«La lutte contre l'inflation n'est pas encore terminée», a déclaré Thomas Jordan en septembre. Le directeur de la Banque nationale suisse (BNS) a ainsi réaffirmé l'objectif de ramener le renchérissement en dessous de 2%. Cet objectif a été manqué de peu en 2023: en Suisse, le renchérissement annuel s'est élevé en moyenne à 2,1%.
Si Jordan parle déjà de lutte pour un taux d'inflation d'environ 2%, les mots doivent lui manquer pour décrire ce qui se passe actuellement en Argentine. Dans ce pays d'Amérique latine de 46 millions d'habitants, les prix sont devenus incontrôlables. En janvier, l'inflation a dépassé les 250% par rapport à l'année précédente. C'est le taux d'inflation le plus élevé depuis que l'Argentine est sortie de l'hyperinflation il y a environ 30 ans.
Les économistes parlent habituellement d'hyperinflation lorsque le renchérissement mensuel dépasse 50%. Ce n'est pas tout à fait le cas, pour l'heure, en Argentine. Toutefois, en janvier, la moyenne était de 20,6%, mais les biens et les services ont même augmenté de 44,4%.
Pour la population, c'est un gros problème. Selon Bloomberg, le taux de pauvreté atteint déjà 40%. Et avec l'inflation qui ne cesse d'augmenter, les économies de la population partent en fumée.
Les prix des biens de consommation augmentent beaucoup plus vite que les salaires. Ainsi, certains Argentins finissent par ne plus pouvoir s'offrir même les biens les plus élémentaires. Cet effet se fait déjà sentir dans le pays: selon une association d'entreprises, les ventes dans le commerce de détail ont chuté de près de 30% en janvier – après correction de l'inflation et par rapport à l'année précédente. Ce sont surtout les produits alimentaires, les boissons et les médicaments qui ont été moins achetés.
Et une reprise n'est pas en vue, comme le rapporte Bloomberg. Le président argentin Javier Milei a annoncé un programme d'austérité radical afin de combler, du moins en partie, le déficit budgétaire béant. Le gouvernement veut réduire sensiblement les subventions publiques sur le gaz, l'eau, l'électricité et les transports publics et augmenter les taxes sur les carburants. Ces mesures devraient continuer à faire grimper les prix.
Depuis des décennies, l'Argentine est secouée par des crises économiques. Aujourd'hui, c'est notamment son énorme dette qui est fatale au pays. En 2018 encore, le Fonds monétaire international (FMI) a accordé le plus gros crédit de son histoire au pays latino-américain - plus de 57 milliards de dollars. Au total, la dette publique s'élève à des centaines de milliards de dollars. Pour la rembourser, la banque centrale imprime toujours plus d'argent. Cela fait grimper l'inflation.
En novembre, l'ultraconservateur et populiste de droite Milei a été élu sur la promesse de mettre enfin un terme à la crise chronique de l'inflation. Son programme électoral comprenait le projet d'échanger la monnaie nationale, le peso, contre le dollar.
Cela n'a pas été le cas jusqu'à présent. Mais Milei a dévalué le peso de plus de la moitié depuis son entrée en fonction. L'objectif est d'attirer les investissements étrangers et de relancer l'économie. Reste à savoir s'il y parviendra. Le résultat, pour l'heure, est de pousser l'inflation à la hausse.
Selon les économistes, l'Argentine est au début d'une récession. Le FMI prévoit qu'en 2024, l'économie se contractera de 2,8% en tenant compte de l'inflation. En 2025, il s'attend toutefois à une reprise et à une croissance de 5%.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)