Le 31 décembre 2024, alors que des milliers de personnes attendent sereinement la nouvelle année dans le quartier français de La Nouvelle-Orléans, un homme lance son pick-up à pleine vitesse sur la foule. Bilan: 15 morts, des dizaines de blessés et une Louisiane en état de choc. Le terroriste, abattu sur place par les forces de l'ordre, était un citoyen américain. Un vétéran de l'armée, baptisé Shamsud Din Jabbar, qui trimballait avec lui toute la panoplie du parfait terroriste de Daech, d'un drapeau de l'Etat islamique sur son véhicule, à sa cible, un rassemblement occidental dédié à la fête.
Trois jours après le carnage, toujours aucune revendication de l'organisation terroriste et les autorités maintiennent que l'homme «a agit seul», en «s'inspirant» de Daech. Alors que l'enquête ne fait sans doute que commencer, le futur président des Etats-Unis a déjà toutes les réponses qu'il a besoin pour déployer son rouleau compresseur politique.
Et il lui importe peu que son analyse soit en réalité basée sur des faits erronés. Quelques heures après le drame, Donald Trump a partagé sa colère en affirmant que l'individu, pourtant né aux Etats-Unis, était un immigré illégal en provenance de la frontière sud. Une erreur que l'on doit au départ à Fox News, qui annoncera trop vite que le pick-up a traversé la frontière deux jours plus tôt.
Histoire de corriger le tir (mais sans rembobiner), son principal conseiller, Stephen Miller, est venu à sa rescousse en affirmant que le «terrorisme islamiste est une importation. Il n’est pas d’origine locale. Il n’existait pas ici avant que l’immigration ne l’amène ici». Suivra ensuite toute la clique qui devrait garnir son nouveau gouvernement. Pour ne citer que lui, Tom Homan, futur patron des frontières, en a profité pour traiter Joe Biden de «laxiste» et confirmer la «grande opération d’expulsion» brandie par Donald Trump, «si l'on veut donner la priorité aux menaces à la sécurité publique et à la sécurité nationale».
Certains sont même allés un peu plus loin, en utilisant l'attentat terroriste pour presser le Congrès à valider les yeux fermés les nominés au gouvernement Trump.
Pour le clan Trump, en 2025, et sans s'embarrasser de la moindre preuve, tout acte de violence sera considéré comme la faillite du gouvernement précédent. Alors que Joe Biden a enchainé les réunions d'urgence pour savoir ce qu'il lui était possible de communiquer, le 47e président des Etats-Unis a foncé dans le tas, profitant du drame pour instrumentaliser la mort d'Américains et durcir sa futur politique migratoire au doigt mouillé. Avec le risque de brandir des solutions prétextes à de véritables menaces.
Un réflexe qui n'est certes pas nouveau, mais va prendre du muscle durant les quatre prochaines années. Non seulement son entourage officiel est aujourd'hui un conglomérat d'allégeance au mouvement MAGA, mais le pire ennemi de l'information est aujourd'hui son meilleur ami: Elon Musk. De quoi brouiller les pistes et instaurer la post-vérité au rang de ministère.
Sans oublier que Donald Trump devrait dédier son dernier mandat à la trace qu'il laissera dans l'histoire américaine, quitte à faire des crises mondiales de simples outils à son service.
Il suffit d'observer les réactions en cascades depuis l'explosion d'un Cybertruck du patron de Tesla, devant l'hôtel Trump à Las Vegas le 1er janvier, pour comprendre la puissance de la manipulation. Selon les autorités, l'homme au volant du tank électrique se serait tiré une balle dans la tête avant de brûler dans son véhicule «au point d'être méconnaissable».
Dans l'armée américaine depuis son adolescence, Matthew Livelsberger était un «puissant Rambo», fan du président Trump, qui avait d'ailleurs voté pour lui en novembre, selon des sources militaires interrogées par le Daily Beast. Un soldat des opérations spéciales «hautement qualifié».
Un citoyen américain. Un trumpiste, un vrai.
De quoi freiner les délires MAGA? Pas vraiment.
Depuis plusieurs jours, les partisans du milliardaire de Mar-a-Lago organisent leurs opinions selon le sens du vent. Si certains semblent mal à l'aise avec les derniers faits, d'autres transforment ce qui était pour eux un «attentat symbolique» contre le futur président et son bras droit, en un étrange concert de louanges. A commencer par l'ex-député républicain Matt Gaetz, en disgrâce depuis les révélations sur son présumé passé sexuel avec des mineures, qui veut croire que l'homme de Las Vegas est un bonhomme qui aurait simplement dérapé.
The Vegas dude seems like a real CHAD??
— Former Congressman Matt Gaetz (@FmrRepMattGaetz) January 2, 2025
Si le FBI a ouvert une enquête, les motivations de l'individu restent très opaques et les autorités considèrent que l'explosion de la Tesla devant l'hôtel Trump ne peut pas être mis en lien avec l'attentat terroriste à La Nouvelle-Orléans.
En revanche, pour le 47e président, ces deux actes de violence très médiatisés sont très utiles pour décapsuler son mandat et piétiner le gouvernement Biden: «Le ministère de la Justice, le FBI et les procureurs démocrates des Etats et des collectivités locales n'ont pas fait leur travail. Ils sont incompétents et corrompus», a-t-il dénoncé vendredi matin.
TRUMP WAS RIGHT ABOUT EVERYTHING!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) January 3, 2025
Durant la campagne présidentielle, le candidat Trump s'était vanté à plusieurs reprises de l'absence de drame majeur durant son premier mandat. En voyage dans le New Hampshire, en octobre 2023, le milliardaire avait ainsi déclaré que «tous les problèmes, tous les gros problèmes avaient cessé et il n'y a pas eu d'attentats aux Etats-Unis pendant quatre ans».
Un mensonge, évidemment. Les New-Yorkais n'oublieront jamais l'attentat de 2017, lorsque Sayfullo Saipov, un immigré entré illégalement dans le pays, tua huit personnes au volant de son camion. Un drame qui s'était déroulé dans le Lower Manhattan, juste avant Halloween et le marathon le plus populaire au monde. Dans la foulée, Trump avait jugé le terroriste «psychologiquement diminué» et s'était interposé dans le processus judiciaire en exigeant la peine de mort.
Qu'il torde la réalité à sa guise ou traficote son implication dans les statistiques criminelles, Donald Trump a plus que jamais besoin de la violence pour justifier sa politique et blâmer son prédécesseur. Seulement, dès son investiture le 20 janvier prochain, le 47e président entrera dans un mandat et une époque propice à une escalade de la violence, dont ses propres décisions, qui s'annoncent radicales, deviendront elles aussi des détonateurs.
Le serpent qui se mord la queue?