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Climat

Les océans continueront à être exploités sans retenue

Les océans resteront une zone de non-droit, exploitables sans retenue

Une grande partie des eaux du monde n'appartient à personne, ce qui les rend particulièrement vulnérables à l'exploitation excessive. La dernière tentative de protéger la haute mer vient d'échouer.
03.09.2022, 16:04
Deep-sea fishing in the Norwegian Sea on board the trawler Grande Hermine in 2011 Deep-sea fishing in the Norwegian Sea on board the trawler Grande Hermine in 2011. La Grande Hermine, factory trawler  ...
Il n'existe pas encore d'accord sur la protection des espèces en haute mer. image: imago
Theresa Crysmann / t-online
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Une étendue sans fin, infiniment lointaine: quelle que soit la côte sur laquelle on se trouve, la haute mer ne se laisse pas apercevoir. Elle ne commence qu'à 200 miles nautiques, soit environ 370 kilomètres, des côtes et est plus grande que tout le reste du monde. Ses eaux couvrent plus de la moitié du globe terrestre et ont valu à notre Terre un surnom qui semble désormais presque galvaudé: la planète bleue.

La haute mer, c'est quoi?
On désigne par eaux internationales, ou par haute mer, des parties des océans et des mers du monde qui n'appartiennent à personne et qui ne sont donc, pas protégées.

La plupart des gens ne voient jamais la haute mer. Et pourtant, sans elle, nous ne pourrions pas exister. Les eaux du monde produisent plus de 50% de l'oxygène que l'on trouve dans l'atmosphère. Elles refroidissent la planète, absorbent les gaz à effet de serre, fournissent de la nourriture et abritent plus d'animaux et de plantes qu'il n'y en a sur la surface terrestre de tous les continents. Mais une malédiction pèse sur la haute mer.

La haute mer, une zone de non-droit

La haute mer n'appartient à personne car ses eaux se situent en dehors des territoires nationaux. C'est précisément pour cette raison que cette partie du monde est exploitée comme aucune autre. C'est pour ainsi dire une zone de non-droit.

Certes, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1980 réglemente l'exploitation de la haute mer et de ses ressources. Mais la protection de l'écosystème, de la faune et de la flore, n'y figure pas du tout. Jusqu'à présent, seul 1% de ces zone est protégé de l'exploitation humaine par d'autres moyens.

Partout ailleurs, la règle est la suivante: chacun prend ce qu'il veut. Sans se soucier des pertes, et surtout pas de celles de la collectivité. Et ce malgré des ressources limitées. Les conséquences sont particulièrement visibles au niveau des stocks mondiaux de poissons.

Deep-sea fishing in the Norwegian Sea on board the trawler Grande Hermine in 2011 Deep-sea fishing in the Norwegian Sea on board the trawler Grande Hermine in 2011. La Grande Hermine, factory trawler  ...
Malgré la surpêche, la consommation de poisson augmente. image: imago

Plus d'un tiers des stocks de poissons sont désormais considérés comme surpêchés et la tendance est à la hausse, avertit l'Organisation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture. Parallèlement, de plus en plus de déchets plastiques se retrouvent dans les océans. On estime qu'ils représentent jusqu'à 12,7 millions de tonnes par an, soit l'équivalent d'un chargement de camion par heure. Si cela continue, le poids du plastique marin pourrait dépasser la masse totale de tous les poissons d'ici 2050.

Les espèces qui parviennent encore à subsister sont mises à mal par la crise climatique et l'augmentation du bruit sous-marin. La haute mer devient plus chaude, plus acide et plus bruyante. Il ne reste plus que quelques zones de refuge qui ne sont pas soumises à la pression de l'homme. Et là aussi, la fin de la tranquillité menace.

L'exploitation minière, prochain grande menace

En effet, les eaux profondes sont souvent riches en cobalt et autres minerais rares, un fait qui fait rêver de plus en plus d'entreprises minières. Là où les gisements terrestres s'épuisent et où l'extraction coûte de plus en plus cher, elles affûtent leurs foreuses pour l'exploitation minière sous-marine.

De la surface de l'eau jusqu'aux profondeurs, les océans du monde sont désormais sous pression. Il ne semble guère surprenant que le secrétaire général de l'ONU, Antonio Gutérès, ait déclaré en juin «l'état d'urgence des océans». Comme lui, nombreux sont ceux qui espéraient qu'avant la fin de l'été, il y aurait pour la première fois un accord juridiquement contraignant de l'ONU pour la protection de la haute mer.

