Les informations rendues publiques par les autorités américaines suite à l’attentat perpétré mercredi 1er janvier dans le «quartier français» de la Nouvelle-Orléans mènent au groupe Etat islamique (EI). Ce qu’atteste, en apparence du moins, la présence d’un drapeau de l’EI (Daech) à l’arrière du pick-up à bord duquel le terroriste a tué 15 personnes et blessé des dizaines d'autres, selon un bilan provisoire. Le président américain en exercice Joe Biden a déclaré que le meurtrier «était inspiré» par l'EI.
L’endroit choisi par le tueur, identifié comme Shamsud Din Jabbar, 42 ans, pour commettre son forfait, est un «classique» des actions de l’Etat islamique en Occident: un lieu festif, associé – dans le discours de l'organisation – à la débauche occidentale, avec une connotation LGBT. On pense tout de suite, dans l’ordre, aux attentats des terrasses et du Bataclan du 13 novembre 2015 à Paris, à la fusillade dans une boîte gay d’Orlando, en Floride, le 12 juin 2016, au camion fou de Nice, le 14 juillet de la même année. A cela s'ajoute le mode opératoire, encouragé par Daech auprès de ses émules à travers le monde: un véhicule fonçant dans la foule, de manière à faire le maximum de morts.
L’attaque terroriste de la Nouvelle-Orléans, dans l'Etat de Louisiane, est donc selon toute vraisemblance un attentat djihadiste, signé Daech par le tueur lui-même – à côté de son corps sans vie gisant sur le sol, on aperçoit ce qui ressemble à un chapelet, qui lui appartenait peut-être.👇
Mais pourquoi Daech et pourquoi maintenant? Une piste conduit en Syrie, où le nouveau pouvoir sous la bannière des islamistes radicaux d’HTS s’est construit contre l’EI, l’a combattu. Il reste aujourd’hui des poches de Daech dans les régions désertiques situées au centre de la Syrie. Le 24 décembre, les Etats-Unis ont affirmé avoir tué deux combattants de l'EI lors d'une opération aérienne en Syrie. La France a annoncé avoir mené des «frappes ciblées» cinq jours plus tard, toujours contre le même ennemi.
Les Etats-Unis ont, par ailleurs, levé la récompense de 10 millions de dollars promise à qui permettrait d’arrêter le nouvel homme fort de la Syrie, Abou Mohammed al-Joulani, qui se fait désormais appeler par son vrai nom, Ahmed Al-Charaa. Prudent face à la donne syrienne instable, l’Occident semble cependant disposé à accompagner une fragile transition politique, à présent que le régime dictatorial de Bachar Al-Assad est tombé. L’attentat de la Nouvelle-Orléans est peut-être une façon pour Daech de dire aux Etats-Unis qu’ils feraient mieux de se tenir à distance des affaires syriennes.
Une autre piste mène possiblement à l'Etat islamique au Khorassan (EI-K), une zone qui englobe entre autres des parties de l'Afghanistan et du Pakistan. En mars dernier, à Moscou, un attentat faisant 137 morts avait été revendiqué par l'EI-K.
Le terroriste de la Nouvelle-Orléans pourrait ne pas avoir agi seul. La CIA (les services secrets) est mobilisée pour mettre au jour ses liens avec d'éventuels donneurs d'ordre étrangers.
Quant au FBI, la police fédérale, elle est sur la piste de possibles complices. Trois hommes et une femme étaient recherchés. Des engins explosifs ont été retrouvés mercredi dans le pick-up du tueur, qui portait, semble-t-il aussi, une ceinture explosive. D'autres bombes ont pu être posées ailleurs. La confection d'engins explosifs nécessite en principe une expertise d'artificier. Une opération anti-terroriste est en cours aux Etats-Unis.
Les enquêteurs cherchent notamment à savoir si l'explosion d'un Tesla Cybertruck, le pick-up de la marque d'Elon Musk, mercredi matin devant l'hôtel Trump de Las Vegas, faisant un mort et en blessant sept autres légèrement, a un lien avec l'attaque de la Nouvelle-Orléans. Selon l'agence de presse AP, l'application qui a servi à la location du véhicule impliqué dans l'attentat en Louisiane est la même que celle avec laquelle le Tesla Cybertruck a été loué.
Le terroriste de la Nouvelles-Orléans n’est en tout cas pas un «migrant» au sens où le président élu Donald Trump l’entend souvent – un individu fraîchement arrivé sur le sol américain après avoir franchi clandestinement la frontière. Portant un nom musulman dont l’origine pourrait être indo-pakistanaise, Shamsud Din Jabbar, 42 ans, est né aux Etats-Unis, dans l’Etat du Texas. Il a servi une dizaine d'années dans l’armée américaine dans un secteur informatique. En tant que militaire, il aurait effectué un séjour en Afghanistan de 2009 à 2010. Il avait semble-t-il des problèmes d'argent. Il se serait radicalisé ces douze derniers mois.
C'est la seconde fois aux Etats-Unis qu'un individu islamiste radicalisé servant ou ayant servi dans l'armée commet un massacre. Le 5 novembre 2009, un psychiatre de l'armée de terre américaine, né de parents palestiniens, décrit comme «un loup solitaire d'Al-Qaïda», avait tué 13 personnes et blessé 32 autres sur la base militaire américaine de Fort Hood, au Texas.
L'attentat qui a endeuillé dans la nuit de mercredi la Nouvelle-Orléans et dont l'EI, quelle qu'en soit la branche, revendiquera peut-être la paternité, aurait pu être bien plus meurtrier. Le pick-up du tueur a manifestement été stoppé dans sa course folle par un engin de chantier. Quant aux charges explosives, celles qui ont été repérées ont pu être désamorcées à temps.
A l'approche de la passation de pouvoir entre Joe Biden et Donald Trump, les conséquences politiques de cette attaque terroriste pourraient être lourdes. Comme on le sait en Europe, parmi les auteurs des attentats djihadistes, nombreux sont ceux qui sont nés sur le sol européen.
