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Pourquoi Donald Trump appelle désormais à la violence

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L'ex-président lors de son apparition dans le comté de Montogomery.image: keystone
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Pourquoi Donald Trump appelle désormais à la violence

L'ex-président des Etats-Unis appelle ses partisans à de nouvelles manifestations de masse. Conséquence? Le risque de guerre civile s'accroît.
01.02.2022, 18:51
Philipp Löpfe
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Ce que «Mein Kampf» d'Hitler était pour les nazis, le roman «The Turner Diaries» l'est pour les extrémistes de droite en Amérique. Le livre a été écrit en 1978 par un certain William Pierce. Il décrit une révolution d'Aryens qui renversent le gouvernement en place. Cette révolution commence par des actes terroristes et elle est menée par des héros solitaires et des martyrs.

Le livre n'est plus disponible, mais les «Turner Diaries» ont encore un impact aujourd'hui. Ainsi, Timothy McVeigh, un terroriste d'extrême droite, s'était inspiré de ce scénario pour commettre un attentat à la bombe en 1995 à Oklahoma City, faisant 168 morts. Condamné à mort, il a été exécuté en 2001.

FILE - In this April 21, 1995 file photo, Timothy James McVeigh is led out of the Noble County Courthouse by state and federal law enforcement officials in Perry, Okla., after being identified as a su ...
Timothy McVeigh, terroriste d'extrême droite exécuté.image: keystone

Les appels à la guerre civile circulent dans les milieux d'extrême droite depuis des décennies. Ils ont longtemps été balayés d'un haussement d'épaules. Comment c'est possible? Les Etats-Unis ne sont plus divisés en camps géographiquement distincts qui peuvent se faire la guerre. Les Américains sont certes polarisés comme jamais (de mémoire d'homme), mais les fronts traversent la société et le paysage. Au Texas, par exemple, une population conservatrice dans les campagnes se mêle aux libéraux de gauche dans la capitale: Austin.

Trump a changé la donne

La guerre civile est aujourd'hui plus qu'un rêve de fous d'extrême droite. Elle est devenue une option réaliste. Pas n'importe qui le dit: Barbara F. Walter dans son livre récemment paru «How Civil Wars Start». Elle est professeure d'histoire à l'université de Californie à San Diego. Elle est également experte en matière de guerres civiles et a étudié pour la CIA dans le monde entier pour comprendre dans quelles conditions ces guerres éclatent.

Son analyse sur la situation actuelle des États-Unis est effrayante. Elle en conclut que «l'ancienne mère de la démocratie» est devenue une anocratie. Derrière ce terme un peu exotique, elle entend un état Sous ce terme à la consonance exotique, elle entend un régime transitoire, entre la démocratie et d'État autoritaire.

Selon la spécialiste, «les anocraties sont justement sujettes aux guerres civiles. Si un pays tombe dans la zone d'anocratie», le risque d'une explosion de violence atteint alors son apogée, constate-t-elle. «Les citoyens sont inquiets et doutent du pouvoir et de la légitimité du gouvernement. Comparées aux démocraties, les anocraties aux caractéristiques plus démocratiques sont trois fois plus vulnérables face à l'instabilité et à la guerre civile». Les Etats-Unis ont précisément atteint cet état selon son analyse.

Barbara Walter University of California
La professeure d'histoire Barbara F. Walter.

Karl Marx savait déjà que les révolutions ne sont pas portées par le prolétariat. C'est la classe moyenne, qui craint pour sa prospérité et sa valeur dans la société, qui devient susceptible de lancer une révolte. «N'oubliez pas que ce ne sont pas les pauvres désespérés qui déclenchent une guerre civile, prévient également la professeure dans son livre. Ce sont ceux qui perdent leurs privilèges et le statut qu'ils revendiquent».

La classe moyenne blanche américaine a dû faire face à une perte massive de revenus en raison de la mondialisation. Elle craint désormais d'être en plus prise au dépourvu par une population non blanche. Cette combinaison la rend propice aux idées autoritaires.

