaires des fonds souverains, des assurances-vie, des family offices, des particuliers fortunés ainsi qu'une vingtaine d'entreprises, dont – justement – Victorinox.
Interrogé sur le montant du préjudice, Carl Elsener, qui dirige l'entreprise familiale depuis 2007, va droit au but:
En revanche, aucune dépréciation ne serait à craindre pour la caisse de pension, car une éventuelle perte liée à l'investissement Signa serait couverte par la famille.
Selon Elsener, avec un volume de plus de 600 millions de francs et un taux de couverture d'environ 135%, la caisse de pension aurait pu supporter cela seule. Mais au vu des circonstances, le clan préfère la compenser. Une porte-parole de l'entreprise avait déjà souligné au préalable que la position Signa représentait «nettement moins de 1% du portefeuille de placements» et que «le besoin d'amortissement se maintenait dans le cadre de la volatilité normale du portefeuille».
Ce n'est cependant pas le seul amortissement potentiel dans le portefeuille de Victorinox. On apprenait récemment que la caisse de pension du fabricant de couteaux avait investi 7,8 millions de francs dans Highlight Event and Entertainment AG, la société en difficulté de l'ancien président du FC Bâle, Bernhard Burgener.
Celle-ci a subi un recul massif de son chiffre d'affaires au premier semestre 2023: la perte d'exploitation a doublé. Les comptes révèlent en outre que l'entreprise est profondément endettée, à hauteur de 360 millions de francs environ, dont 320 millions de dettes à court terme.
Carl Elsener se montre néanmoins serein. «Pour nous, qui investissons très prudemment et durablement, 7,8 millions c'est bien sûr important. Mais nous n'aurions pas pris cette décision sans obtenir des garanties en échange». Le prêt est par conséquent couvert par un gage.
Elsener précise qu'une modification de la stratégie d'investissement à court terme n'est pas à l'ordre du jour. Car malgré une année boursière difficile, Victorinox s'est globalement bien débrouillée sur le front des placements. «Comme le reflète notre caisse de pension, qui est l'une des plus saines qui soient en Suisse».
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker