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Ce documentaire sur Roman Polanski fait peur à tout le monde

Roman Polanski et Ryszard Horowitz dans Promenade à Cracovie.
Roman Polanski et Ryszard Horowitz dans Promenade à Cracovie. image: capture d'écran émission c à vous

Ce documentaire sur Roman Polanski fait peur à tout le monde

Réalisé par deux jeunes Polonais, Promenade à Cracovie, qui retrace l'enfance juive de Roman Polanski et du photographe Ryszard Horowitz dans le ghetto pendant la guerre, fait peur aux salles de cinéma françaises en raison des accusations de viols visant le cinéaste. En Suisse, une salle est intéressée.
12.07.2023, 18:5613.07.2023, 08:16
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«Et puis, on s’est dit merde, on va le passer.» La peur n’a pas eu le dernier mot. Le cinéma Omnia République, à Rouen, en Normandie, bien qu’intéressé, avait renoncé à programmer Promenade à Cracovie. «On craignait des actions de dégradations», confie cet employé de la salle, qui souhaite garder l’anonymat. Finalement, le documentaire a bien été projeté, la semaine dernière et jusqu’à ce mercredi encore.

Promenade à Cracovie, des jeunes réalisateurs polonais Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer, réunit le cinéaste Roman Polanski et le photographe Ryszard Horowitz sur les traces de leur enfance juive, dans cette ville de Pologne proche du camp d’Auschwitz, où la mère de Roman Polanski trouva la mort en 1943.

Les deux hommes, inséparables du début à la fin du documentaire, affrontent leur histoire marquée du sceau de la séparation, à compter de l’entrée des Allemands en Pologne en 1939. Ils n’ont pas le même âge, Roman, né en 1933, a six ans de plus que Ryszard, mais l’un et l’autre partagent des souvenirs communs du ghetto. La famille de Ryszard Horowitz est l’une de celles sauvées par Oskar Schindler, auquel Steven Spielberg consacra un film. Envoyé par son père, rescapé du camp de Mauthausen, dans une famille de paysans catholiques qui le cacha, Roman Polanski vécut jusqu’à la fin de la guerre à la campagne.

«Polanski pose un problème»

«Polanski pose un problème», constate l'employé de la salle rouennaise. Le cinéaste est considéré comme fugitif aux Etats-Unis, où il est accusé d’avoir drogué et violé une mineure de 13 ans en 1977 dans une villa d’Hollywood. Alors qu’un accord avait été trouvé à l’époque avec le procureur, suite à l’abandon des charges les plus lourdes, celui-ci s'était finalement ravisé. Entre-temps sorti de prison, Roman Polanski, apprenant ce revirement, avait fui en Europe. Depuis, Samantha Geimer, la victime, a «pardonné» et demandé l’arrêt des poursuites visant le cinéaste.

Mais d’autres accusations de viols et agressions sexuelles se sont ajoutées par la suite, onze au total, des faits qui remonteraient aux années 70 et 80. La vague #MeToo n’a pas épargné Polanski. En 2018, il est exclu de l’Académie des César, mais son film J’accuse, sur l’affaire Dreyfuss, reçoit trois César en 2020, dont celui de meilleur réalisateur, ce qui provoque un scandale.

«Il faut essayer de voir les choses sur plusieurs plans», plaide le collaborateur du cinéma rouennais.

«Le documentaire Promenade à Cracovie, très bien fait, nous plonge dans une page d’Histoire insoutenable, celle de la Shoah. On est dans l’enfance de Polanski. Ce qui vient après n’efface pas ce passé, qui vaut témoignage pour le présent»
Le collaborateur du cinéma Omnia République, à Rouen

Sorti en salle le 5 juillet, Promenade à Cracovie a failli ne pas trouver preneur. Deux cinémas parisiens se sont enfin annoncés, L’Arlequin et Le Balzac, rejoints par Omnia République à Rouen. A présent, une dizaine de salles le diffusent dans l’Hexagone. Le passage dans l’émission C à vous, le 22 juin, de Michèle Halberstadt, cofondatrice d’ARP, la société qui distribue le documentaire en France, a semble-t-il donné du courage à certains.

Michèle Halberstadt, jointe par watson:

«Il ne faut pas avoir peur, il ne faut pas se laisser impressionner»

«Le délégué général du festival de Cannes, Thierry Frémaux, est intervenu auprès d’une salle à Lyon pour qu’elle passe Promenade à Cracovie», rapporte la cofondatrice d’ARP, qui note que la projection du documentaire n’a entraîné «aucun incident». Sur les viols reprochés à Polanski, «des questions se posent, je ne suis pas juge», dit-elle.

«Roman Polanski a posé une condition»

Anna Kokoszka-Romer et Mateusz Kudla, deux Polonais issus de familles catholiques, avaient respectivement 29 et 26 ans lorsqu’ils se sont lancés dans le tournage de Promenade à Cracovie, leur ville. «De mon côté, j’étais étudiante en journalisme et j’avais commencé un travail sur Roman Polanski, me plongeant dans sa biographie. J’ai découvert des choses, j’ai voulu approfondir», raconte-t-elle à watson.

«Mon collègue et moi avons eu l’idée d’un documentaire sur Roman Polanski. Il était d’accord, à une condition, c’est d'y inclure Ryszard Horowitz, un célèbre photographe ayant acquis la nationalité américaine. C’était une idée géniale. Ce qui nous importait, en faisant témoigner ces deux survivants, c'était de parler des juifs qui étaient morts, ceux du ghetto, dont nous côtoyons chaque jour les traces.»
Anna Kokoszka-Romer

Bientôt en Suisse?

Pour l’heure, les distributeurs suisses n’ont pas encore manifesté leur intérêt pour le documentaire des réalisateurs polonais. Mais à Genève, Alfio, un employé des Cinémas du Grütli, aurait «envie de le diffuser, ça a l’air très bien». «Je n’en ai pas encore parlé avec le directeur», précise-t-il. «Promenade à Cracovie, c’est une dénonciation du nazisme», rappelle-t-il.

L'an dernier, l'annonce du tournage à Gstaad (BE), où il possède une résidence, du prochain film de Roman Polanski, The Palace, avec Mickey Rourke et Oliver Masucci, avait suscité des réactions hostiles de femmes «travaillant dans le milieu de la culture». Le film, dont la sortie est prévue en septembre, aura-t-il des distributeurs en France et en Suisse?

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