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L'Etat islamique attaque les talibans: l'Europe menacée?

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L'Etat islamique multiplie les attentats: l'Europe est-elle menacée?

En Afghanistan, les attentats revendiqués par l'organisation terroriste Etat islamique se multiplient. Fabien Merz, expert à l'EPF de Zurich, examine le danger que les islamistes pourraient représenter pour le Vieux Continent.
07.11.2022, 11:51
Hans-Caspar Kellenberger / ch media
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Les marchés, les écoles et les musées afghans ne sont plus des lieux sûrs sous le règne des talibans. La dernière attaque en date a eu lieu dans une école de Kaboul et a fait au moins 19 morts. Quelques jours auparavant, une explosion devant l'ambassade de Russie avait secoué la capitale afghane. Un kamikaze s'était fait exploser, faisant six morts. L'Etat islamique (EI) a ensuite revendiqué l'attaque. Fin août, 21 personnes avaient déjà trouvé la mort dans un attentat perpétré par l'EI contre une mosquée.

Depuis la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, les attentats terroristes se multiplient à nouveau à Kaboul. Elles sont menées soit par l'EI-K – une branche de l'EI en Afghanistan, au Pakistan et au Tadjikistan – soit par le groupe de résistance afghan Front national de libération (FNR). Les talibans eux-mêmes se retrouvent régulièrement dans la ligne de mire des auteurs d'attentats. Mi-août, un religieux de premier plan du mouvement militant islamiste a été tué. L'EI a également revendiqué cette attaque.

Les filiales de l'EI continuent d'exister

Alors que le Front national de libération veut avant tout dominer l'Afghanistan, l'Etat islamique a d'autres intentions: il vise notamment l'Occident. Entre 2014 et 2015, l'organisation terroriste islamiste a soumis un territoire qui s'étendait d'Alep en Syrie à Diyala en Irak – et en a fait son «califat islamique», un Etat à part entière. Des grandes villes comme Mossoul en Irak ou Rakka en Syrie ont souffert de ce règne de la terreur qui a duré près de deux ans.

Daech a réussi à radicaliser des individus dans le monde entier et à attirer des milliers de voyageurs du djihad, y compris des pays occidentaux. L'EI a lancé une offensive terroriste mondiale et a notamment mené des attentats qui ont fait de nombreuses victimes en Allemagne et en France (Charlie Hebdo, Bataclan) et inspiré des imitateurs. Une coalition dirigée par les Etats-Unis a commencé à combattre l'EI à partir de 2016. Début 2019, il a perdu le dernier territoire qu'il contrôlait dans le nord-est de la Syrie.

L'ambition globale de l'EI est toutefois restée intacte. Le groupe, issu à l'origine de la résistance irakienne, a créé un réseau mondial de ramifications régionales qui existent encore aujourd'hui: entre autres dans le Sinaï égyptien, en Libye, dans la région du Sahel (par exemple au Mali), en Afrique de l'Ouest et centrale, au Yémen, en Asie de l'Est et également en Afghanistan, où se trouve actuellement l'une des branches les plus actives.

Un manque d'alternatives

L'Etat islamique s'attaque de manière ciblée aux talibans ainsi qu'à la minorité chiite en Afghanistan et se propose comme alternative à la population civile déstabilisée. Et ce, bien que les talibans interprètent l'islam de manière moins radicale que l'EI, qui veut régner strictement selon la charia – comme en Syrie et en Irak. Comment l'organisation terroriste fait-elle malgré tout des adeptes dans le pays? Fabien Merz, expert du Moyen-Orient et du terrorisme au Center for Security Studies (CSS) de l'EPF de Zurich, explique:

«On peut supposer que l'EI-K recrute ses partisans d'une part parmi les anciens combattants talibans pour lesquels les talibans semblent trop modérés. D'autre part, certains djihadistes non afghans, principalement originaires d'Asie du Sud et d'Asie centrale, ont également rejoint l'EI-K»

D'anciens membres des forces gouvernementales afghanes rejoindraient également de plus en plus l'organisation. Soit pour se venger des talibans, soit tout simplement pour gagner de l'argent et subvenir à leurs besoins en raison du manque d'alternatives.

