Mardi, depuis le forum de Davos, le président ukrainien Volodymyr Zelensky lui-même s'en est ému, alors qu'il redoute déjà de voir le soutien américain fondre avec Donald Trump.
Une remontrance adressée implicitement à Olaf Scholz. Le chancelier social-démocrate, dont le soutien militaire à l'Ukraine a été en dents de scie depuis l'offensive russe de février 2022, bloque depuis plusieurs jours une enveloppe supplémentaire pour Kiev. La discussion porte sur 3 milliards d'euros, prévus en principe pour cette année, mais dont le financement se révèle compliqué à trouver.
Le chancelier a expliqué ne pas vouloir grever davantage le budget 2025 sans savoir «aux dépens de qui il faudra économiser», disant craindre pour les finances des communes ou des retraites.
D'abord mené en coulisses, le débat s'est transformé en conflit ouvert avec sa cheffe de la diplomatie, l'écologiste Annalena Baerbock. Et, de manière plus feutrée, avec son ministre de la Défense Boris Pistorius, pourtant membre de son parti social-démocrate.
Cette controverse vient couronner trois années durant lesquelles l'Ukraine a bouleversé la donne en Allemagne, poussant notamment le pays à mettre fin à son alliance énergétique avec Moscou et à engager un réarmement.
Berlin a versé jusqu'ici à Kiev près de 40 milliards d'euros, le deuxième montant le plus important après les Etats-Unis et accueilli 1,2 million de ses citoyens comme réfugiés. Cette politique a longtemps fait consensus dans l'opinion.
«Il y a beaucoup de soutien allemand, sans lui l'Ukraine n'aurait aucune chance», confie Alla Dudka, une Ukrainienne de 57 ans, qui vit à Ingelheim-sur-le-Rhin, dans l'ouest du pays. Elle dit ressentir ce soutien «chaque jour» depuis son arrivée, lorsque des voisins lui ont «apporté des habits, des couverts, des casseroles, tout».
Mais elle s'inquiète du discours croissant contre les migrants et réfugiés en Allemagne, qui coûteraient trop cher à un pays entré en récession économique.
Car l'extrême droite allemande prône le retour, voire l'expulsion, des réfugiés d'Ukraine. Au-delà, le soutien via l'aide sociale aux Ukrainiens, et les livraisons d'armes suscitent un malaise croissant.
Olaf Scholz se voit accuser par ses rivaux d'agir par opportunisme électoral en bloquant la nouvelle enveloppe de soutien militaire à l'Ukraine. Avec les élections en ligne de mire, le social-démocrate cherche à se présenter désormais en «chancelier de la paix» dans le conflit, partisan de la prudence, soucieux d'éviter une escalade militaire avec la Russie.
Il marque ainsi sa différence avec l'opposition conservatrice, en tête des sondages, et des écologistes, beaucoup plus allants sur l'aide militaire.
Annalena Baerbock mène l'offensive contre son chancelier, dénonçant ceux qui cherchent «à rapidement gagner des votes plutôt que d'assumer leur responsabilité pour réellement garantir la paix et la liberté en Europe».
Pour le chef de file du parti libéral FDP, Christian Lindner, dont le départ en novembre a provoqué l'éclatement de la coalition gouvernementale et précipité les élections législatives, Olaf Scholz, mal en point dans les sondages, «se comporte comme une personne paniquant de crainte de se noyer».
Du côté des extrêmes, l'opposition à l'aide à l'Ukraine est de plus en plus résolue. A droite, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), au programme pro-russe et donnée en deuxième position à plus de 20% dans les enquêtes d'opinion, est en pointe.
Elle est suivie sur ce terrain par la gauche radicale. «Les livraisons d'armes sans fin n'ont pas amélioré la situation de l'Ukraine», estime la dirigeante du BSW, Sahra Wagenknecht, pour qui «nous ne devons pas prolonger l'agonie». (afp)