La guerre civile évoquée par cette spécialiste ne verra pas s'affronter deux armées ennemies qui se massacrent mutuellement. Ce sont plutôt de petits groupes de militants qui, sur le modèle des «Turner Diaries», commettront des attentats et tenteront d'insécuriser la population au point d'espérer un leader puissant.

Les conditions d'une telle guerre sont réunies. «Il existe aujourd'hui déjà des centaines de groupes d'extrême droite en Amérique qui sont convaincus que le pays ne pourra retrouver le droit chemin qu'au prix d'une grande lutte. (...) La plupart d'entre eux veulent que les chrétiens blancs prennent le pouvoir. Tous sont convaincus qu'ils n'atteindront leur objectif que par la violence».

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Trump-Fan beim Rally.Bild: keystone

Ce qui nous amène à Donald Trump. Le week-end dernier, l'ex-président a organisé l'un de ses fameux rallyes. A cette occasion, il ne s'est pas contenté de se lamenter une fois de plus sur le Big Lie. Il a ouvertement appelé ses partisans à commettre de nouveaux actes de violence. , s'est exclamé Trump

«Si ces procureurs radicaux, malveillants et racistes entreprennent quoi que ce soit de corrompu, nous organiserons les plus grandes manifestations que ce pays ait jamais connues»
(Trump fait allusion aux procès intentés contre lui en Géorgie et à New York, ndlr)

Dans la foulée, l'ex-président s'est payé les services des casseurs du 6 janvier, comme de patriotes américains, et a promis de les gracier s'il revenait à la Maison Blanche en 2024.

Depuis peu, Trump ne cache plus qu'il a effectivement tenté un coup d'Etat. Dans un communiqué (il est banni de Twitter) il affirme: «Mike Pence aurait eu le droit de changer le résultat des élections. Malheureusement, il n'a pas exercé ce pouvoir.»

Cette affirmation est absurde, à peu près autant que si l'on prétendait que le Totomat pouvait déterminer le résultat d'un match de football.

Enfin, le New York Times vient de révéler que Trump voulait faire saisir les ordinateurs de vote par l'armée et qu'il avait demandé à son ministre de la Justice de l'époque, William Barr, s'il en était autorisé. Bien sûr, il ne l'était pas. Et Barr a démissionné.

Hat vor dem Ausschuss ausgesagt: Marc Short, ehemaliger Stabschef von Mike Pence.
Hat vor dem Ausschuss ausgesagt: Marc Short, ehemaliger Stabschef von Mike Pence.Bild: sda

Donald Trump se sent acculé. La commission chargée de faire la lumière sur les événements du 6 janvier ne cesse de révéler de nouveaux faits, dévastateurs pour lui. Marc Short, le chef de cabinet de Mike Pence, a également témoigné devant la commission. Il a participé de près aux événements.

Fani Willis, une procureure du comté de Fulton dans l'État de Géorgie, mène une enquête pour déterminer si des actes criminels ont été commis lors des élections de l'automne dernier. Elle vient de déclarer officiellement que cette enquête visait également Trump.

Willis connaît la propension à la violence des partisans de Trump. Elle a donc demandé une protection policière pour elle et son équipe.

Une classe moyenne blanche vulnérable aux idées d'extrême droite. Un ex-président aux abois qui attise la colère de ces personnes et les incite ouvertement à la violence. Tout cela est explosif. Il est naïf de croire que les checks and balances tant vantés de la Constitution américaine suffiront à eux seuls à écarter cette menace.

Les guerres civiles arrivent à pas feutrés. «Personne ne veut croire que notre chère démocratie est en danger», prévient Barbara Walter. «Le déclin se fait à si petits pas qu'il n'est souvent pas reconnu, même si on le sent déjà».

Eric Zemmour - Référence à la Suisse

Video: watson
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