Des inondations monstres aux incendies dévastateurs, l'année 2022 aura abrité un nombre incalculable d'anomalies et de catastrophes climatiques.
Histoire de plomber l'ambiance avant les cotillons, rappelons au passage que les dix plus grands désastres naturels ont coûté 168 milliards d’euros aux collectivités publiques. Sans compter les morts.
Surprise, l'année 2022 a aussi vu naître deux nouvelles techniques de défense du climat: le gribouillage d'œuvres d'art et le collage de mains sur autoroute. Des actions à la sauce TikTok qui se sont répandues sur la planète comme une giclée de soupe sur un Van Gogh. Mais la démultiplication mécanique du procédé a fini par gaver bien plus vite qu'une bûche le 25 décembre.
2022 fut aussi une année où la plus célèbre des militantes climatiques s'est réfugiée en coulisses d'un combat qui l'a pourtant révélée. Sans elle, pas de mains sur le bitume ni de purée de pommes de terre sur un tableau. Après avoir incarné l'avenir de la planète à la manière d'un Beatles en tournée mondiale, Greta Thunberg s'est tue. Pour ne pas se faire dévorer par le burn-out, éviter la bave de ses (violents) détracteurs, envisager sa succession (quelle idée) et écrire un bouquin.
On la comprend: ce n'est pas de tout repos de s'engager sans se départir de son esprit critique. D'autant plus lorsqu'on a été diagnostiquée autiste Asperger à l’adolescence et élue «personnalité de l'année» à seize ans. Greta n'était pas majeure au moment de se faufiler, avec poigne et jugeote, entre les cravates des décideurs peu prompts à épargner mère Nature.
«C'est parfois difficile d'y voir clair.» Greta Thunberg, 19 ans et les couettes au placard, avoue ne pas tout savoir et se remettre parfois en question. On croit rêver. Plus jeune et moins expérimentée que Donald Trump, Cyril Hanouna, Vladimir Poutine, Elon Musk, Meghan Markle ou Sandrine Rousseau, elle rêve simplement d'«y voir clair». Comprenez: peser les intérêts, rendre ses actions utiles et profitables, participer le moins possible au tintamarre ambiant et se protéger.
«Y voir clair», «mettre un coup de frein», savoir où sont «ses limites», autant d'activités décidément peu à la mode cette dernière année. Du plateau de Touche pas à mon poste (TPMP) à Twitter, en passant par l'Assemblée nationale, le Kremlin ou le cerveau de Kanye West, 2022 a foncé tête baissée, vociféré, matraqué, jugé, dépassé les bornes et caressé son nombril.
Jusqu'à cette ultime et harassante semaine.
Si l'humiliation infligée par Greta Thunberg à ce dangereux abruti d'Andrew Tate a fait saliver toute la planète, ce n'est pas tant par goût de la bagarre. En deux messages d'une concision dévastatrice, Greta a su cumuler intelligence, humour, élégance et fermeté: oui, elle a tourné sept fois son tweet dans sa bouche avant de faire mouche. Tout ce qui a cruellement manqué au monde cette (longue) année. Y compris aux groupies modernes de la jeune Suédoise. Alors, forcément, on jubile.
Sans le savoir (et surtout sans le vouloir), Greta montre la voie pour 2023. Ce chemin de plus en plus escarpé qu'il serait peut-être sage d'emprunter, si l'on a encore un tantinet foi en l'humanité.
Si seulement tout pouvait se régler comme un tweet de Greta Thunberg.