Sandrine Rousseau est-elle allée trop loin? Le 19 septembre, dans l’émission «C à vous», sur France 5, l'omniprésente députée d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) a déballé l’intimité douloureuse de la vie d’un couple. «Je pense qu’il y a des comportements qui sont de nature à briser la santé morale des femmes», commentait-elle après avoir mis nommément en cause Julien Bayou, le secrétaire national de son parti, formellement son chef. Une ex-compagne de ce dernier aurait fait «une tentative de suicide», à la suite d'une rupture, supposait-on.
Suspicions de violences sexistes et sexuelles commises par Julien Bayou : on en parle avec @sandrousseau dans #CàVous ⬇️ pic.twitter.com/j8Er4kvwV3
— C à vous (@cavousf5) September 19, 2022
Aujourd’hui, Julien Bayou n’est plus secrétaire général d’EELV, ni président du groupe écologiste à l’Assemblée nationale. Jugeant la situation «intenable», il a démissionné lundi de ces deux postes. Pourtant, rien de ce qu’a rapporté Sandrine Rousseau à son sujet n’est pénalement répréhensible.
Son ex-compagne n’a pas déposé plainte contre lui. Mais EELV, et la gauche française en général, a tant fait de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes l’axe de sa politique, que toute échelle dans la qualification des actes ou propos reprochés semble abolie au détriment du suspect, l’homme, cet agent du «patriarcat» qu’il faut purger.
Au fil des mois, Sandrine Rousseau, ex-candidate à la primaire de son parti en vue de l’élection présidentielle, battue par Yannick Jadot, est devenue l’incarnation de cette rhétorique de la purge. C’est elle qui a développé la notion d'«homme déconstruit», défait de ses attributs patriarcaux. Au boulot, Messieurs!
Par quoi commencer? Par la bouffe, on est en France. Le steak, la viande rouge, le barbecue: champ lexical de la domination masculine, sanctuaire socio-gastronomique du sexisme. La planète crève, la faute aux mecs, tance la députée EELV. Tollé à droite, mais à gauche aussi. L’éco-féminisme de Sandrine Rousseau est sec comme un coup de trique. Il est expéditif, sans égard pour le contradictoire, principe cardinal en démocratie. Cela devient un problème, pour la cause des femmes et au sein même de son parti, commence-t-on à s’inquiéter.
Dans une opinion publiée lundi dans Le Monde, deux avocates affirment que «l’amalgame entre violences sexuelles et comportements sexistes est dangereux et juridiquement inexact», que le public ne s’y retrouve plus dans les différentes qualifications, au point de les confondre. La faute, selon ces avocates, qui ne manquent pas d’évoquer le passage de Sandrine Rousseau dans «C à vous», aux affaires intimes portées à la connaissance du public sans autre forme de procès.
Sont alors ruinées, bien souvent, tant la réputation de la personne mise en cause que celle du parti ou de l’entreprise qui l’héberge. Autrement dit, dans le cas présent, les malheurs médiatiques de Julien Bayou rejaillissent négativement sur EELV.
Et si Sandrine Rousseau, qu’on dit intéressée par la direction du parti au prochain congrès des écologistes, en décembre, ceci pouvant expliquer cela, était devenue un boulet pour les siens? L’Agence France Presse (AFP) a enquêté dans les rangs de la Nupes, la coalition de gauche réunissant au parlement la France insoumise, les socialistes, les communistes et les écologistes. Les avis sur Sandrine Rousseau sont plutôt mitigés.
Sa sortie, mi-septembre, sur la «valeur travail», qui serait «de droite», «a fait bondir la présidente du parlement de la Nupes et Insoumise Aurélie Trouvé: "La valeur travail est marxiste et de gauche! C'est le combat contre l'exploitation du travail par le capital"», rapporte l’AFP.
Le grand problème de Sandrine Rousseau, c’est son côté clivant. Osons un mot passé de mode: castrateur. «"Sur le barbecue, elle a sociologiquement raison, les hommes mangent plus de viande, mais elle nous fait perdre dix ans" en effarouchant nombre d'hommes intéressés par l'écologie, soupire ainsi en privé un député écolo», relate l’AFP.
Le même député ajoute:
C’est notamment peu après qu’un journaliste de LCI lui eut rapporté cette formule – «Zemmour de gauche» –, que Sandrine Rousseau s’est levée et a quitté le plateau de la chaîne info qui la questionnait sur l’affaire Bayou. Chercherait-elle à se «venger» de sa défaite face à Yannick Jadot, l’an dernier aux primaires?, lui demandait LCI.
🔴"C'est en leader politique que je vous parle et que je fais avancer les débats" @sandrousseau quitte le plateau de LCI @PaulLarrouturou @EliMartichoux #Rousseau pic.twitter.com/gO91vY1GIK
— Josselin HR (@jo_redachef) September 23, 2022
Sandrine Rousseau n’est pas à la fête ces jours-ci. Ses tweets de soutien tout en «sororité» au soulèvement des femmes iraniennes contre le régime des mollahs, passent mal auprès de ses ennemis politiques. Ils lui ressortent ses propos de novembre 2021, lorsqu’elle considérait que le voile pouvait être un «embellissement» pour celles qui le portent. Celle qui n'était pas encore députée réagissait à une campagne du Conseil de l’Europe sur la diversité, comportant entre autres ce slogan: «La liberté dans le hijab». Face au tollé suscité, le Conseil de l’Europe l’avait annulée.
Le voile est un "embellissement" pour Sandrine Rousseau.
— Emmanuelle Ducros (@emma_ducros) November 5, 2021
Je crois qu'on a vraiment touché une frontière, là. https://t.co/ysbphpBT4Y
Dilemme pour les écologistes: si Sandrine Rousseau dérange au point de faire fuir des électeurs, au moins, avec elle, son parti existe-t-il un peu.