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Pourquoi nous ne devons pas (encore) enterrer Donald Trump

Duane Schwingel, dressed as Uncle Sam, arrives before former President Donald Trump speaks at a campaign rally in support of the campaign of Sen. Marco Rubio, R-Fla., at the Miami-Dade County Fair and ...
Duane Schwingel, déguisé en Oncle Sam, arrive avant que l'ancien président Donald Trump ne prenne la parole lors d'un meeting de soutien, le 6 novembre 2022.image: keystone
Analyse

Pourquoi nous ne devons pas (encore) enterrer Trump

L'ex-président est touché, mais il est loin d'être mort. Cette nuit il annoncera sans doute sa candidature à la présidentielle américaine.
15.11.2022, 17:0315.11.2022, 17:53
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe
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Dans les sciences sociales, il existe une vieille querelle qui tourne autour de la question suivante: qu'est-ce qui détermine le cours de l'histoire? La base socio-économique d'une société ou les grands hommes et femmes? Les partisans de la première thèse s'appuient sur la thèse, certes vulgairement marxiste, selon laquelle «l'être définit la conscience». A ces matérialistes s'opposent les idéalistes. Ces derniers sont convaincus que notre destin a été façonné par des hommes comme Napoléon et César ou des femmes comme Elizabeth I et Catherine la Grande.

On peut également considérer le phénomène Donald Trump de manière matérialiste ou idéaliste. Voici premièrement la version matérialiste:

Le populisme de droite est plus vieux que Trump

Daron Acemoglu est un économiste qui enseigne au Massachusetts institute of technology (MIT). Il s'est fait connaître avec son livre Pourquoi les nations échouent, écrit en collaboration avec James Robertson.

Dans le magazine Foreign affairs, il défend désormais la thèse selon laquelle on ne peut comprendre Trump que si l'on s'intéresse aux conditions qui l'ont fait naître. «Le populisme de droite n'est pas né du charisme dérangé de Trump», constate Acemoglu, qui poursuit:

«Le populisme de droite s'est établi en tant que puissance politique potentielle deux décennies avant Trump»

L'auteur fait également référence à des développements similaires au Brésil, en Hongrie, en Inde, aux Philippines, en Pologne et en Turquie, où l'ascension d'hommes forts a également été rendue possible grâce aux conditions économiques.

Aux Etats-Unis, selon Daron Acemoglu, c'est d'une part, le déclin des travailleurs non diplômés qui est responsable de cette situation. Ce groupe de population a été particulièrement touché par la mondialisation. Leurs salaires n'ont pas seulement stagné, ils ont parfois été réduits de manière drastique. Parallèlement, la richesse d'une infime minorité a explosé. Ces inégalités et la haine de l'élite ont créé la base de la volatilité politique. Daron Acemoglu constate:

«En 2016, les Etats-Unis étaient mûrs pour un mouvement populiste, et ils le sont encore aujourd'hui»

Le spécialiste conclut qu'à long terme, seuls un renforcement des institutions démocratiques et une meilleure régulation de la mondialisation et de la numérisation pourront y remédier.

Trump est devenu un personnage culte

Jan-Werner Müller défend également une variante idéaliste dans Foreign affairs. Pour lui, le problème réside dans la personne de Donald Trump et l'état du Grand old party (GOP). Müller est politologue à l'université de Princeton, il affirme:

«Trump a réussi à transformer le parti républicain en un culte à sa personnalité»

«Tout le reste, par exemple la loyauté critique envers le parti, mais pas envers une personne, et encore moins l'opposition ouverte, est devenu impossible. Il n'est tout simplement plus possible de garder sa bonne réputation de républicain en critiquant l'ancien président».

