Watson: En Allemagne, est-ce que c’est un «oui» ou un «non» à l’envoi de Leopard 2 en Ukraine, comme le demande la Pologne?
Hans Stark: Ce n’est pas encore un «oui». Je n’ai pas vu apparaître ce mardi la «fumée blanche», comme au Vatican quand le collège des cardinaux élit un pape. Pour l’instant, c’est bloqué.
Dimanche 22 janvier sur la chaîne française LCI, interrogée par Darius Rochebin, la ministre des Affaires étrangères allemande Annalena Baerbock, à la question d’une livraison sans autorisation par la Pologne de Leopard 2 à l’Ukraine, a dit, je cite: «Nous ne nous y opposerions pas.» Dans ce cas, pourquoi la réponse allemande tarde-t-elle?
Justement, qui est ce «nous», qu’elle a employé? Les Verts, son parti, Olaf Scholz étant social-démocrate? Est-ce que c’est le ministère des Affaires étrangères ou est-ce que c’est le gouvernement? Pour ma part, je pense qu’elle voulait parler du gouvernement.
Quelles sont les positions à ce sujet au sein du gouvernement allemand?
Le chancelier n’a pas validé les propos de Mme Baerbock. Aujourd’hui (mardi), la Pologne a envoyé sa demande pour que l’Allemagne valide l’envoi de Leopard 2 à l’Ukraine. Le gouvernement allemand a répondu qu’il allait examiner cette demande avec l’«urgence requise», cela veut dire rapidement.
Mais dans le gouvernement allemand, qui est pour, qui est contre le transfert de Leopard 2 à l’Ukraine?
L’Allemagne a un gouvernement de coalition: SPD (sociaux-démocrates), Verts et Libéraux. Les Verts et les Libéraux sont pour. Le SPD freine. Tout le monde au sein du SPD ne partage pas le même avis. Certains sont pour, d’autres, réticents. Quant au ministre de la Défense, Boris Pistorius, du parti SPD, il ne peut en aucun cas prendre une décision qui serait contraire à celle du chancelier. La position de Scholz, c’est: on réfléchit.
Pourquoi veut-il réfléchir? Craint-il les conséquences d’un «oui»?
C’est une décision très lourde qu’il a à prendre. Dans un sens comme dans un autre. S’il s’oppose à l’envoi de Leopard 2, il sera peut-être rendu responsable du fait que l’Ukraine perde la guerre. Ce qui serait terrible.
C’est-à-dire?
Il ne veut pas que seuls des chars lourds allemands soient envoyés en Ukraine. Il veut que ce soit accompagné de l’envoi de chars lourds américains, les Abrams, à tout le moins d’un armement lourd, tels des lance-roquettes américains Himars, mais de plus longue portée que ceux dont dispose déjà l’Ukraine et qui seraient, eux aussi, capables de faire la différence sur le champ de bataille. Mais les Américains hésitent également de leur côté. Même au sein de l’Otan, il y a des voix discordantes. Aujourd’hui (mardi), le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois l’a confirmé en disant qu’il n’y avait pas de position unanime au sein de l’Alliance atlantique.
Pourquoi les Libéraux et les Verts sont pour l’envoi de Leopard de Pologne en Ukraine?
Ce n’est pas si étonnant de la part des libéraux, qui n’ont pas un passé pacifiste. Ce qui est étonnant, c’est le positionnement des Verts. Avant l’invasion russe de l’Ukraine du 24 février 2022, seul un Vert au sein du parti, Robert Habeck, l’actuel vice-chancelier, avait dit: si jamais il y a une guerre, il faudra qu’on fournisse des armes à l’Ukraine. Il s’était fait taper sur les doigts par son propre parti.
Quand une réponse définitive du chancelier allemand tombera-t-elle?
Aucune idée. Je ne peux pas m’imaginer que Scholz puisse retarder sa réponse encore longtemps. En même temps, il a une incroyable résistance à la pression. Il est «Stur», comme on dit en allemand. C’est une «tête de mule». Il a le caractère dur des Hanséatiques, les Allemands originaires du Nord du pays. Tout dépendra du soutien de son parti, le SPD, dans une voie jusqu’ici plutôt attentiste.