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L’Ukraine doit-elle céder des territoires pour arrêter la guerre?

La ville de Severodonetsk, à l'est de l'Ukraine. 16 avril 2022.
La ville de Severodonetsk, à l'est de l'Ukraine. 16 avril 2022.image: keystone
Analyse

L’Ukraine doit-elle céder des territoires à Poutine pour mettre fin à la guerre?

Prolonger la souffrance des Ukrainiens ou se soumettre au fait accompli de Poutine? Le géopolitologue français Bertrand Badie a répondu à ces questions sensibles.
30.05.2022, 16:5031.05.2022, 08:37
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Comment mettre fin à la guerre en Ukraine? Sous-entendu, le plus tôt possible. Poser cette question, alors que les Russes progressent à l’est du pays, menaçant de transformer Severodonetsk en une autre Marioupol, pilonnant à nouveau Kharkiv, apparaîtra à beaucoup d'Ukrainiens comme une insupportable manifestation de défaitisme. Arrêter la guerre, oui, diront-ils, mais pas au moment où les Russes donnent l’impression d’avoir l’avantage. Ce serait leur reconnaître la victoire et entériner leurs conquêtes.

Ce que le géopolitologue français Bertrand Badie traduit d'une phrase:

«Considérer que les responsables ukrainiens sont prêts à concéder des territoires après toutes les offensives russes, après tous les sacrifices consentis jusqu’ici pour les repousser, est tout à fait irréaliste»
Bertrand Badie

Sur le front ⬇️

Sources : Institut pour l'étude de la guerre (ISW), Institut australien de politique stratégique (ASPI) et War mapper.
Sources : Institut pour l'étude de la guerre (ISW), Institut australien de politique stratégique (ASPI) et War mapper.

De fait, la position ukrainienne n’a pas varié à ce sujet depuis le début du conflit. Le président Volodymyr Zelensky l’a réaffirmée mercredi dernier lors du Forum de Davos (WEF), où il intervenait par liaison vidéo:

«Des pourparlers sont envisageables si la Russie montre au moins quelque chose. Quand je dis au moins quelque chose, je veux dire le retrait des troupes jusqu’où elles étaient avant le 24 février, le jour où l’invasion russe a commencé. Je pense que ce serait une mesure correcte à prendre pour la Russie»
Volodymyr Zelensky

Et le chef de guerre ukrainien de réclamer plus d’armes lourdes à l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) pour combattre l’envahisseur russe.

Bertrand Badie rappelle une évidence qui a son importance: «On n’est pas dans la tête de Poutine». Que veut-il vraiment? Jusqu’où ira-t-il? «Ce qu’on peut dire, c’est que ses intentions ne sont probablement plus aujourd’hui ce qu’elles étaient au départ, lorsqu’il pensait s’emparer de Kiev, la capitale», observe le géopolitologue.

«Ce qui est sûr, c’est que Poutine est dans une guerre de destruction. En faisant souffrir énormément les Ukrainiens, en particulier les civils, il compte arracher des concessions»
Bertrand Badie

On n'est plus au 18e siècle

Deux «visions éthiques» se contredisent, juge Bertrand Badie. L’une plaide pour la fin des combats, l’autre, en faveur de leur poursuite. «S’entêter à la guerre, côté ukrainien, c’est exposer toute une population à des souffrances de plus en plus grandes», pose le spécialiste des relations internationales. «Mais laisser Poutine se calmer avec des concessions territoriales, cela risque de susciter des appétits de conquête chez d’autres dirigeants et chez Poutine lui-même, qui pourrait décider, en 2026, 2027 ou 2028, de s’en prendre à la Moldavie, par exemple.»

Bertrand Badie ne croit pas à une résolution du conflit qui passerait par une cession réciproque de territoires, comme cela se pratiquait au 18e siècle entre puissances. Il cite le Traité d’Aix-La-Chapelle ou le Traité de Paris qui mirent fin, respectivement, à la guerre de Succession d’Autriche et à la guerre de Sept Ans.

Le géopolitologue français pense cette époque révolue. Il se rapporte aux deux guerres mondiales du 20e siècle: «Aucune d'elles n'a débouché sur une négociation finale entre les belligérants, à chaque fois le vainqueur a imposé ses conditions au vaincu», fait-il remarquer.

De deux choses l'une: le retrait ou l'annexion

La présente guerre en Ukraine ne pourrait-elle pas inaugurer un nouveau mode de résolution des conflits? Là encore, Bertrand Badie renvoie au 20e siècle: «Après 1945, tous les grands conflits marqués d’une invasion se sont achevés par le retrait unilatéral d’un des belligérants de la bataille, les Etats-Unis du Vietnam, les Soviétiques d’Afghanistan».

«Dans le cas de figure ukrainien, on peut toujours compter sur un renversement de pouvoir au Kremlin ou une neutralisation forcée de l’Ukraine, mais on peut s’attendre aussi à ce que Poutine annexe l’est de l’Ukraine et y organise un référendum non reconnu par le droit international, valant fait accompli, comme en Crimée en 2014»
Bertrand Badie

Il faut par ailleurs compter sur ces «monnaies d’échange» que sont les prisonniers de guerre détenus de part et d’autre. La Russie aurait pour l’heure l’ascendant sur plusieurs plans: elle semble ainsi en mesure de bloquer les exportations ukrainiennes de céréales. Et si pour l’heure Odessa, la grande ville portuaire ukrainienne située à l’ouest de la mer Noire, est libre, un jour Moscou pourrait l'envahir.

«Ce serait un choc énorme pour l’Ukraine et pour tout l’Occident, mais je n’imagine pas qu’une troisième guerre mondiale éclaterait pour sauver Odessa»
Bertrand Badie


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