Elle est considérée tel un stratège, malgré son manque d'expérience en politique. Karina Milei, la soeur du nouveau président argentin est le moteur, un atout majeur dans le jeu de son frangin de 53 ans.
De deux ans sa cadette, elle est l'arme silencieuse pour du président ultralibéral, lui qui l'appelle «Le Messie», écrit El Pais, et aussi «El Jefe», qui signifie «le patron» (au masculin), ou parfois même la première dame.
Alors quand Javier Milei célèbre son élection, c'est elle qui se présente le soir de la victoire électorale; c'est elle qui proclamait le discours avant que le grand vainqueur ne prenne la parole et la remercie chaleureusement, face à un parterre d'électeurs acquis à la cause du président populiste.
Derrière les grands sourires et les scènes de liesse, le parcours de cette femme, célibataire et sans enfants, a de quoi intriguer les politologues les plus avertis. Son plongeon dans la marmite politique a été tardif, après avoir expérimenté différents jobs dans sa carrière.
Après des études en relations publiques dont elle est ressortie diplômée, elle a poursuivi avec un master en événementiel. Elle s'est essayée ensuite à plusieurs boulots, dans la vente de pneus et de gâteau sur les réseaux sociaux.
«En un peu moins de deux ans, elle est passée de vendeuse de gâteaux sur Instagram à secrétaire générale de la présidence», écrit le quotidien Pagina 12. Mais la pâtissière occasionnelle a délaissé son tablier pour enfiler le costume de fine tacticienne politique et fait dire à beaucoup d'Argentins qu'elle est le cerveau derrière le phénomène Milei.
Le président argentin ne s'en cache pas et s'est même essayé à la métaphore biblique pour remercier sa soeur:
Il plaisantait d'ailleurs avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en déplacement pour l'investiture du désormais président d'Argentine, que «c'est elle la vraie patronne», en désignant sa sœur.
Une relation fusionnelle qui prend sa source dans une enfance compliquée. Javier Milei s'est exprimé sur les violences physiques subies lorsqu'il était jeune: son paternel – chauffeur de bus – n'était pas un tendre et sa mère, femme au foyer, ne bougeait pas une oreille. Une éducation à la dure, dans le quartier de Villa Devoto à Buenos Aires, que Karina et Javier ont digéré ensemble, main dans la main. C'est d'ailleurs elle qui venait voir son frère aux abords du terrain de foot, quand il tapait le ballon avec les Chacarita Juniors, un club de la capitale, à l'âge de 19 ans. Les parents, eux, brillaient par leur absence.
El Pais América a cette phrase, pour décrypter ce rapport solide qui lie le frère et la soeur:
Le tandem, plus de 30 ans plus tard, reste soudé et s'avère gagnant. La soeur à la baguette, le frère pour jouer la partition. Elle fait bouger les lignes et transforme le parcours de son économiste de frangin en président du pays.
Elle, elle préfère rester dans l'ombre, refusant les multiples demandes d'interview, se terrant dans le silence (devant les médias) et préférant fignoler la stratégie politique de son frère. Cette opposante au mouvement féministe et partisane du retrait du droit à l’avortement nourrit une image de combattante féroce. «Elle est présente à toutes les réunions. Elle est très observatrice, habile et intelligente», confiait une source du mouvement politique «La Libertad Avanza» au Monde.
Ses faits d'armes ne sont pas isolés. Elle convainc son frère à bannir les costumes qu'il portait et se glisser dans celui du rocker vétéran, les cheveux hirsutes et électrisés par les tubes des Rolling Stones. C'est elle qui a eu l'idée du tirage au sort du salaire de député de Javier Milei une fois élu - il avait mis en jeu son premier salaire de député au cours d’une tombola. C'est elle aussi qui a montré la direction de la sortie à Carlos Maslatón, ancien conseiller informel de Javier Milei, peu avant le scrutin présidentiel.
La pilule était amère pour Maslatón, furieux d'être écarté, déversant son fiel sur la soeur Milei.
La léthargie lui est peu commune et les critiques ne font que lui rebondir dessus. La presse argentine noircit des pages de leur quotidien pour parler du premier scandale du mandat Milei, avec la nomination de Karina Milei comme secrétaire. Mais la carapace bien en place, elle construit le règne fulgurant de son frère dans l'ombre, en tirant les ficelles d'un président excessif, mais qui trouve un fort écho auprès de la population argentine. Et il est l'œuvre de Karina Milei, qui a sorti son chevalet et ses pinceaux, peignant une toile politique qui emmène le pays vers l'inconnu.