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Poutine est «frustré»: sa gestion de la guerre n'a aucun sens

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Poutine est «frustré»: sa gestion de la guerre n'a aucun sens

Un hélicoptère militaire russe détruit par les forces ukrainiennes.
Un hélicoptère militaire russe détruit par les forces ukrainiennes.Image: Keystone
Des chars sans carburant, des soldats en pleurs, un manque de nourriture... La gestion de la guerre de Poutine est mauvaise à plusieurs niveaux, pour ne pas dire désastreuse. Et le chef du Kremlin serait de plus en plus frustré.
04.03.2022, 09:2809.05.2023, 17:56
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t-online

Cela fait huit jours que Vladimir Poutine a ordonné l'invasion de l'Ukraine. Comme le rapportent les médias locaux, l'opération devrait être terminée dès la semaine prochaine. L'«opération spéciale» devait permettre de s'emparer en quelques jours des centres urbains de l'Ukraine. L'idée était de créer, comme par magie, un régime fantoche stable accepté par un certain nombre d'Ukrainiens. Selon les services de renseignement occidentaux, c'est en gros le plan tel qu'il a été conçu au Kremlin.

Au lieu de cela, les deux camps comptent des milliers de morts, des obus tombent sur des zones résidentielles, la population locale mène une résistance farouche et surtout, l'armée russe est lente dans sa progression.

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Outre les importants problèmes logistiques et les soldats rebelles, ce sont surtout les révoltes partisanes des Ukrainiens qui semblent contrecarrer les plans du Kremlin. La guerre de Poutine est actuellement confrontée à plusieurs revers, mais il serait naïf de croire que l'offensive est sur le point d'échouer. Au contraire, la situation pourrait être encore pire pour l'Ukraine.

La résistance des Ukrainiens

L'une des plus grandes erreurs commises dans la phase initiale de la guerre a peut-être été que Poutine s'est laissé prendre au piège de sa propre propagande. Son obsession pour l'Ukraine, dont il nie l'existence, a fait croire au chef du Kremlin que le pays voisin serait rapidement conquis. On a raconté aux soldats que l'armée russe serait accueillie en «libérateurs» par les Ukrainiens.

Pendant ce temps, une résistance contre les troupes de Poutine s'est formée dans toute l'Ukraine. Des kalachnikovs sont distribuées dans la capitale, des associations de volontaires se battent aux côtés des forces armées régulières et des vidéos de civils qui se mettent en travers du chemin des chars sont devenues virales.

Une scène de la ville occupée de Konotop, dans le nord du pays, illustre la détermination des Ukrainiens face aux assaillants. Des images montrent un soldat russe qui, grenades en main, menace un groupe de civils. Au lieu de se mettre en sécurité, les gens réagissent de façon virulente et chassent le soldat de la place.

Dans d'autres villes, comme à Mykolaïiv ou Energodar au Sud, les habitants construisent des barricades de plusieurs centaines de mètres de long avec des sacs de sable et des voitures détruites. Leur but est de se mettre en travers du chemin des chars de Poutine.

Une résistance ukrainienne aussi virulente est un problème non seulement pour une offensive russe rapide, mais aussi pour un éventuel futur Etat fidèle à Moscou.

Les soldats abandonnent leurs chars

L'offensive de Poutine se heurte également à des problèmes logistiques. Cela concerne notamment le convoi militaire de 64 kilomètres de long qui se trouve devant Kiev et qui est supposé conquérir la capitale.

Selon les rapports, la nourriture pour les troupes et le carburant pour les chars viennent à manquer. Des témoins rapportent que des unités de chars russes volent du carburant dans les stations-service pour pouvoir avancer. D'autres laissent tout simplement leurs véhicules sur le bord de la route. Il semblerait que les commandants russes aient envoyé les camions de ravitaillement trop tard de l'autre côté de la frontière et que les quelques-uns qui étaient déjà en Ukraine aient été délibérément détruits par les forces armées ukrainiennes.

Les autorités ukrainiennes ont également publié des cartes et des plans d'invasion qui semblent avoir été abandonnés dans des postes militaires russes. Les soldats sont généralement tenus de détruire de tels documents afin de ne pas transmettre d'informations sensibles à l'ennemi.

«Quel putain de bataillon?»

En matière de communication aussi, il y a une pomme pourrie dans le panier. Les formations de troupes auraient du mal à communiquer entre elles. Il semble même que l'on ait souvent recours à des radios analogiques. Cela permet à l'armée ukrainienne d'enregistrer facilement les communications ennemies.

La société d'analyse britannique Shadowbreak Intl. a publié sur Twitter certaines de ces conversations interceptées, qui proviendraient de soldats russes. t-online a traduit des extraits de ces messages radio parfois difficiles à comprendre.

Ainsi, «Diamant» se plaint auprès de «Tempête de neige» que «R» n'est pas encore prêt. Il s'agirait d'un appareil militaire dont le besoin est urgent. «Allez vous faire foutre, bande de moutons! Vous êtes déjà là depuis trois jours». S'ensuivent d'autres insultes et des questions pour savoir quand «R» sera enfin opérationnel. «Tempête de neige» répond qu'il ne comprend pas non plus et promet de s'en occuper.

Dans un deuxième enregistrement, également mis en ligne par Shadowbreak Intl., un soldat russe se met à pleurer parce qu'il est apparemment poursuivi par un bataillon ukrainien. «Quel putain de bataillon?», lui demande son interlocuteur. Le soldat se contente de gémir qu'il a vu des forces armées quelque part. Sa voix se brise.