August 22, 2021, Cullman, Alabama, USA: Unofficial campaign flags and buttons for former President Donald Trump are consistent sellers at a roadside vendor tent in northern Alabama, where a massive po ...
Les partisans de Trump soutiennent aveuglément leur idole.image: www.imago-images.de

Le culte de la personnalité autour de Trump menace la démocratie américaine. Les personnes qui sont tombées dans ce culte doivent être déprogrammées, un peu comme des victimes de sectes, estime Jan-Werner Müller:

«Nous devons réfléchir davantage à la manière dont nous pouvons créer des lieux sûrs pour les partisans de Trump, où ils peuvent admettre qu'ils ont été trompés.»

Le culte de la personnalité de Trump a jeté le GOP dans un dilemme, car l'ex-président annoncera très probablement sa candidature à la présidence cette nuit. Ceci en dépit du fait que les résultats des élections de mi-mandat implorent de ne pas le faire.

Toutefois, Trump est désormais vu comme un perdant. Il est responsable de la défaite des élections de mi-mandat de 2018 ainsi que de sa défaite en 2020 et des scrutins cruciaux du Sénat en Géorgie en janvier 2021. Il est actuellement au moins en partie responsable de l'absence de la «vague rouge» qui était prévue par les républicains.

La direction du GOP sait qu'une autre candidature de Trump, en 2024, entraînerait un désastre. Les électeurs indépendants les plus importants ne veulent pas de suite au film chaotique de Trump. L'évaluation des premières enquêtes l'a montré très clairement. De puissants mécènes républicains ont également signalé qu'ils ne feraient plus de dons à Trump, même le magnat des médias Rupert Murdoch a partiellement pris ses distances.

L'ex-président dispose, toutefois, d'une base solide dans le parti. Une majorité de républicains veulent toujours qu'il se représente en 2024. Trump peut également compter sur des partisans fidèles à la Chambre des représentants, où les républicains sont susceptibles de remporter une infime majorité. Le soi-disant «Freedom caucus» suit toujours aveuglément les instructions de Mar-a-Lago. Sans ce groupe de fanatiques, dont Marjorie Taylor Greene ou Matt Gaetz, le potentiel futur chef Kevin McCarthy ne peut absolument rien faire.

FILE - Rep. Elise Stefanik, R-N.Y., speaks at DMI Companies in Monongahela, Pa., Sept. 23, 2022. The No. 3 ranking House Republican Stefanik is endorsing Donald Trump for president in 2024, becoming t ...
Soutient Trump: la députée Elise Stefanik.image: keystone

Trump possède aussi des qualités pour se relever. Après la prise du Capitole, il paraissait démuni. En quelques semaines, cependant, des républicains ont fait le pèlerinage à Mar-a-Lago, ont embrassé la bague de Trump et ont rejoint le mouvement. Des représentants bien connus du GOP se sont déjà rangés du côté du milliardaire, par exemple Elise Stefanik, de New York, la troisième députée républicaine.

Le GOP est donc dans une position délicate: le bon sens lui dicte d'abandonner Trump et de chercher une alternative. Ron DeSantis, le gouverneur de Floride, serait actuellement la meilleure carte. Toutefois, tout lui signale de ne pas trop s'éloigner de son idole Trump. De féroces conflits de direction, voire une véritable guerre pourrait donc voir le jour au sein du GOP.

Max Weber, le grand sociologue allemand du siècle dernier, a proposé une solution salomonienne à la controverse mentionnée au début: Les matérialistes auraient certainement raison de dire que les conditions économiques ont une influence significative sur notre pensée mais dans certaines périodes de temps, des leaders charismatiques pourraient faire pencher la balance.

Jamie Foxx imite à la perfection Donald Trump

Vidéo: watson

Les Etats-Unis sont actuellement dans cette situation: de petits changements dans la proportion d'électeurs auront un impact énorme. Quelques milliers de votes dans quelques Etats charnières décideront qui accédera à la Cour suprême et, avec lui, le sort des questions de l'avortement, du nouveau pacte vert ou encore de la contribution militaire en Ukraine.

Cette impasse est en lien avec la situation économique américaine. Dans de telles conditions, un leader charismatique peut faire toute la différence. Pour le meilleur ou pour le pire, comme le montre l'exemple de Trump.

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