Le procès du déraillement de la rame d'un TGV d'essai qui a causé la mort de 11 personnes en Alsace le 14 novembre 2015 s'est ouvert lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Ce drame avait été largement occulté par les attentats djihadistes meurtriers commis la veille.
La salle d'audience, la plus grande du tribunal parisien, avait du mal à contenir les parties civiles et familles des victimes venues en nombre pour ce procès prévu jusqu'au 16 mai. Le procès se déroule «dans une ambiance particulière», a relevé d'emblée la présidente du tribunal. «La plupart d'entre vous se connaissaient. Prévenus, témoins et parties civiles se confondent», a-t-elle rappelé.
Le 14 novembre 2015, 53 personnes, salariés du secteur ferroviaire et membres de leurs familles, dont quatre enfants, avaient pris place à bord de la rame pour l'ultime test du tronçon de la nouvelle Ligne à grande vitesse Est européenne.
La SNCF, ses filiales Systra (commanditaire des essais) et SNCF Réseau (gestionnaire des voies) ainsi que trois personnes physiques (le conducteur titulaire, un cadre de la SNCF chargé de lui donner les consignes de freinage et d'accélération et un ingénieur de Systra, chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie) sont sur le banc des prévenus.
Les trois personnes physiques encourent trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros (43 000 francs) d'amende. Les trois sociétés risquent une amende de 225 000 euros.
L'ingénieur, souffrant selon son avocat, était absent à l'ouverture de l'audience. Vitesse excessive et freinage trop tardif: les causes principales de l'accident ont été identifiées. Mais la justice devra déterminer les responsabilités de chacun dans l'enchaînement des événements qui ont mené à l'accident.
«Ce procès va déjà permettre de sortir ce drame de l'oubli collectif», a confié l'avocat Gérard Chemla, conseil d'une cinquantaine des 89 parties civiles recensées avant l'ouverture du procès:
Dans son ordonnance, le juge d'instruction a relevé plusieurs manquements de la part de la SNCF et de Systra: «préparation insuffisante» des essais de la rame en survitesse, «manque d'anticipation des risques de déraillement», «insuffisance de communication et de coordination» entre les équipes de Systra et celles de la SNCF, «lacunes dans la formation du personnel» chargé des essais.
Le choix de Systra de pousser la rame à la vitesse de 330 km/h sur la portion de la ligne où s'est déroulé l'accident était «dangereux, non nécessaire et contraire aux préconisations», a pointé le magistrat instructeur. (ats/jch)