Fabien Merz ne croit pas que la branche de l'organisation terroriste ait le potentiel de faire de l'Afghanistan un califat en raison du chaos et de la situation sécuritaire dans le pays. Selon lui:

«L'EI-K est actuellement trop petit et trop faible militairement pour prendre le contrôle de vastes régions d'Afghanistan»

Il faudrait s'attendre à ce que les talibans continuent à tout mettre en œuvre pour agir résolument contre l'EI-K partout où cela est possible.

L'expert déclare:

«Les talibans considèrent depuis longtemps déjà l'EI-K comme un adversaire et une menace. En conséquence, ils l'ont déjà combattu bien avant leur prise de pouvoir à la mi-2021 et ont largement contribué à pousser l'organisation dans la clandestinité»

A cela s'ajoute le fait que les Etats-Unis et leurs alliés continueront d'agir contre l'EI-K après leur départ, par exemple par des frappes aériennes ciblées.

L'Europe à nouveau menacée par le terrorisme?

L'Occident reste un ennemi de l'Etat islamique. Fabien Merz considère, toutefois, que la capacité de la branche afghane à mener des attentats de grande envergure dans le monde occidental dépend de l'ampleur de la pression qui sera maintenue sur l'EI-K en Afghanistan. Il explique:

«Un relâchement de la pression pourrait conduire à ce que de nouvelles options d'action s'ouvrent à l'EI-K, donc aussi la possibilité de se concentrer davantage sur des attentats en Occident»

La capacité des organisations terroristes à commettre des attentats de grande ampleur en Occident dépend en outre souvent de la disponibilité d'une zone de repli adéquate. Fabien Merz ajoute:

«Cela vaut probablement aussi pour l'EI-K. Ainsi, il devrait être difficile pour l'organisation de perpétrer des attentats d'envergure en Occident tant qu'elle devra opérer dans la clandestinité en Afghanistan»

Quel est le degré de réalisme du scénario selon lequel la pression des talibans et des États-Unis sur l'EI-K diminue et que l'organisation terroriste se concentre sur l'Occident dès 2023?

«Jusqu'à présent, l'EI-K s'est principalement concentré sur l'Afghanistan. En dehors de l'Afghanistan, il a particulièrement ciblé le Pakistan et l'Asie centrale, mais n'a pu y obtenir que peu de résultats pour le moment»
Fabien Merz

Selon lui, cela est également dû, entre autres, à la forte pression que l'organisation a subie en Afghanistan, aussi bien avant qu'après la prise de pouvoir des talibans.

Selon l'expert, le danger pour l'Occident d'un Etat islamique plus fort, si tant est qu'il en existe un, proviendrait plutôt de ses branches dans d'autres pays. En effet, les succès que l'organisation mère a pu enregistrer en Syrie et en Irak entre 2013 et 2016 serviraient d'inspiration aux diverses branches de Daech.

«Là-bas, l'EI a réussi à contrôler pendant relativement longtemps de vastes territoires et à mettre en place des structures proto-étatiques. Ce sont probablement les branches de l'EI sur le continent africain qui peuvent le plus facilement s'en inspirer. Cela s'explique notamment par la faiblesse des forces de sécurité locales»

Des pays comme le Burkina Faso, où selon l'Institut de recherche sur les conflits internationaux de Heidelberg (HIIK), 2000 personnes ont déjà été tuées dans des attaques de l'EI et d'autres groupes au premier semestre 2022, en sont un exemple.

Selon l'analyse CSS de Fabien Merz, un «Etat islamique 2.0» peut se développer le plus facilement dans un «environnement d'instabilité», c'est-à-dire avec des institutions étatiques faibles et une population opprimée. Tant que l'on ne s'attaque pas aux causes principales qui ont permis l'ascension de l'EI, comme en Syrie et en Irak, il faut s'attendre à ce que celui-ci puisse se maintenir et éventuellement gagner en puissance. Il en va de même en Afghanistan, où les talibans ne parviennent pas à offrir une véritable stabilité à la population civile qui souffre. (aargauerzeitung.ch)

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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