Le moment ne pourrait pas être plus mal choisi pour le roi Charles: un mois exactement avant le couronnement du 6 mai et quelques jours après une visite d'Etat convaincante en Allemagne, le Guardian frappe fort. Sous le titre «Cost of the crown», 15 journalistes d'investigation ont enquêté sur tout ce que la famille royale a caché au public en matière de finances, sur le lobbying qu'elle a exercé au Parlement pour son propre compte et sur les lois qu'elle a modifiées à sa guise, en sa faveur.
Ces dernières semaines, l'équipe du Guardian a adressé d'innombrables questions au Palais, dont les réponses étaient les suivantes:
Bien entendu, les réponses qui n'ont pas été données concernent tout le monde. Car actuellement, la monarchie reçoit 86 millions de livres (97 millions de francs) provenant des recettes du Crown Estate, l'organisation qui gère les châteaux, les joyaux de la couronne, les terres, les eaux, des rues entières de Londres, etc. En comparaison, la monarchie espagnole ne coûte que 4,7 millions de livres.
Mais du côté des recettes de la famille royale, on trouve également des millions privés provenant du duché de Cornouailles et du duché de Lancaster. Rien qu'en 2022, cela a représenté plus de 40 millions de livres de bénéfices, et 1,2 milliard de livres depuis l'entrée en fonction de la reine, comme le rapporte le Guardian. Le duché de Lancaster passe toujours directement d'une tête couronnée à l'autre. Le duché de Cornouailles passe du prince mâle le plus âgé au suivant. Le prince William dispose en conséquence d'un revenu supplémentaire actuel de 20 millions de livres par an.
De l'extérieur, on fait volontiers croire que les duchés réalisent leur chiffre d'affaires grâce à une agriculture durable et progressiste et qu'ils encouragent les fermes idylliques. Mais ils ne sont devenus réellement rentables qu'avec des investissements offshore et l'acquisition et la gestion de biens immobiliers urbains et de maisons de vacances de luxe. Rien que le duché de Cornouailles vaut plus d'un milliard de livres grâce à son portefeuille. L'année dernière, le prince William est ainsi devenu d'un seul coup l'un des plus grands propriétaires terriens du Royaume-Uni et un milliardaire.
Depuis qu'il existe, le Parlement britannique veut nationaliser les revenus des duchés. La famille royale insiste sur le fait que ceux-ci sont «privés» depuis le Moyen-Age. La reine et Charles ont réussi à multiplier par dix les revenus des duchés. En 1993, ils ont volontairement décidé de payer enfin des impôts sur les bénéfices de leurs duchés, mais Charles a de nouveau divisé les siens par deux après son mariage avec Diana, car ses frais allaient considérablement augmenter en raison de la fondation d'une famille, comme il l'a dit.
Le fait que Charles ait commencé à payer un loyer pour sa résidence de Highgrove House à partir de 1993 était une farce, il a fini par payer le loyer à sa propre entreprise. Aujourd'hui, il le paie à son fils. Tout reste toujours dans la famille. Et selon le Guardian, la reine a soutenu son fils Andrew à hauteur de 9 millions de livres dans le procès contre Virginia Guiffre en puisant dans la caisse du Lancaster.
Autre fait piquant: depuis 1911, les testaments royaux ne doivent plus être rendus publics. La reine Mary l'avait exigé à l'époque, le testament de son frère était apparemment trop embarrassant pour elle, cela lui a été accordé. Et en 2021, à la mort du prince Philip, il a été spontanément décidé que cela resterait valable «pendant au moins 90 ans». La fortune du défunt devait être si obscène qu'on ne peut pas l'imposer au public avant longtemps.
Et ainsi de suite. La série du Guardian se lit comme un thriller financier qui couvre plusieurs siècles et les complexes les plus divers. L'histoire coloniale du Commonwealth et l'implication de la famille royale dans le commerce des esclaves sont également (re)mises en lumière - le palais s'est d'ailleurs déjà manifesté à ce sujet, Charles III voulant soi-disant faire étudier en profondeur l'histoire de l'esclavage de son pays. Le palais de Kensington, résidence de William et Kate, est particulièrement visé, sa construction ayant été rendue possible par le don d'Edward Colston, un éminent marchand d'esclaves.
Le Guardian ne cesse de publier de nouvelles enquêtes partielles, il devrait également y avoir un recensement précis montrant à quel point les différents membres de la famille royale travaillent pour leur argent. Ou comme le commente la chroniqueuse du Guardian Polly Toynbee:
Cela devrait encore plus déstabiliser les Windsor que The Crown.