La discussion ne date pas d'hier. Avant même que Joe Biden, 79 ans, ne pose le pied dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, on se posait déjà des questions sur son âge avancé et le fait que celui-ci l'empêche — ou non — d'être un président compétent.
Les premières attaques sont arrivées de la part de Fox News durant la course à la présidentielle de 2020. Le commentateur vedette Sean Hannity estimait (déjà) que le politicien démocrate était sénile et serait incapable de tenir ses fonctions.
A l'époque, ces polémiques lancées des camps conservateur ou républicain étaient pointées du doigt par les démocrates ou les commentateurs politiques de gauche:
«Au contraire», précisait le journaliste Mark Leibovich dans la revue The Atlantic. «Les personnes en contact étroit avec Biden le décrivent comme au courant de l'actualité et parfaitement informé sur les détails de ses dossiers.»
Le discours au sujet de la santé de Biden à gauche se voulait rassurant et avait pour objectif de contrer les attaques des milieux républicains. Mais le vent a tourné depuis 2020. De plus en plus de voix s'élèvent des milieux proches des démocrates pour suggérer à Joe Biden de ne pas se représenter pour un second mandat.
Michelle Goldberg, journaliste au New York Times, a par exemple énuméré dans un article tous les mérites de l'actuel président en exercice, avant de conclure:
L'avis de Michelle Goldberg représente celui des soutiens du natif du Delaware. Selon les derniers sondages, 75% des électeurs démocrates souhaitent que Joe Biden renonce à une deuxième candidature. Le président reste cependant imperturbable. Son attachée de presse a récemment déclaré:
Reste à savoir s'il s'agit du dernier mot du cabinet Biden, ou si ces déclarations n'ont pour but que de garder le leadership du président démocrate intact le plus longtemps possible, et ce jusqu'à une annonce de démission surprise.
La question se pose réellement. Car selon ses médecins, Joe Biden est en bonne forme physique, malgré son âge. Il ne boit pas, ne fume pas, n'est pas en surpoids et se rend régulièrement à la salle de sport. Malgré une fatigue et un manque de vitalité parfois apparents, le président américain est donc, objectivement parlant, en bonne santé.
Il n'empêche, la Maison-Blanche a pour effet de «faire vieillir» très vite ses locataires. L'opinion publique se souvient des photos «avant/après» des présidents américains en passage au Bureau ovale, notamment Barack Obama, qui avait pris un sacré coup de vieux en huit ans. Rentré à la Maison-Blanche fringant et alerte, il en est ressorti les cheveux grisonnants, le teint blême et les traits tirés.
Joe Biden est déjà le plus vieux président américain en exercice. Il a dépassé Ronald Reagan, qui avait 78 ans en quittant le Bureau ovale. Soit l'âge que Biden avait... en y rentrant.
Le 20 novembre prochain, Joe Biden fêtera ses 80 ans. Une date symbolique qui ne manquera pas de relancer le débat sur son âge. Si le démocrate effectue un second mandat et qu'il le mène à sa fin, il quittera la présidence des Etats-Unis à l'âge de 86 ans.
Entre-temps, le journaliste Mark Leibovich a changé son fusil d'épaule. Récemment, il a fait remarquer que dans d'autres métiers épuisants, les gens partent à la retraite bien plus tôt. Les pilotes, par exemple, sont mis à la retraite à l'âge de 65 ans, les contrôleurs aériens à 56 ans déjà.
Il n'empêche, les pro-Biden peuvent argumenter du fait que le président a fait du bon travail jusqu'à présent. «Les nombreuses crises qui ont fait chuter sa cote de popularité ne sont pas de sa faute», tempère Michelle Goldberg, rappelant que le président ne peut pas grand-chose contre l'inflation ou les jugements de la Cour suprême.
La gauche se souvient aussi que Joe Biden était probablement le seul candidat à pouvoir battre Donald Trump.
«Les électeurs voulaient pouvoir compter sur quelqu'un qui ne tweete pas comme un fou, qui ne leur conseille pas d'avaler de l'eau de javel contre le Covid, et qui ne souille pas l'honneur des héros de guerre, des icônes des droits civiques ou des reporters handicapés», explique Mark Leibovich.
Mais Donald Trump est en phase d'être oublié et le souvenir de sa présidence ne suffit plus à fournir un blanc-seing à Joe Biden. Bien que le trublion républicain flirte régulièrement avec l'idée de se présenter à nouveau en 2024, il fait face à un désamour de la part de la droite — seuls 44% des électeurs républicains annoncent vouloir voter pour lui — et une baisse de popularité générale.
De plus, son principal allié, l'éditeur Rupert Murdoch, prend ses distances. Ainsi, Fox News n'a mentionné que marginalement le discours de Trump à Washington mardi dernier. Et à 76 ans, l'âge est aussi un argument qui joue contre lui.
En ce moment, cependant, les planètes s'alignent pour Joe Biden. Le prix de l'essence, très important aux Etats-Unis pour l'opinion publique, est en train de baisser et le pic de l'inflation semble avoir été dépassé.
Donald Trump a tiré les ficelles du parti républicain pour mettre sur le devant de la scène des politiciens très clivants pour les élections de mi-mandat, ce qui pourrait tourner en faveur de Biden.
Enfin, Joe Manchin, un sénateur démocrate qui avait engagé un bras de fer avec Biden au sujet du plan «Build Back Better» de celui-ci, a fini par plier et a opté pour une version allégée.
Selon plusieurs commentateurs, c'est pour toutes ces raisons que Joe Biden ne doit pas se représenter en 2024:
Traduit et adapté par Alexandre Cudré