Boris Johnson n'a jamais manqué de confiance en lui. Lors du sommet du Commonwealth, au Rwanda, l'homme de 58 ans a récemment déclaré qu'il pouvait s'imaginer rester en poste jusqu'au milieu des années 2030. Il dépasserait même Margaret Thatcher, la «mère supérieure» des Tories, les conservateurs britanniques. Mais beaucoup se demandent, désormais, si «BoJo» sera encore premier ministre à la fin de cette semaine.
Johnson vit actuellement la phase la plus difficile de son mandat tumultueux d'à peine trois ans. Mardi soir, un coup de théâtre a eu lieu lorsque le chancelier de l'Echiquier (ministre des Finances) Rishi Sunak et le ministre de la Santé, Sajid Javid, deux poids lourds du cabinet, ont annoncé leur démission. Plusieurs secrétaires d'Etat ont également quitté leur poste en signe de protestation.
Il s'agissait de la dernière des nombreuses affaires auxquelles Boris Johnson a dû faire face depuis qu'il a succédé à Theresa May. Et cette affaire concerne Chris Pincher, politicien promu à un poste de haut niveau au sein de son groupe parlementaire à la Chambre des communes, malgré le fait qu'il ait peloté deux hommes dans un club chic de Londres.
Le premier ministre a fait semblant de ne pas être au courant avant d'admettre qu'il avait été informé du scandale avant la promotion. Il s'agissait de son schéma habituel: dissimuler et nier jusqu'à ce que les faits ne puissent plus être réfutés. Boris Johnson s'était déjà comporté de la même manière dans l'affaire des soirées organisées dans sa résidence officielle en plein confinement.
Début juin, le premier ministre avait encore survécu à une «tentative de putsch» au sein du groupe parlementaire conservateur pour cause de «partygate». Toutefois, 41% des députés tories ont voté pour sa destitution. C'était une gifle sévère. L'affaire Pincher pourrait désormais être celle de trop, même pour Boris Johnson, le rescapé.
Les médias britanniques ont en tout cas vivement réagi à la fronde du gouvernement. Le Times, le média phare des conservateurs britanniques, a appelé le chef du gouvernement à démissionner sous le titre «Game over». Et le Daily Mail, qui se situe à la droite de l'échiquier politique, a demandé en première page, dans son style habituel, si le «cochon huileux» Boris pourrait à nouveau s'en sortir.
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— Daily Mail U.K. (@DailyMailUK) July 5, 2022
Le premier ministre, acculé, a cherché à se libérer en nommant Nadhim Zahawi, jusque-là ministre de l'Education, au poste de chancelier de l'Echiquier. D'autres membres du cabinet se sont rangés derrière lui, notamment les partisans d'une ligne dure sur le Brexit. Pour eux, Johnson reste manifestement le meilleur garant pour que le Royaume-Uni garde le cap sur la sortie de l'Union européenne.
Mardi encore, le chef du gouvernement a fait le tour du café de la Chambre des communes avec l'argument «tout le monde mérite une deuxième chance», écrit le Guardian. Le journal de centre-gauche estime, toutefois, que le nombre de secondes chances commence à s'accumuler. Depuis son entrée en fonction en juillet 2019, les affaires jalonnent son parcours.
Tout a commencé lorsqu'il a voulu mettre le Parlement – qui avait mené la vie dure à Theresa May, sa prédécesseure, lors du Brexit – en vacances forcées. On a reproché à Boris Johnson d'avoir même menti à la reine dans ce contexte. S'en sont suivis une gestion chaotique de la pandémie, le Partygate et la rénovation de luxe de son appartement de fonction.
Côté positif, le premier ministre avait mené les Tories à une victoire électorale retentissante, en décembre 2019, avec le slogan «Get Brexit Done» et avait fait passer la sortie de l'UE, même si les effets secondaires étaient violents. Le blond excentrique a longtemps été apprécié de l'électorat, malgré son attitude que l'on peut qualifier de «désinvolte» vis-à-vis de la vérité.
Entre-temps, sa cote de popularité est tombée à 23%. Le mécontentement de la population, également alimenté par la hausse des prix de l'énergie et l'inflation générale – plus élevée dans le royaume que dans la zone euro –, a été ressenti par les conservateurs lorsqu'ils ont subi une défaite cuisante lors de deux élections partielles à la Chambre des communes.
Les conservateurs ont l'habitude de ne faire qu'une bouchée des chefs de partis et de gouvernements impopulaires. Même Margaret Thatcher en a fait les frais. En 1990, alors qu'elle était de plus en plus impopulaire, après presque douze ans de mandat, et que plusieurs ministres lui avait tourné le dos, elle a été poussée à la démission par son propre camp (et contre son gré).
Boris Johnson risque de connaître un sort similaire. Un nouveau vote de défiance n'est en principe possible que dans un an à peine, mais des efforts sont en cours parmi ses critiques internes pour modifier cette règle. Il ne faut pas parier sur le fait que le premier ministre restera encore longtemps en poste et surtout pas jusqu'aux années 2030.