En effet, cela fait plus de 20 ans que les Nations unies œuvrent à l'élaboration d'un tel traité. La pollution plastique, chimique et sonore, tout comme l'exploitation des zones de pêche et des matières premières, n'ont pas seulement des effets locaux car les mers du monde sont étroitement interconnectées. Si elles sont polluées ou surexploitées à un endroit, cela a des conséquences sur l'ensemble de l'écosystème.

Le dernier cycle de négociations des Nations unies sur la protection de la biodiversité dans les eaux internationales s'est achevé tôt samedi matin. Le résultat est le même que les quatre dernières fois: aucun accord n'a été trouvé.

Une nouvelle fois, pas de contrôle environnemental

«Cette issue de la conférence est regrettable, car l'état catastrophique des océans est connu de tous et s'aggrave rapidement», déclare Fabienne McLellan, directrice de l'organisation de protection des océans Oceancare. Elle s'était rendue à New York pour les négociations, avec dans ses bagages, l'espoir d'obtenir des zones marines protégées, un moratoire sur l'exploitation minière en eaux profondes et, surtout, un «TÜV (Association d'inspection technique) environnemental» pour la haute mer.

«Cela peut paraître un peu sec, mais c'est un instrument de politique environnementale qui permet d'examiner les projets et les autorisations en fonction de leur impact sur l'écosystème de la haute mer», a déclaré McLellan. Selon elle, le «TÜV environnemental» est un instrument de contrôle systématique avec des normes contraignantes pour l'ensemble de la haute mer.

«L'état catastrophique des océans est connu de tous et s'aggrave rapidement»
Fabienne McLellan, directrice de l'organisation de protection des océans Oceancare.

Les activités qui ne passeraient pas le contrôle TÜV ne seraient pas autorisées. Si l'idée figure dans le dernier projet de traité, les détails pratiques font encore défaut.

«Le champ d'application n'est actuellement pas défini dans le projet de texte, tout comme la question de savoir si le pouvoir de décision revient à un organe commun ou est laissé à des pays individuels.»

Mais on reste optimiste. C'est de toute façon la seule option possible au vu du nouvel échec des négociations.

Questions de détails et contraintes de temps

L'entrée en vigueur prochaine de l'accord dépendra de l'Assemblée générale des Nations unies. Celle-ci doit donner son feu vert à un nouveau cycle de négociations. Et même dans ce cas, il faut au moins 60 Etats signataires pour ratifier l'accord.

«D'un côté, nous avons des pays riches qui pêchent à grande échelle, qui exploitent les ressources du sol, qui sont responsables de la pollution des mers et qui déstabilisent l'écosystème de la haute mer. On peut donc tout à fait parler de freins dans les négociations. Et en face d'eux, il y a les pays en développement qui en ressentent le plus les effets.»
Fabienne McLellan.
June 26, 2022, Mombasa, Kenya: Plastic trash is seen on the shores of the Indian Ocean in Lamu Old Town. Pollution from human activities has negatively impacted the oceans. Kenyan President Uhuru Keny ...
Les courants marins charrient chaque année 50 tonnes de déchets plastiques. image: imago

Trouver des compromis dans ce domaine n'est pas chose aisée. Les intérêts nationalistes des différentes délégations étaient clairement perceptibles dans la salle de négociation. Les pourparlers n'ont finalement échoué que sur des questions de détail et en raison du temps limité. Nous sommes dans la dernière ligne droite, mais il faut que cela fonctionne lors de la prochaine tentative. C'est aussi dans l'intérêt de la protection du climat.

«Les océans sont nos meilleurs alliés dans la lutte contre le changement climatique», a déclaré McLellan. «Ils ne peuvent remplir leur fonction de régulateur du climat que s'ils sont en bonne santé et résilients. Chaque espèce marine joue un rôle important dans ce fragile équilibre écologique. La préservation de la biodiversité doit donc être au cœur de l'accord sur la haute mer et les gouvernements doivent y veiller.»

Article traduit de l'allemand par Léa Krejci

Sources:

Un énorme requin-marteau se déchaîne sur une plage
Video: watson
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