«Ça incite à participer au mouvement, c’est plutôt une bonne stratégie, mais les jeunes le feront surtout pour le challenge.» Cette stratégie dont parle le jeune Nicolas au Parisien, porte un nom: #BlocusChallenge. Dimanche dernier, Louis Boyard, le benjamin de l'Assemblée nationale, a voulu réveiller les étudiants à sa façon. Du moins, à la manière de TikTok.
Tous les codes du genre sont là: une courte vidéo face caméra, un hashtag, quelques slogans trempés dans un vernis révolutionnaire, un petit susucre à la clé et, c'est peut-être le plus important, le mot «challenge».
Sur le papier, avouons que c'est plutôt bien essayé. Boyard a 22 ans et pas mal de la bouteille une fois son smartphone en main. Très à l'aise sur Twitter, habile avec TikTok, l'élu LFI sait très bien que depuis la naissance des réseaux sociaux, les défis joyeusement con-con n'ont jamais cessé d'avoir la cote. Or, d'ordinaire, on se jette un bac à glaçons sur la gueule. Pour rire ou pour récolter un peu de fric pour une bonne cause. Mais utiliser ces méthodes pour faire monter la colère contre le gouvernement et sa réforme des retraites a tout d'une farce qui peut s'avérer dangereuse.
Si l'on suit le raisonnement de l'élu de la Nupes, la jeunesse française, certes difficile à intéresser à la politique, serait carrément incapable de lever son cul des amphis sans se voir offrir une petite récompense. Jouer à la grève, OK, mais j'ai quoi en retour? Un jeu. Un concours. Et un petit cadeau au bout de l'épreuve. Autrement dit, celui qui a fait cracher 3,5 millions d'euros d'amende à C8 après son clash avec Hanouna a fomenté son Fort Boyard de la grève: bloquer des campus, prendre une photo et gagner une visite guidée de l'Assemblée nationale.
En bon Père Fouras, Jean-Luc Mélenchon a défendu son Passe-Partout sur Twitter et fidèle à lui-même: «Coup au but! Tous les perroquets du régime surjouent l'indignation et font la pub de ton idée! Ils ont oublié les clowneries de Macron avec les youtubeurs.» Mais le challenge de Louis Boyard a aussi fait tiquer. Pour la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, «la politique et l'Assemblée ne sont pas un challenge TikTok». La première ministre ne s'est pas non plus privée de gifler l'exercice.
Valérie Pécresse est allée encore plus loin. «Au nom de la région Ile-de-France», elle a décidé de «porter plainte contre Louis Boyard pour incitation au délit d'entrave et incitation à la violence». Bien sûr, c'est la droite et les membres du gouvernement qui se sont publiquement étranglés. L'occasion était trop belle pour ne pas moquer cette gauche bruyante et endurante, qui ferait tout (et parfois n'importe quoi) pour enterrer la réforme des retraites d'Emmanuel Macron.
Pour Jean-Paul Markus, un professeur de droit cité par FranceInfo, «on a bien affaire à un député qui appelle à violer la loi», puisque les étudiants doivent pouvoir suivre les cours «dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d'enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l'ordre public».
Evidemment, Louis Boyard n'est pas un Trump en couches-culottes ayant appelé tout un peuple à l'insurrection. Un lycée n'est pas le Congrès américain, les étudiants ne sont pas des Proud Boys et personne n'a offert un burger à quiconque allait défoncer une fenêtre du Capitole.
Le principal intéressé, sans surprise, est très satisfait de son initiative, puisqu'elle aurait «provoqué la panique bourgeoise». Elle a surtout cumulé plus de 5 millions de vues. Mais la panique pourrait s'étendre si, d'aventure, l'intensité des challenges politiques à la sauce TikTok venait à s'intensifier. Car, c'est connu, un étudiant, avant d'être un branleur qui ne marcherait qu'à la récompense, comme le suggère Louis Boyard, c'est avant tout un jeune qui a sans cesse besoin d'être stimulé.