L'armée ukrainienne a réussi à localiser la position des appareils interceptés grâce aux messages radio non cryptés. Elle s'est même adressée directement à certains soldats russes en leur proposant par exemple 40 000 euros s'ils se rendaient.

Sabotage de sa propre troupe

Ces enregistrements sont de nouveaux indices des nombreuses erreurs tactiques commises par le commandement militaire russe. Selon Shadowbreak Intl., qui a analysé un grand nombre de ces entretiens, les troupes manquent même parfois de cartes pour s'orienter. Le manque d'équipement ne ralentit apparemment pas seulement la progression de l'armée, mais mine également le moral des troupes de l'offensive.

La plupart des soldats sont de jeunes recrues mal équipées, mal entraînées et pas préparées psychologiquement à combattre un «peuple frère». Certains hommes seraient tellement malheureux de leur situation qu'ils saboteraient leurs propres véhicules, a déclaré mardi le ministère américain de la Défense. D'autres auraient déjà déserté.

«Apparemment, tous n'étaient pas pleinement formés et préparés, ni même conscients qu'ils allaient être envoyés au combat», rapportent les médias américains qui citent un représentant du gouvernement. Plusieurs rapports «indépendants les uns des autres» indiquent que le moral des troupes est au plus bas. Il n'existe toutefois pas de données indépendantes ou même de chiffres sur les soldats russes qui ont déserté.

Fuir peut s'avérer dangereux

La sécurité lacunaire des données de l'armée russe semble également être exploitée. Mardi, l'Ukrajinska Prawda a publié une liste de plus de 6660 pages qui contiendrait des données personnelles de plus de 120 000 soldats russes combattant en Ukraine - y compris les noms, adresses, dates de naissance, numéros de service et lieux de mission. On ne sait pas exactement qui a volé ces données et dans quelle mesure elles sont réellement actuelles, mais leur publication pourrait être déterminante pour le cours de la guerre.

«Une telle fuite de données a un fort impact psychologique sur l'organisation concernée», a déclaré le politologue et expert militaire Thomas Rid au portail dailydot.

«Elle laisse un fort sentiment de vulnérabilité au niveau personnel, aussi bien chez les dirigeants que chez les personnes mises à nu»
Thomas Rid, politologue et expert militaire

Une prétendue tentative d'assassinat du président ukrainien est également le signe de problèmes dans la machine de guerre russe. Des combattants tchétchènes - appelés Kadyrovites d'après le dirigeant de leur pays - auraient visé Volodymyr Zelensky dans la nuit de mardi à mercredi. Selon les indications d'un proche de Zelensky, l'attentat aurait été déjoué grâce à une information des services secrets russes FSB - dont Poutine lui-même est sorti. Selon des rapports non confirmés, l'information provenait d'agents opposés à la guerre de Poutine.

Poutine de plus en plus «frustré»

Une taupe dans ses propres rangs? Ce n'est pas impossible. Les informations des services secrets américains se sont révélées étonnamment précises ces dernières semaines. Les services secrets occidentaux ont apparemment actuellement des liens étroits avec l'entourage de Poutine.

Selon NBC, plusieurs sources des services de renseignement font état d'un «changement de comportement» du chef du Kremlin depuis le début de l'offensive. Poutine serait toujours considéré comme «mentalement stable», mais il se montrerait de plus en plus «frustré». Ses proches collaborateurs ressentent sa colère face à la lenteur du déroulement de la guerre et aux sanctions occidentales. C'est inhabituel.

La question est de savoir ce qu'un Poutine frustré signifie pour le déroulement de la guerre. D'autant plus qu'il semble s'être mis toute la population ukrainienne à dos. Le plan initial, tel qu'il a été esquissé par des experts et plusieurs services de renseignement, prévoyait de prendre les plus grandes villes ukrainiennes, notamment Kiev, dans une sorte de guerre éclair, d'éliminer le gouvernement, de tordre le cou par la même occasion à la résistance ukrainienne et de mettre en place un gouvernement fantoche à la merci de Moscou.

Inquiétudes face à une escalade de la violence

La tactique de la guerre éclair n'a pas fonctionné. Et un régime d'occupation plus ou moins stable ne semble pas à portée de main. Viktor Ianoukovitch, l'ex-président ukrainien qui a pris la fuite en 2014 et dont le nom a été mentionné dans ce contexte, ne semble pas être un candidat approprié pour cela.

Les observateurs craignent donc que Poutine ne recoure désormais à plus de violence, par exemple en utilisant une tactique de guerre plus cruelle comme les bombardements de zones résidentielles afin de démoraliser la population ukrainienne. La Russie a déjà fait l'expérience de cette tactique à Alep, en Syrie. Un scénario similaire semble pointer à l'horizon dans la mégapole de Kharkiv.

Un deuxième scénario, encore plus dangereux, a été décrit, entre autres, par Fiona Hill, biographe de Poutine et spécialiste respectée de la Russie: l'utilisation d'armes nucléaires tactiques.

Dans une interview accordée au portail américain Politico, Hill s'exprime s'exprime sur l'absence totale de toute limite éthique de la part de Poutine. «Ceux qui pensent que Poutine n'utiliserait pas quelque chose d'inhabituel et de cruel dans son arsenal devraient y réfléchir à deux fois. A chaque fois, on se dit qu'il ne le ferait pas», a déclaré Hill. «Eh bien, il le ferait. Et bien sûr, il veut que nous le sachions.» (dm,mk )

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